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"L'Etat de Médine, du Prophète, était un Etat laïc"
Publié dans Le Temps le 13 - 03 - 2016

Mohamed Talbi, le mal-aimé des conservateurs – à cause de ses interprétations, qu'ils considèrent comme extravagantes, du texte coranique – et des progressistes qui lui en veulent à cause de certaines attaques qu'il adresse à quelques-uns de ses collègues, nous a reçus pour la grande interview de la semaine.
Au cours de cet entretien, l'historien nous a dévoilé son analyse des derniers événements survenus dans la ville de Ben Guerdane et sur les causes qui, selon lui, amènent nos jeunes à se radicaliser de plus en plus. L'actualité politique n'a pas été omise au cours de cette rencontre.
-Le Temps: Vous avez certainement suivi l'attaque qui a visé la ville de Ben Guerdane en début de semaine. Quelle est votre lecture de cet incident ?
Mohamed Talbi:Cette attaque a permis de révéler, en réalité, les capacités et compétences dont disposent nos forces armées. C'est une grande réussite sécuritaire.
-Avez-vous été surpris par le comportement des habitants de la ville qui se sont rangés du côté de nos forces armées surtout que, durant des mois, on nous faisait comprendre que les habitants du Sud seraient des sympathisants de Daêch ?
Pas tout à fait. Je pensais, auparavant, que la ville de Ben Guerdane était acquise aux islamistes. Je trouve la preuve dans le fait que bien avant cette attaque, les habitants de la ville n'avaient cessé de réclamer l'ouverture des frontières. Ils avaient toujours manifesté avec démence disant que c'est leur vie qui dépend de ce commerce. Maintenant, je me pose des questions ; est-ce que ces requêtes avaient pour unique but le commerce ? Ou voulaient-ils laisser le passage ouvert pour l'approvisionnement en armes afin de stocker tout un arsenal de guerre qui lui permettrait de tenter un coup en force ?
Le nombre des attaquants a dépassé les cinquante lors de cette attaque. Au mont Chaâmbi, il n'y a jamais eu d'attaque surprise commise par plus de quatre ou cinq personnes. Ailleurs, comme nous l'avions vu à Tunis ou à Sousse, cela ne dépasse jamais les deux ou trois attaquants.
Généralement, les terroristes ne cherchent absolument pas à occuper un terrain et à s'y installer. Ils cherchent juste un coup de surprise et fuient immédiatement. A Ben Guerdane, les terroristes ne cherchaient pas uniquement ce coup de surprise. Ils ne voulaient pas affronter les forces de l'ordre, ils souhaitaient tout juste procéder à une attaque rapide pour terroriser et non pas pour s'y installer.
-Toutefois, le fait est là : les habitants de la ville n'ont pas soutenu les terroristes. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait y avoir, dans les quelques jours à venir, une fatwa qui impliquerait les civils tunisiens comme cela s'est passé en Algérie lors de la décennie noire ?
Ce n'est pas impossible. D'ailleurs, puisque ces terroristes se réclament de Daech, cette fatwa est existante implicitement. Daech ne cherche pas à s'enfuir, il cherche tout simplement à s'implanter après ses conquêtes. Ils ont réussi leur coup en Libye à cause de la faiblesse de l'armée libyenne qui est presque inexistante. Je pense que les terroristes de Daech ont dû bénéficier d'un soutien populaire assez important en Libye vu leur réussite. A Ben Guerdane, ils croyaient pouvoir compter sur le soutien populaire. J'en suis certain. Ils ont, par la suite, perdu ce soutien populaire en raison de la réaction des forces armées tunisiennes qui étaient plus importantes et efficaces que les forces libyennes. Ils comptaient réellement voir la population s'unir, en masse, autour d'eux, s'installer dans un bâtiment barricadé et puissant avec des armes suffisantes.
D'ailleurs, je ne pense pas que l'ont ait découvert toutes les armes se trouvant dans la ville – permettant d'armer la population. Ayant acquis l'assurance que le coup allait échouer, vu la puissance des forces armées, les habitants se sont rétractés. Ils ont eu peur, ils ont fait marche arrière.
Il faut tout, de même, se poser ces questions : Qui est ce qui a permis aux terroristes de constituer leur arsenal d'armes ? Qui est ce qui leur a permis d'avoir des complices sur place ?
-Jusqu'à cette heure, les autopsies nous confirment que tous les terroristes tués à Ben Guerdane étaient des Tunisiens.
