Inauguré le 27 juin 2013, le débat national sur l'Energie organisé par le ministère de l'Industrie, en collaboration avec la Société tunisienne de l'électricité et du gaz ainsi que l'agence nationale de la maitrise de l'énergie et de différentes entreprises spécialistes dans le domaine de l'énergie. Ce débat est une occasion pour faire la lumière sur les problématiques touchant ce secteur, marqué ces dernières années par une baisse remarquable de la production énergétique, en Tunisie, avec une hausse de la consommation des produits pétroliers. Et comme résultat, on a constaté un déficit récurrent au niveau du bilan d'énergie primaire. Jeudi et vendredi dernier, ce furent les gouvernorats du Sud-Est (Médenine, Tataouine et Gabès) qui ont abrité les rencontres régionales sur l'Energie où Nucléaire, gaz de schiste, GPL, énergies renouvelables… Autant de sujets sensibles qui ont été traités lors du débat. Au cours de ces rencontres, M. Nidhal Ouerfelli, Secrétaire d'Etat à l'Energie et des Mines, a relevé l'importance de cette approche qui vise à intégrer le tissu associatif et la société civile afin d'élaborer une stratégie énergétique efficace. M. Rachid Ben Daly, Directeur Général de l'Energie au Ministère de l'Industrie, a présenté l'état des lieux du secteur. Il a commencé par un aperçu historique de la politique énergétique de la Tunisie qui remonte aux années 60, durant lesquelles la Tunisie a commencé par le développement de l'offre et la mise en place de la structure institutionnelle du secteur de l'énergie: STEG (électricité et gaz) et ETAP (exploration et production des hydrocarbures). Pendant les années 80, la Tunisie s'est rendu compte d'un déficit énergétique prévisible et a donc pensé à l'intégration de la composante de la maîtrise de la demande d'énergie et la création de l'Agence Nationale pour la Maîtrise de l'Energie (ANME) ainsi que la mise en place de plusieurs réformes institutionnelles /Entrée de l'investissement privé dans la production d'électricité (IPP) et une forte pénétration du gaz naturel. Au cours des années 2000, le déficit devient structurel dans le bilan énergétique et la maîtrise de l'énergie (EE+ER) est devenue l'un des piliers de la politique énergétique tunisienne. Les défis énergétiques M. Daly a noté qu'aujourd'hui, la raréfaction des ressources naturelles nationales, conjuguée à l'augmentation de la demande, amène la Tunisie à s'engager dans une transition énergétique. Il a ajouté que la hausse remarquable des prix des produits énergétique a alourdi le budget d'Etat et a augmenté de 5% le taux de la subvention d'Etat au niveau de l'énergie entre 2005 et 2013. Il a indiqué que l'augmentation de la subvention de l'Etat dans le domaine de l'énergie est passée de 550 MD en 2010 à 1536 MD en 2011 et 2700 MD en 2012, correspondant également à 10,7% de budget de l'Etat et 4% de produit intérieur brut (PIB). La subvention globale du secteur de l'énergie de l'Etat en 2012 a atteint 5 200 MD, répartis comme suit : – 43% pour les produits pétroliers, – 41% pour l'électricité, -16% pour le Gaz naturel. Face à cette situation, le système énergétique tunisien est aujourd'hui confronté à trois défis majeurs: la sécurité énergétique, l'accès à une énergie abordable et durable et la compétitivité économique. En dépit de la situation énergétique, la politique d'utilisation rationnelle de l'énergie en Tunisie est, dès lors, appelée à être en mouvement. La « Task Force » a, lors de ces rencontres régionales, expliqué les enjeux et défis auxquels fait face le secteur énergétique en vue de préparer le pays pour une transition énergétique réussie. Les experts formant la « Task Force » ont souligné que, face au nouvel environnement socio politique et à une demande en énergie sans cesse croissante, le système énergétique actuel en Tunisie se trouve au cœur des problèmes globaux et son évolution va de pair avec des risques inacceptables et des défis difficilement surmontables. Les principaux défis sont : la sécurité de l'approvisionnement énergétique, l'étude prospective des ressources naturelles nationales en gaz et huile qui se caractérisent par un épuisement des ressources nationales contre une forte croissance de la demande en énergie et les dépenses énergétiques qui affectent de plus en plus la compétitivité de l'économie nationale Des enjeux économiques La transition énergétique est un enjeu majeur pour l'avenir de la Tunisie et des générations futures. Aujourd'hui, l'économie nationale souffre d'une vulnérabilité forte face à la volatilité des prix internationaux de l'énergie, une demande électrique galopante qui appelle des investissements de plus en plus lourds dans les moyens de production, une précarité énergétique (vulnérabilité des couches sociales pauvres), un dilemme difficile à résoudre entre allègement des enjeux sociaux et environnementaux et la précarité énergétique et la qualité de vie. Les dépenses énergétiques qui affectent de plus en plus la compétitivité de l'économie nationale, rendant les subventions publiques à l'énergie de plus en plus lourdes, soit environ 10% du budget de l'Etat (en 2013). La demande d'énergie qui reste en augmentation ininterrompue accentue les pressions sur les systèmes énergétiques et les risques sur l'économie tunisienne. Ces risques se présentent sous plusieurs formes : alourdissement de la facture énergétique nationale, mise en péril des équilibres du budget de l'Etat du fait du soutien aux prix de l'énergie, aggravation du déficit énergétique, vulnérabilité par rapport à l'augmentation des prix internationaux de l'énergie, dépendance accrue vis-à-vis des énergies fossiles, ect. Par conséquent, cette transition énergétique jouera un rôle stratégique de premier plan pour répondre aux nouveaux besoins, post révolution des citoyens, à savoir l'amélioration durable de la qualité de vie, la création des emplois, le développement des régions les moins favorisées et l'implication ainsi que l'acceptabilité sociale des nouveaux projets d'infrastructures énergétiques.
