Le club culturel Tahar Haddad accueille mardi 3 novembre une rencontre sur le parc des salles de cinéma en Tunisie, un parc qui se rétrécit comme peau de chagrin depuis quelques années et qui permet néanmoins d'organiser des festivals et des sorties commerciales de films. Dès lors peut-on parler de crise ou bien existe-t-il des solutions de régénération de ce parc de salles? Plus largement, que peut représenter une salle de cinéma aujourd'hui en Tunisie? Adieu les temples du 7ème art... Bonjour les cinés de poche Jusqu'aux années 80, les salles de cinéma se comptaient par dizaines en Tunisie. La première de ces salles avait ouvert ses portes en 1908 et les années cinquante avaient connu une floraison remarquable. Temples du cinéma à l'image du Colisée ou du Palmarium, cinés de poche comme le Studio 38, le Kléber ou le Marivaux voire salle de quartier comme le Lido, le Star ou le Bijou, les cinoches étaient partout à une époque où la télévision n'était pas encore reine et où lorsqu'on aimait la vie, on allait au cinéma. Elles étaient des dizaines les salles de Tunis et de toutes les grandes villes du pays. Comment oublier le Cinémonde, le Globe ou le Paris? Que reste-t-il du Capitole, du Ciné Soir ou des Champs Elysées? Quid du Biarritz ou du Midi Minuit? Toutes ces salles ont eu leur heure de gloire puis se sont éteintes les unes après les autres. A l'intérieur du pays, le constat est plus alarmant puisque de nombreuses villes n'ont aucune salle de cinéma. En ce sens, il est frappant de voir les jeunes étudiants de 20 ans venus du sud ou de l'ouest qui mettent les pieds pour la première fois au cinéma lorsqu'ils arrivent à la capitale. Dans cette capitale, il ne reste qu'une poignée de salles qui ont survécu grâce à l'activisme de Jilani Gobantini et au... théâtre. En effet, lorsqu'elles n'ont pas disparu, les salles de cinéma ont été transformées en théâtres comme dans les cas de l'Alhambra avec Ezzeddine Gannoun, le Mondial avec Mohamed Driss et Férid El Almi ou le Rio avec Habib Belhadi. C'est vrai que le théâtre a en quelque sorte sauvé le cinéma sinon plusieurs anciennes salles auraient connu la déchéance totale. Sur un autre plan, ce sont les maisons de la culture et les cinés de poche qui ont pris le relais. Pénurie de salles... Profusion de films... Sans les maisons de la culture et leurs journées cinématographiques et cycles de films, cela ferait belle lurette que le ciné aurait disparu. Réparties sur tout le territoire de la république, ces centres culturels relaieront l'action de la Satpec et de ses salles ainsi que celle des ciné-clubs nombreux à s'y déployer. Pendant des années, la cinéphilie s'est vécue dans cette ambiance de ciné-club ou bien lors des grands festivals comme les JCC ou le festival international de Carthage qui s'accompagnait d'une semaine de cinéma. Toutefois, même si les ciné-clubs connaissent un regain d'activité, ce modèle s'est essoufflé au profit d'une nouvelle génération de salles de cinéma, plus petites et multifonctionnelles, à l'image justement des maisons de la culture. Des salles de la banlieue nord comme l'Agora et Madart offrent une centaine de sièges et une programmation qui ne tourne pas uniquement autour du cinéma. C'est le cas aussi de la salle Amilcar et d'autres théâtres de poche qui proposent une programmation cinématographique. Toutefois, les prix des billets sont prohibitifs et nombreux sont ceux qui préférent l'achat pur et simple de DVD ou d'autres supports qui, home cinéma aidant, permettent de projeter des films chez soi. Cette tendance démontre d'ailleurs que le cinéma se porte bien mais que le visionnage de films en salle n'est plus ce qu'il était. En tout état de cause, ces cinémas de poche et aussi la consolidation des équipements des maisons de la culture constituent une bonne nouvelle et pourraient dessiner des alternatives culturelles en attendant la toujours possible naissance de complexes multisalles qui pourraient enfin mettre les villes tunisiennes au diapason des autre pays. Car il est tout de même rageant et déplorable de constater que les équipements cinématographiques d'une capitale de plusieurs millions d'habitants ne sont même pas au niveau d'une simple bourgade en Europe... Ceci sans évoquer l'intolérable déséquilibre entre quartiers, régions et autres péripheries ou la cinématographie est inexistante. Que sont nos salles donc devenues? Une question qui vient bien à propos à la veille des JCC 2015 et sur fond d'une production filmique tunisienne devenue invisible à cause de la pénurie de salles de cinéma!