Par : Khaled Guezmir Depuis que l'avion « Tunisie » a atterri à l'aéroport de la Révolution, les zones de turbulences se suivent et se ressemblent ! Jusque-là, nous avons pu éviter le crash grâce à la bonne mécanique de l'appareil en l'occurrence l'administration et l'armée, mais aussi à quelques bons pilotes hors des « politiciens » partisans. Mais, à chaque fois que l'aéronef tunisien se met sur la bonne trajectoire, que la paix sociale s'améliore, que les opérateurs économiques se remettent en marche, la « politique » le tire à nouveau vers les gros nuages atmosphériques et de nouvelles zones de turbulence. Un adage arabe dit à ce propos : « Yafaâlou al jahilou binefsihi ma la yafaâlou al aâdouwou bi aâdouwihi » (l'ignorant se fait plus de mal par lui-même que par son ennemi). Voilà où nous en sommes ! Toutes les démarches « politiciennes » du pouvoir en place poussent le pays à l'imprévisible et à de futures crises qui s'annoncent bien graves à tous les niveaux. Je commencerai par ce concept problématique celui de « Tahsin athawra » (la consolidation de la Révolution). Les uns y voient la solution pour « barrer la route », à un retour possible de l'absolutisme et de la corruption, de l'ancien régime. Les autres y voient tout simplement un stratagème pour « consolider » la Nahdha au pouvoir contre tous ses adversaires politiques crédibles, donc un détournement de la Révolution de ses objectifs initiaux : la démocratie et la justice sociale. Le résultat est catastrophique aussi bien pour la centrale islamiste que pour l'image du pays tout entier et l'évolution du « Printemps arabe ». En dehors des courants islamistes, tout le reste, y compris l'environnement médiatique et international y voit une « confiscation du Printemps arabe ». Nous l'avons dit et nous le répétons, la Nahdha n'a pas besoin de cette loi de l'exclusion pour gagner ou bien se placer aux prochaines élections, si elles ont lieu, parce qu'elle a gagné celles du 23 octobre 2011, sans recourir à ce genre de démarche, déloyale et nuisible à sa crédibilité. Autre résultat, plus on croit priver « Nida Tounès »et son leader M. Béji Caïd Essebsi de leurs soutiens populaires et plus ils montent dans les sondages. Le dernier en date du 27 mai courant, donne une avance confortable au pôle « Nida Tounès » et même très significative, d'autant plus qu'il est perçu de plus en plus comme le seul mouvement capable de battre la Nahdha ou au moins de limiter son expansion. A propos d'expansion, seuls les grands physiciens, comme Stéphan Haw-king, président de la chaire de Newton à Cambridge, peuvent nous aider à comprendre le phénomène qui n'est pas propre aux étoiles ou au Cosmos. Apparemment l'univers avant le « Big Bang » était réduit à l'infiniment petit par l'effet de la contraction. Mais le grand « boom » stratosphérique a remis le Cosmos vers l'expansion, celle que nous connaissons actuellement, jusqu'au prochain « Big Bang » et la recontraction. Idem pour les idéologies et les révolutions. Elles naissent à partir de déflagrations puis elle vont vers l'expansion jusqu'au jour où la nature humaine excédée par leur intransigeance et leur démesure, les rejette pour d'autres systèmes plus tolérant et plus humains. Cela a été le cas de la Révolution russe de 1917 qui a fini avec la désintégration de l'Empire soviétique, puis de la Révolution chinoise qui a fini par éjecter le Maoïsme pur et dur pour un renouveau libéral et même capitaliste. L'expansion de l'Islam politique suivra la même courbe avec quelques différences. On pourra toujours affirmer que l'Islam est une religion, et qu'à ce titre, il ne subit pas l'érosion idéologique du politique. Oui, quand il s'agit de l'Islam, cette relation intime avec le créateur. Non quand il s'agit de l'Islam politique ascendant parce que là on quitte l'espace religieux pour l'espace politique et les règles de l'expansion et de la contraction sont les mêmes pour toutes les « politiques ». D'ailleurs, l'Occident chrétien l'est toujours, avec une évolution vers une sécularisation de la religion. C'est la séparation de l'Eglise et de l'Etat qui a permis au christianisme politique (la démocratie chrétienne) de durer et de s'intégrer dans les mécanismes de la démocratie politique pluraliste occidentale. A mon humble avis et l'Histoire le dira un jour, peut-être à nos petits-enfants, la seule chance pour l'Islam politique de durer, après cette expansion ascendante et intransigeante qu'il connaît, c'est d'évoluer vers une certaine « laïcité » comme celle vécue par la « laïcité chrétienne ». Ce mot de « Laïcité » ne doit pas faire peur aux musulmans. Ce n'est pas un reniement de Dieu ou de la religion. Bien au contraire, c'est d'intégrer l'Islam politique dans le durable par l'acceptation des lois essentielles de la démocratie à savoir : la séparation des pouvoirs et l'alternance pacifique par les élections et non la violence. Aujourd'hui, poussé et dopé par son actuelle expansion « universelle », l'Islam politique fait fausse route en jouant le jeu de l'exclusion, du refus des autres courants de pensée, de l'alternance pacifique au pouvoir. Aujourd'hui, plus que jamais, la Nahdha est confrontée à deux choix douloureux : La dérive despotique de l'expansion idéologique ou la contraction démocratique et libérale. A court terme l'expansion par la violence des ligues de protection de la Révolution, l'exclusion et le non-droit peuvent être la solution, mais elle en paiera les effets dans le moyen et le long terme ! Les vrais sages de la Nahdha eux, le savent ! « Wa innaka la tahdi man ahbabta lakenna Allah yahdi man yacha ». (Sadaka Allahou Al Adhim)…