Oui. Ils venaient de Sabratha. Quand l'armée américaine a frappé, on a découvert que tous les terroristes étaient des Tunisiens. Des Tunisiens entraînés et armés en Libye. Ceux qui ont échappé à la mort ont estimé que c'était le bon moment pour tenter de prendre Ben Guerdane. C'était Sabratha qui voulait s'installer à Ben Guerdane. Ce ne sont que des interprétations qui ne seront jamais officielles pour des raisons politiques évidentes. L'Etat n'a pas intérêt à cristalliser la population de Ben Guerdane. Il veut laisser planer le doute. En quelque sorte, il jouait le jeu. D'ailleurs, les habitants ont refusé de recevoir les officiels, c'est un signe. Ne pas recevoir les responsables signifie que l'on n'accepte pas l'Etat.
Cependant, je pense qu'il existe quand-même une grande minorité de la population qui n'était pas dans le coup. Cette minorité avait proclamé son attachement au pouvoir tunisien, les autres n'ont fait que suivre. Il n'y avait pas eu un mouvement de masse en faveur de l'Etat tunisien. Quand ils disent qu'ils sont fidèles à l'Etat, j'ai l'impression qu'il s'agit juste d'un paravent. Comme ils l'ont toujours fait auparavant. C'était pour laisser une issue, en cas d'échec, de s'allier à l'Etat. Je n'ai pas confiance.
Ce que j'ai vu à la télévision ne m'inspire pas confiance. Je n'ai pas vu massivement la population, ne serait-ce qu'après l'échec, descendre dans les rues pour proclamer leur joie. Les rues étaient vides au lendemain de la réussite sécuritaire. A part quelques-uns, on n'avait pas l'impression que cela venait du cœur. Toutefois, tout cela ne traduit que mes propres lectures et mes propres déductions.
-Suite à cette attaque, le mouvement d'Ennahdha a été sujet de nombreuses critiques virulentes. Quelques parties réclament même au mouvement d'assumer ses responsabilités politiques dans ce qui se passe aujourd'hui. Qu'en pensez-vous ?
Ennahdha, de 2011 jusqu'à 2013, c'est-à-dire jusqu'à la chute de la Troïka, a tout fait pour que la nouvelle Constitution tunisienne ait pour source la Charia. Il y a eu un vrai combat pour que la Constitution n'ait pas pour référence la Charia. Ils avaient tenté, jusqu'à la dernière minute, d'appliquer la Charia.
Qui est-ce qui a invité les prédicateurs islamiques en remplissant la Coupole d'El Menzah où l'on a vu une masse populaire impressionnante ? Ennahdha a tenu, au début, des déclarations qui démontraient que ce mouvement est islamiste. Rached Ghannouchi a dit ‘nous sommes pour le Califat, mais par étapes'. N'oublions pas cette fameuse vidéo où l'on voyait le chef d'Ennahdha parlait, avec des salafistes, des chances d'un éventuel coup d'Etat armé en disant que l'Armée n'était pas garantie. Ils avaient renoncé à leur plan parce qu'ils ont compris que rien n'était acquis. Et puis il y a eu les grandes manifestations de la société civile qui ne leur laissaient aucun espoir de succès. Au sein de la société tunisienne, ils sont minoritaires, ils ne dépassent pas les 20%.
-Est-ce qu'Ennahdha pourrait réellement muter vers un parti civil ?
Je pense qu'une aile d'Ennahdha ne pouvait absolument pas être pour un Etat islamiste. Un Etat où l'islam a sa place, oui, mais un Etat islamiste, non. Ennahdha est divisé.
Nous avons vu des figures, à l'instar de Sadok Chourou ou d'Habib Ellouzz, disparaître. Est-ce que c'est parce qu'Ennahdha a évolué de l'intérieur de façon que ces deux dirigeants ne peuvent plus se faire entendre ? Je pense que le mouvement a en effet évolué. Jusqu'à quel point ? Je ne le sais pas.
Quel est le poids de ceux qui avaient évolué pour devenir un parti politique du genre démocratie chrétienne ou comme le parti de la Turquie ? Je crois qu'une bonne partie d'Ennahdha, et leur base aussi, ont évolué.
Cependant, quatre-vingt-dix associations qui récoltaient l'argent pour financer le terrorisme est un indice sûr qu'il existe encore dans la population tunisienne et au sein d'Ennahdha également, un groupe radical et irréductible.
La justice n'a rien fait, d'ailleurs, contre ces associations. Kamel Jendoubi a transmis les dossiers de ces associations à la justice qui n'a pas bougé. La justice tunisienne ne m'inspire pas confiance et je pense qu'elle est infiltrée. Je suis certain qu'il existe des juges islamistes et ils sont masqués. Ils jouent la takia. Je pense qu'il y a une aile radicale qui joue la takia au sein d'Ennahdha.
