Le phénomène du nomadisme politique ou parlementaire, consistant à des démissions d'élus d'un parti et d'un ploc au profit d'un autre, existait plus fréquemment au sein de l'ancienne Assemblée nationale constituante (ANC) où tous les partis en avaient pâti, sauf le parti islamiste d'Ennahdha. Et on se rappelle les multiples va-et-vient enregistrés de et vers Tayyar el mahabba, Ettakatol, Al Joumhouri, Al Massar, le CPR, etc. Mais, fait le plus marquant et révélateur à l'époque, a été l'émergence de Nidaa Tounès qui n'existait même pas lors du scrutin du 23octobre 2011, mais qui s'est, finalement, retrouvé, grâce à ce «tourisme partisan », représenté à l'ANC avec un bloc de dix députés ! Il faut le faire ! Et à l'époque, encore, il y a eu des accusations directes et des aveux quant à l'existence d'un véritable « Mercato » politique et partisan, notamment « l'achat » par Bahri Jelassi, d'un certain nombre d'élus en allant jusqu'à leur octroyer des locaux et des bureaux dûment équipés et aménagés. Et non seulement, il s'en vantait, mais il réclamait son argent à ceux qui n'avaient pas respecté, selon ses propres dires, leurs « engagements ». Sans parler des multiples détails des tractations et autres éventuels « marchés »pour s'approprier les services des élus, et selon les fuites, les montants tournaient, en moyenne, autour de dix mille dinars par « tête d'élu » ! Or, avec l'avènement de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), le phénomène existe toujours. Il est de moindre ampleur, au niveau du nombre des « touristes », mais il semble être beaucoup plus « consistant » de par les montants des marchés conclus. Puisque selon les déclarations des responsables du parti de l'Union patriotique libre (UPL), le prix de chaque transfuge n'a, à aucun cas, été inférieur à 50 mille dinars ! Il y a, bien entendu, l'autre cas du nouveau bloc d'Al Horra de Mohsen Marzouk, qui a pris une trentaine d'élus à Nidaa Tounès. Mais là, il ne s'agit pas de transactions mercantiles, mais de déficiences entraînées par la crise interne au sein de l'ex-parti majoritaire au pouvoir. Du coup, comme cela a été le cas pour Nidaa du temps de l'ANC, le Mouvement du projet de Tunisie (MPT), qui n'existait pas avant les élections législatives de 2014, se retrouve, avant même sa formation et l'obtention de son visa légal, comme étant la troisième force politique et parlementaire avec près de trente élus. Et même si les moyens ne sont pas les mêmes, on aboutit, plus ou moins, aux mêmes résultats et conclusions, à savoir des partis renforcés, d'autres représentés à partir du néant ou presque et bien d'autres amputés et affaiblis. Et si le principe de « nomadisme » est considéré, déjà, par les politiciens comme étant une action contraire à la morale et à la déontologie de l'action partisane, que dire alors si cette « transaction » se fait par un parti dit « ami » et membre de la même coalition ?! En effet, il est illogique, surtout vis-à-vis de l'électeur, de retrouver un député, élu sur la base de convictions et de principes bien déterminés d'un parti « P », membre d'un nouveau mouvement « M ». Ceci nous amène à critiquer, comme le font de nombreux analystes, le mode des élections législatives comme il est en vigueur chez nous depuis la Révolution, c'est-à-dire selon la proportionnelle et par listes. Autrement dit, l'élu n'a aucun mérite de se retrouver au sein du Parlement. Il suffit qu'un grand parti le place en tête de liste ou en deuxième position pour qu'il soit assuré d'une « place au soleil ». Une fois élu, le député crie haut et fort qu'il représente le peuple en usant des grands slogans, alors qu'il n'a aucun mérite car les citoyens ont élu un parti et non des personnes. C'est pourquoi, il est immoral et illogique qu'il quitte son parti sans lequel il n'aurait jamais eu de siège à l'Assemblée. Or, la loi tunisienne est silencieuse à ce propos et laisse la porte ouverte à tous les scénarios possibles et imaginables. Et sans revenir à l'idée que l'idéal en matière de code électoral aurait été le mode uninominal à deux tours, un système qui confirme que le député a été élu pour sa propre personne, son rayonnement et ses compétences, il serait judicieux de trouver une formule ou une loi réglementant ce nomadisme ou, carrément, l'interdire. Sous d'autres cieux, plus précisément dans des pays africains, la question a été tranchée. Au Burkina Faso, par exemple, la révision constitutionnelle a été l'occasion d'adopter une disposition dans laquelle le député nomade est déchu de son mandat et remplacé par un suppléant. Au Gabon, le député nomade perd son siège et une élection partielle est tenue dans les deux mois suivants. Ces dispositions ont été prises après que des questions et des interrogations ont été soulevées. On en citera, notamment, les suivantes : qui, du parti ou du député, conserve le siège du député nomade ? Doit-on le faire remplacer par son suppléant ? Ou encore doit-on plutôt tenir une élection partielle pour combler le siège ? Pour répondre à toutes ces questions, il faudrait savoir selon quelles règles il faudrait résoudre les problèmes posés. Est-ce selon celles présentement applicables en la matière ? Y aurait-il lieu d'en proposer de nouvelles ? Quelle est la juridiction qui serait la mieux habilitée à les appliquer ? En attendant de trouver des réponses sur le fond à toutes ces questions de la part des juristes et des politiciens, il serait bon et juste de procéder à des investigations concernant les accusations lancées directement et nommément par le patron de l'UPL, Slim Riahi, contre un homme d'affaires, Chafik Jerraya, qui s'en est défendu tout en lançant une diatribe contre l'auteur desdites accusations. Le tout s'étant passé via facebook ! Sous d'autres cieux, des accusations d'une pareille gravité auraient amené le ministère public à déclencher, de son propre chef, une enquête judiciaire officielle pour démêler les tenants et aboutissants de cette affaire. Mais là, on préfère, toujours, recourir aux moyens détournés et politiques aux dépens des moyens légaux puisqu'il s'agit bel et bien d'une affaire, si elle est avérée, aux relents de corruption moyennant de grosses somme d'argent. C'est donc, plutôt, l'incontournable chef du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi qui a pris les choses en mains en se rendant en personne au domicile de Slim Riahi en vue de circonscrire la crise et trouver une issue politique, prouvant, une fois de plus, que depuis un certain temps, rien ne se fait et aucun problème ne peut être résolu sans l'intervention du leader d'Ennahdha