Bien que la Tunisie ait intensifié sa politique de maîtrise de l'énergie en adoptant une panoplie de mesures notamment une loi dédiée à la maîtrise de l'énergie et la mise en place du Fonds National de Maîtrise de l'Energie, depuis le début des années 90, les résultats restent insuffisants pour faire sortir le pays de la crise. Dossiers chauds du débat Les participants aux rencontres régionales ont exprimé l'intérêt particulier que présente ce sujet notamment la réalisation d'une transition énergétique pour un modèle économique régional permettant de créer la richesse, promouvoir l'emploi en optant à de nouvelles sources d'énergie qui prennent en considération les richesses naturelles et les spécificités régionales et nationales. Ils ont soulevé la nécessité d'optimiser l'exploitation des richesses naturelles renouvelables notamment l'énergie solaire et éolienne et le développement d'une infrastructure technologique et industrielle nationale dans ce domaine. Ils ont appelé à encourager l'investissement local dans le domaine des énergies renouvelables, la nécessité de trouver des solutions adéquates aux problèmes de l'inflation croissante de la subvention accordée au secteur énergétique, et ont souligné l'importance de la prise en considération des spécificités de la région dans la conception et l'élaboration de la stratégie énergétique. Un des participants a mis l'accent sur la question de l'adhésion des entreprises hôtelières aux programmes nationales d'efficacité énergétique, soulevant le problème de la lourdeur des démarches administratives quant à l'adhésion aux programmes nationales de la maîtrise d'énergie notamment au niveau de ‘octroi des avantages, ce qui freine la réalisation de ces projets. Certains ont appelé à intensifier des projets d'efficacité énergétique et l'utilisation des énergies renouvelables, notamment les panneaux photovoltaïque dans les établissements publics. Ils ont également demandé un traitement privilégié au profit des entreprises installées dans les régions défavorisées pour consolider leur capacité compétitive. Le gaz de schiste et son impact sur l'environnement et notamment sur la nappe phréatique ont été aussi au cœur du débat. M. Yassine Mestiri, Directeur des Projet au sein de l'ETAP s'est focalisé sur les avantages et les inconvénients de l'exploitation du gaz de schiste. Il a souligné qu'aucune autorisation de forage du gaz du schiste ne sera attribuée, et ce, tant que les conséquences de ce gaz et ses effets sur la nature ne soient étudiés. M.Nidhal Ouerfelli, Secrétaire d'Etat à l'Energie et des Mines, a noté qu'à l'état actuel, la Tunisie n'a d'autre choix que de recourir aux énergies renouvelables, le transfert de la technologie, le développement d'une industrie des énergies renouvelables et le développement des nouvelles sources des hydrocarbures, tout en respectant les aspects écologiques. Il a noté que l'option nucléaire n'est pas envisageable à l'horizon 2030 à cause des contraintes techniques et financières. Cependant, une cellule de réflexion et d'étude a été créée au sein de la STEG et elle travaille pour le développement de cette option. M. Ouerfelli a ajouté que, malgré les efforts de l'ANME, il est nécessaire de consolider les actions de communication et de sensibilisation au profit de la population cible concernée, notamment le secteur touristique et industriel. A Tataouine, les participants ont invité le gouvernement à honorer ses engagements vis-à-vis la région et respecter son engagement verbal. Le projet GPL se pose encore et risque de ne pas être réalisé. Les participants ont également appelé à la non suppression de la subvention accordée au secteur industriel car cela va affecter la compétitivité des entreprises de la région. En réponse à cette question, le Secrétaire d'Etat a souligné que le gouvernement n'a aucune obligation écrite sur la réalisation du projet de gaz à Tataouine. Cependant, la seule obligation du gouvernement c'est l'intérêt du pays et l'intérêt de la région. Le projet qui va être réalisé ne peut être que viable et son apport économique à la région est certain Il a ajouté que la réalisation de ce projet est conçue dans un cadre global du développement de la région et de faisabilité technique et financière du projet. Il devrait satisfaire les demandes de la région principalement la connexion de la région au GPL et au gaz naturel. Pour faire face aux enjeux et défis énergétiques du pays qui vont se présenter durant les prochaines années et décennies, il faut œuvrer pour mettre en place une politique ambitieuse et cohérente d'efficacité énergétique, et identifier les leviers d'action majeurs sur lesquels il faudrait agir pour finaliser cette politique.