D'ailleurs, on ne voit plus Hamadi Jebali qui aurait pu, en démissionnant du mouvement, entraîner avec lui une bonne partie d'Ennahdha mais il n'a pas voulu prendre les rênes. Il n'était pas vraiment un homme politique, j'entends, par là, capable de s'affirmer contre vents et marrées.
-Qui pourrait, selon vous, succéder à Rached Ghannouchi à la tête d'Ennahdha?
Laârayedh, qui est un faucon, pourrait le faire. Cela signifierait que l'aile droite d'Ennahdha aurait gagné. Il est extrémiste. Mais, il ne veut pas le montrer au grand jour, car il est persuadé que les données de la situation actuelle ne sont pas favorables au radicalisme. Il se tient, donc, en réserve. C'est une aile radicale qui se tient en réserve, le cas échéant. Si la situation devient favorable, cette aile bougera. Mais, actuellement, il est impossible qu'il y ait une évolution de l'opinion publique vers le radicalisme. Les Tunisiens en prennent conscience, ce qui n'était pas le cas en 2015, d'un pareil danger
-Comment expliquez-vous le fait que la majorité des terroristes vivant dans les zones de conflit soient de jeunes tunisiens ?
C'est la jeunesse endoctrinée d'Ennahdha. Les terroristes sont tous très jeunes. C'est l'aile droite d'Ennahdha qu'on peut, facilement, faire dévier. Le plus grand nombre des chômeurs sont parmi les jeunes, ils sont donc révoltés. Et lorsque l'on est révolté, on peut facilement se laisser tenter par l'extrémisme qui se prétend social. Et il ne faut pas oublier qu'Ennahdha se présente, effectivement, comme étant un mouvement social qui veut aider les pauvres.
-Vous vous êtes toujours proclamé en tant que musulman coranique. Toutefois, et quand vous en avez besoin, vous n'hésitez pas à utiliser des hadiths. Peut-on relever une contradiction ici ?
Nous acceptons la sunna parce que le Prophète a certainement parlé. Il est impossible que le Prophète n'ait fait que réciter les versets coraniques qui lui ont été révélés. Comme Prophète, il ne peut pas être en contradiction avec le Coran. Il ne peut jamais dire quelque chose qui ne trouve pas son fondement dans le Coran.
Lorsque je trouve un hadith qui correspond à l'esprit du Coran, je le prends. A titre d'exemple, ‘Le meilleur des hommes est celui qui les sert', pourquoi et pour quelle raison je rejetterai un hadith pareil ? ‘Tous sont les enfants de Dieu. Celui que Dieu préfère parmi vous est celui qui est le plus généreux avec ses enfants', ce hadith va dans le sens du Coran et donc, le Prophète l'a probablement dit. Il représente la tendance coranique, donc, je le prends.
Pourquoi me priver d'une tendance de ce genre. Elle me permet de faire le lien avec le côté lumineux de mon passé. Parmi les doctrines de l'islam, il y a celle d'Abu Hanifa, qui, s'il avait triomphé, aurait complètement changé la situation actuelle. Je cherche à me rattacher au courant constructif, critique et humaniste de mon passé lorsqu'il est dans l'esprit du Coran. Je ne veux pas que le texte sacré soit isolé.
-On vous en veut d'avoir déclaré la mécréance (kaffart) de quelques personnalités tunisiennes. Que répondez-vous à cela?
Il y a là une grande ambigüité exploitée. Je pars d'un point : le Coran est liberté. Toutes ces personnes ont le droit de quitter l'islam tout en restant des citoyens respectés, aimés et intégrés dans notre société. Le takfir de la Charia résulte de la condamnation à mort du concerné. Je ne suis pas du tout dans cette logique là et je l'ai toujours refusée. J'ai soutenu des personnes qui avaient été inquiétées pour apostasie. Je suis contre le takfir qui n'est qu'une condamnation et rejet de la société. C'est une division de la patrie. J'ai proclamé la laïcité. Un Etat laïc qui permet à toutes les catégories sociales d'être réunies autour de la même patrie avec des différences totales sur le plan de la pensée. J'espérais que la Tunisie du 14 janvier soit une Tunisie laïque, j'y croyais.
