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Les femmes d'abord !
Publié dans Le Temps le 24 - 05 - 2016

Décidément, la production artistique féminine en Tunisie gagne de plus en plus de terrain et la présence de la femme dans l'art est devenue permanente, du fait que leurs œuvres ont gagné en densité. Ayant assuré la couverture de centaines d'expositions artistiques durant les dix dernières années, j'ai pu constater que les arts plastiques ne sont plus l'apanage des seuls hommes, comme c'était le cas dans les années de l'après-indépendance quand la femme était considérée comme un modèle par les hommes-peintres, alors qu'aujourd'hui, elles viennent concurrencer leurs partenaires hommes et deviennent ainsi de véritables productrices d'œuvres d'art considérables.
L'éducation et l'émancipation y étaient sûrement pour quelque chose ! Plusieurs figures féminines se sont ainsi distinguées ces toutes dernières années en matière d'arts plastiques et ont fait preuve d'une créativité extraordinaire : inutile de citer des noms car la liste est longue ! Les galeries sont ainsi devenues une plateforme dédiée à la créativité féminine sous toutes ses formes : peinture, sculpture, dessin, photographie, calligraphie, design...
Sept femmes artistes et leurs œuvres sont mises actuellement à l'honneur par la Galerie Bel Art à El Menzah à l'occasion d'une exposition collective intitulée « Harmonie » qui se poursuit jusqu'au samedi 04 juin. Quarante-huit tableaux ornent les cimaises de cette Galerie, réalisés par les femmes-peintres suivantes : Houda Ben Mufti Bennacer (8 tableaux), Oussila Kamoun Mehiri (7tableaux), Inès Ben Rhouma Mzabi (6 tableaux), Ouarda Chaouch Yedes (6 tableaux), Rafika Khiari Chebbi (6 tableaux), Tayssir Toumi Kerkeni (8 tableaux), et Nadia Mehiri Ben Rhouma (7 tableaux). L'exposition porte sur un thème unique : le patrimoine culturel. La technique adoptée est en grande partie la peinture à huile, à part quelques travaux en aquarelle, cependant les styles et les touches diffèrent au gré de l'inspiration et de la sensibilité de chacune d'elles et les tableaux délivrent une large gamme chromatique. Elles nous présentent des scènes et des portraits puisés dans notre patrimoine, criant de vérité et de sincérité, qui révèlent l'âme humaine et font ressusciter les temps révolus.Trois éléments unissent ces femmes-artistes : la sensibilité, l'amour du beau et la passion. Toutes ont commencé à dessiner dès leur jeune âge et leur vocation s'est peu à peu perfectionnée et leurs créations se sont accrues au long des années. Cependant certaines parmi elles exposent pour la première fois ! Nous avons abordé quelques-unes de ces femmes-artistes le jour du vernissage et elles nous ont parlé brièvement de leur parcours et de leurs travaux.
Houda Ben Mufti Bennacer : « La peinture est pour moi une passion, j'adore dessiner et peindre depuis plus de vingt ans. Mais j'expose pour la 2è fois. Je participe à cette exposition avec huit tableaux de peinture à huile. J'aime peindre des personnages, des scènes au sein des familles traditionnelles, des artisans au travail, histoire de rappeler aux nouvelles générations le genre de vie de nos ancêtres. »
Inès Ben Rhouma Mzabi : « J'aime tout ce qui est traditionnel, cela nous rappelle notre culture, notre passé et notre patrimoine. Je travaille surtout la peinture à huile. J'expose pour la première fois bien que je pratique la peinture depuis six ans. »
Rafika Khiari Chebbi : « Je fais de la peinture depuis ma douce enfance, je suis membre de l'union des plasticiens et j'ai fait de la calligraphie, de la céramique et de l'infographie. J'ai fait des expositions personnelles et collectives presque dans toutes les galeries de Tunis. « Je suis interprète et anthropologue, mais je suis venue à la peinture par passion. Je peins surtout notre patrimoine, l'aspect authentique des choses et des personnages. Du fait que je suis anthropologue, je fouille dans le passé pour dénicher les habitudes anciennes, les métiers artisanaux propres à nos ancêtres et qu'on doit conserver, ne serait-ce qu'avec la peinture. »
Ouassila Kamoun Mhiri : « C'est ma sixième année dans la pratique de peinture : j'ai d'abord travaillé à l'aquarelle, et puis je me suis concentrée sur la peinture à huile. J'ai débuté par les portraits, après je me suis intéressée au patrimoine et à la tradition et c'est le thème de mes six tableaux. Je peins la femme et les fleurs, du fait que les deux représentent pour moi la beauté et la splendeur, et peut-être que je suis romantique et que j'aime rêver ; alors je les reproduis sur mes toiles. »
Ces femmes-artistes ont formidablement travaillé le dessin et puis, elles ont bien réussi la peinture, ce qui a donné un travail net et sans bavure. Elles ont dessiné les personnages et les objets à la perfection et ont appliqué une gamme de couleurs et de lumières qui tantôt contrastent entre elles, tantôt riment ensemble. Dans chacune des œuvres exposées, on devine un certain degré de recherche artistique mais une singularité des gestes et des touches propres à chacune de ces artistes. Chacune a donné le meilleur d'elle-même, accordant le temps nécessaire à la perception et à l'exécution de l'œuvre : « Mes tableaux sont comme mes enfants, nous a dit l'une des artistes, j'y tiens comme à la pupille de mes yeux ! »
Le visiteur appréciera bien les travaux sur « Bab Souika », « Le Thé » ou « Chaouachi » ou encore ce tableau intitulé « Nature morte » de l'artiste Houda Ben Mufti Bennacer. Il sera davantage émerveillé par les travaux de Ouassila Kammoun Mehiri, comme « Rameau de glaïeul », « Cérémonial du thé », « La leçon de piano ». Il s'attardera sûrement devant les tableaux de Rafika Khiari Chebbi. « Le Souk », « Le métier de mes ancêtres », « Djerba authentique », « Evasion musicale « ou « La source ». De même, les tableaux des autres artistes témoignent d'un talent confirmé et débordent d'une grande créativité.
La bonne humeur et la joie de vivre émanent de ces travaux qui relatent notre quotidien traditionnel, notre artisanat et notre patrimoine, si bien que l'acquéreur de l'un de ces tableaux contribuera à la sauvegarde de cet héritage culturel en l'accrochant au mur du hall ou du salon chez lui pour répandre la bonne humeur autour de soi! En sus, il incitera ces jeunes créatrices féminines à produire davantage pour promouvoir l'art dans nos contrées et s'en servir pour faire obstacle aux forces rétrogrades et obscurantistes qui affichent une certaine aversion contre la création artistique.


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