Actif politique Soucieux de contribuer à la recherche de solutions susceptibles de résorber le chômage, M. Manour Moalla vient de publier le 3/2/2016 dans le périodique Leaders une proposition qu'il a retransmise le surlendemain lors de sa rencontre avec le président de la République. Ce projet relayé par plusieurs usagers des réseaux sociaux est clair et ne manque pas d'illustration. Il consiste à « demander à toutes les entreprises exerçant effectivement de recruter un nombre de personnes sans emploi égal à 15% du total de la main-d'œuvre exerçant dans l'entreprise et ce, durant une période de 3 ans. » Plus concrètement, l'auteur l'étaie d'une façon qui ne laisse aucune ambiguïté : « A titre d'exemple, une entreprise comprenant 20 salariés doit procéder au recrutement d'un nouveau salarié par an soit 3 salariés durant trois ans. » Comme beaucoup d'experts s'autocensurent et s'abstiennent à toute critique envers un tel étalon, je me suis senti interpellé, voire provoqué d'autant que ces conseils émanent d'un homme d'Etat aguerri depuis l'indépendance de la Tunisie. En effet, la crise morale s'est tellement propagée, l'hypocrisie politique s'est tellement emparée de tous les esprits qu'on se livre à toutes les acrobaties pour ne pas aller directement au vif du problème. C'est probablement, dans cet environnement de pusillanimité intellectuelle et de manque de courage que M. Mansour Moalla recourt à un exercice de rafistolage qui escamote plusieurs paramètres économiques incontournables. Limites du rafistolage La première remarque qui s'impose touche le déséquilibre entre les régions. Ainsi, l'intensité du chômage, l'installation des unités de production et les caractéristiques de la main-d'œuvre sont très inégalement réparties. D'où, l'impossibilité d'appliquer ce mode d'embauche. Par exemple, faute d'entreprises dans les régions de l'intérieur, du nord ouest et du sud, on ne va pas remédier à une situation de crise au moyen d'un mouvement d'exode dont les conséquences seraient plus fâcheuses. Encore, faut-il rappeler que la disparité de cette main-d'œuvre oisive constitue un vrai goulot d'étranglement. En second lieu, ce mode d'embauche, dont l'entreprise n'a pas besoin dans l'immédiat, coûte éminemment cher dans la mesure où l'espace, le matériel, le meuble et tant d'autres facteurs de production doivent être soumis à la révision qui ne fait qu'étouffer le processus de production et les opérations qui suivent. Par ailleurs, il faut prévoir les incidences désastreuses sur les plans de la gestion du travail et de la productivité. De surcroît, l'application de cette proposition risque fort probablement d'engloutir l'entreprise dans l'immobilisme et d'y bloquer la créativité. Elle l'emprisonne dans la gestion de l'immédiat et dans l'incapacité de songer au stratégique. Dès lors, une telle panacée accule toute l'économie à une autosuffisance incapable de rivaliser avec des économies en perpétuelle mutation et pleinement ancrées dans la logique de la mondialisation. Que faire ? Pour tout dire, la vérité est douloureuse. Dans l'immédiat, elle réside, non seulement, dans la révision du code du travail et de l'action syndicale encore agglutinée aux méthodes revendicatives classiques et dépassées, mais également dans le sacrifice de tous. Par ailleurs, inutile de tergiverser. Il est urgent de supprimer la compensation. Aussi, n'est-il pas une honte de boire un café qui coûte au moins 3 fois le prix d'un pain ? N'est-il pas ridicule de téléphoner quotidiennement avec le prix de 5 pains pour dire « ça va ? chnoua tayebt lioum ? (qu'est ce que tu as préparé aujourd'hui ?) » Et en contrepartie n'est-il pas sarcastique qu'un pain vaut 230 millimes +20 millimes gratos faute de monnaie ? Sans compter les autres mondanités qu'il faudrait modérer en achetant les produits soutenus avec leur coût réel. Si cette aubaine qui ne peut pas être inférieure à mille milliards est investie dans l'encouragement des projets dans les régions défavorisées, une nouvelle occluse pérenne et intarissable s'ouvrira, et l'espoir deviendra de plus en plus une réalité irréversible. Il y a également la décentralisation généralisée avec plus de prérogatives. Cette mesure a plus d'avantages que de limites. Elle vise à engager les responsables locaux et à les pousser à inventer et à imaginer. C'est la décentralisation qui desserre l'étau autour du pouvoir central et qui lui permet de se consacrer aux grands choix. Tout cela ne peut être industrieux que lorsque la formation professionnelle est restructurée et sérieusement revalorisée. En effet, ce créneau est actuellement amorphe et a éminemment besoin d'un souffle susceptible d'optimiser son efficacité. C'est au karcher qu'il faut s'attaquer aux mauvaises habitudes stériles et improductives. Ces mesures et tant d'autres présentes dans mon esprit et auxquelles je reviendrai en détails ne peuvent donner leurs fruits qu'avec un pouvoir autocentré, déterminé à avancer en choeur quelles que soient les vicissitudes. Avec un seul but : redresser les garde fous de l'Etat afin de pouvoir lutter contre l'économie informelle, désagréger la corruption et surtout engager les diplômés chômeurs dans l'économie numérique universelle par le biais de formations payées. Ce n'est point de la magie. C'est la pratique qui doit transcender les jacasseries, le bla-bla-bla.