Je n'ai jamais employé la notion du takfir, on ne veut pas comprendre la nuance. Le takfir renvoie à la Charia, à l'Etat islamiste. Par contre, le reniement (insalakha) de l'islam fait référence à l'Etat laïc où l'on a le droit de quitter l'islam, de le dire et de le crier. Un Etat où l'on a le droit de critiquer l'islam et même de l'insulter. Je veux que les personnes puissent quitter l'islam avec fierté ! J'ai invité un concept nouveau, celui de ‘désislamiser'. Je l'ai trouvé dans le Coran :
Dans ce verset, il n'y a aucune condamnation mais une constatation. Le Coran dit que l'on peut quitter librement l'islam. Par contre, ce que le texte interdit, c'est l'hypocrisie. Sortir de l'islam et ne pas le dire franchement c'est porter un masque. Cela nous donne une société masquée où l'on ne connaît pas la réalité et la vérité des personnes qui la composent. Je veux une société de franchise.
-Deux faits peuvent amener les personnes à masquer leur sortie de l'islam : les guerres d'apostasie, si l'on veut se référer à l'Histoire, et ce que nous vivons aujourd'hui en termes de menaces de mort.
Nous vivons dans un Etat hypocrite, un Etat de la Charia qui n'est pas coranique. J'ai proclamé le rejet, en bloc, de la Charia. L'Etat de Médine, du Prophète, était un Etat laïc. Il y avait des musulmans, des juifs et des chrétiens. Il y avait des musulmans qui quittaient de l'islam.
-Mais les juifs et les chrétiens de Médine devaient payer des impôts pour pouvoir garder leur religion à l'époque.
Non, ils payaient la même capitation dont ils s'acquittaient au profit de l'Etat romain. Le premier ministre des Finances de l'Etat musulman était un chrétien. A l'époque, les Arabes ne savaient pas ce que c'est qu'un budget. Le Coran évoque al jezzia qui veut dire compensation. Les musulmans payaient les impôts, les autres payaient l'impôt compensatoire qui était déjà le leur. L'Etat Umayyade ne pouvait pas gérer un empire avec des personnes qui provenaient des tribus. Tous les responsables d'Etat, jusqu'à l'ère Abbaside, étaient des chrétiens. Les kottabs étaient des chrétiens.
-Certains vous qualifient aujourd'hui de salafiste coranique. Que répondez-vous à cela ?
(Rires). Cela est vrai, je remonte à l'époque du Prophète où il n'y avait que le Coran, sans la Charia. La Charia a existé à partir du troisième siècle de l'islam. Eh bien, revenons à ce salaf là ! Je suis salafiste du premier siècle alors qu'ils sont salafistes du troisième siècle, cela me sied !
-Vous êtes un peu le mal aimé de tous entre les conservateurs qui n'adhèrent pas à vos lectures audacieuses et les progressistes qui restent sceptiques.
Je suis sorti d'une zawia (une mosquée où est enterré un saint), j'ai fréquenté Jean-Paul Sartre, j'ai lu les Cahiers du rationalisme, j'ai lu la liberté... J'ai trouvé, dans mes études, la liberté, alors que dois-je faire ? Beaucoup sont restés fermés, fermant yeux et oreilles. Ils étaient salafistes radicaux et ils le sont restés.
D'autres encore ont rejeté la religion tout en en gardant le masque. Je ne pouvais pas rester salafiste, je fréquentais des personnes tellement différentes que je ne pouvais pas demeurer comme je l'étais. La liberté est devenue pour moi, au contact d'Auguste Comte, de Molière et d'autres, une réalité. J'ai lu pas mal d'ouvrages matérialistes. A mon époque, le matérialisme en Europe était explosif et florissant. Le siècle des lumières a changé la société radicalement. Ma religion est la liberté, elle est devenue une dimension structurante de ma pensée. Je ne peux pas renoncer à la liberté totale et complète pour chaque individu. La liberté est la dignité de l'Homme. C'est à partir du moment où l'on a digéré la liberté et que l'on s'assume soi-même tel que l'on est, que l'on devient majeur. Sans cela, on est encore mineur et conditionné.
-Vous avez été interdit de tenir une conférence à la bibliothèque nationale et on a entendu dire que vous avez intenté une poursuite judiciaire à l'encontre de la directrice de l'établissement. Où en êtes-vous ?
J'ai, en effet, porté plainte contre la directrice de la bibliothèque nationale qui dit qu'elle n'accepte pas que je vienne parler à la bibliothèque parce que je suis takfiriste. Je veux qu'elle en apporte la preuve devant la justice. Mohamed Talbi ne fait que constater et défendre le droit des autres de quitter l'islam en toute liberté. C'est ce que l'on ne veut pas comprendre.


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