Onze ans après son dernier passage à El Jem, le Maggio Musicale Fiorentino a une nouvelle fois conquis El Jem. Avec un programme qui faisait la part belle aux plus grands opéras italiens et des artistes qui ont mis leur coeur et leur savoir-faire au service de la culture classique. Un beau bouquet musical en provenance de la ville de Florence... Encore une soirée qui frôlait la perfection au Colisée d'El Jem! Tout y était: un public motivé, une ambiance des grands jours et un orchestre aérien qui revenait en Tunisie pour souligner l'excellence des relations entre notre pays et la ville de Florence en Italie... Touristes russes et italiens, public local et tunisois et... star égyptienne! Le festival d'El Jem constitue la bonne surprise de l'été 2016. On le disait moribond, en quête de nouveaux repères mais il n'en est rien puisque cette manifestation dédiée à la musique classique se porte bien et a constitué un pôle actif et innovant. Et puis, cerise sur le gâteau; le public dans une sympathique diversité, a clairement répondu à l'appel des promoteurs de cette manifestation. Samedi dernier, ils étaient bien nombreux, avec de nombreux Italiens venus de Tunis, Sousse, Sfax et Hammamet et aussi un important contingent de touristes russes qui ont pu goûter au charme unique d'un concert de musique classique dans un amphithéâtre romain du deuxième siècle. Ce qui faisait aussi plaisir à voir, c'est que le festival est parvenu à brasser large dans le public local, celui d'El Jem et aussi celui de la capitale. Pour tout dire, deux trains en provenance de la capitale et une vingtaine de bus venus d'un peu partout avaient rallié El Jem pour ce concert du Maggio Musicale Firentino. Pour l'anecdote, le comédien égyptien Tamim Abda se trouvait aux premières loges et assistait au récital, tout comme les officiels de l'ambassade italienne en Tunisie menés par l'ambassadeur De Cardona et les responsables de l'Institut culturel italien, partenaires de cette soirée exceptionnelle. Avec ce festival d'El Jem; on pourrait abuser de l'adjectif "exceptionnel". C'est que malgré des moyens somme toute modestes, cette manifestation a su faire jouer les ressorts de la coopération internationale et injecter un brin de diversité dans la programmation. Du classique, du jazz, de la world music sont à l'affiche et donnent à cette édition des couleurs agréables. Avec le Wiener Opern, la soirée du Maggio Musicale fut incontestablement l'un des temps forts de cette édition. Rossini, Verdi, Puccini: emblèmes classiques de l'Italie Le récital commença par les hymnes nationaux tunisien et italien, exécutés avec beaucoup d'allant par un orchestre pléthorique. Après ce moment comme toujours émouvant, la parole fut donnée à la musique classique dans une tradition italienne riche en arias d'opéra et autres bel canto. Le programme articulait les oeuvres de plusieurs monstres sacrés, avec des extraits de compositions de Rossini, Verdi ou Puccini. Le récital s'ouvrit sur une vive "Cenerentola" et se poursuivit autour d'autres oeuvres de Rossini. Comment oublier le Politeama Rossini, qui, depuis 1903, a aménagé à cet immense artiste une salle de concerts tunisoise? C'est de l'actuel "Palace" qu'il s'agit dont le fronton fut longtemps occupé par un médaillon représentant le grand compositeur italien. Formation emblématique, le Maggio Musicle Fiorentino a donné toutes les preuves de son excellence. D'abord en choisissant un programme des plus représentatifs de la tradition italienne. Ensuite, en venant avec un nombre important d'interprètes. Car si l'orchestre était véritablement euphorique, ténors, barytons et sopranos l'étaient tout autant. Avec "Rigoletto", "Le Barbier de Séville", "La Traviatta" ou "La Bohême", la barre était placée très haut et les musiciens et cantatrices surent tirer leur épingle du jeu. Les trois sopranos ont été simplement sublimes. L'une après l'autre, elles ont chanté avec émotion et conviction des pièces ardues. Gioia Crepaldi et Eunhee Kim méritaient amplement l'ovation du public tout autant que le ténor Yenish Ysmanov, auteur d'une superbe prestation. De Riccardo Muti à Fabricio Maria Carminati Le récital fut une succession de moments intenses que la magie de l'amphithéâtre d'El Jem transcendait davantage encore. Et c'est bien en cela que réside toute la singularité du premier festival classique en Tunisie. El Jem est sur la bonne voie et ses responsables semblent avoir trouvé le bon équilibre entre tourisme et culture. Dans sa formule et avec son équipe actuelle, ce festival devrait aller loin et nous réconcilier avec les choix véritablement culturels. C'est vrai, en sortant de cette rencontre avec l'orchestre florentin, on ne pouvait s'empêcher de songer que la culture est toujours possible dans nos festivals d'été, à condition que les choix artistiques de chaque festival soient clairement énoncés et respectés. Pour son retour sur la scène d'El Jem, onze ans après y avoir été conduit par le maestro Riccardo Muti, le Maggio Musicale Fiorenti a amplement convaincu avec un chef d'orchestre, Fabricio Maria Carminati, impérial, exigeant et rayonnant. Assurément l'une des plus belles soirées de cet été 2016...