Sujette à polémique depuis sa création, l'Instance Vérité et Dignité (IVD) est un organe qui a vu le jour en vertu de la loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l'attribution et à l'organisation de la justice transitionnelle en Tunisie dans le but d'examiner les dossiers d'abus, de torture et de corruption commis depuis le 1er juillet 1955 jusqu'à décembre 2013 afin de réaliser la justice transitionnelle. Depuis l'arrivée de Nidaa Tounès au pouvoir, une concurrence redoutable sur ce projet a vu le jour. Le président de la république Béji Caïd Essebsi a lancé un projet de la loi autour de la réconciliation nationale et dont il avait présenté les grandes lignes, dans son discours du 20 mars 2015, à l'occasion de la célébration de la fête de l'indépendance. Vu l'exigence de solutions rapide à la situation économique critique du pays ce projet consiste quant à lui ... Par ailleurs, la société civile s'est divisée sur ce coup en deux camps, ceux qui pensent que ce projet de loi doit être examiné et amendé par l'Assemblée des représentants du peuple et ce conformément aux dispositions de la constitution et à la loi sur la justice transitionnelle, alors que d'autres estiment que c'est un projet de loi qui fait gagner du temps et évite toutes sortes de conflits et de longues procédures permettant de fournir une atmosphère positive pour l'investissement. Interrogé sur différents points concernant l'instance, M. Anouar Moalla, directeur de la communication de l'IVD nous a fourni plusieurs éclaircissements à cet égard. Il a expliqué que le communiqué officiel de l'instance à déjà précisé sa position concernant l'initiative du président de la République, et il faut dire, à ce propos, que l'instance qui est un organe faisant partie des structures de l'Etat et engagé à appliquer la loi, est habilité de toutes les attributions pour un tel projet. Le directeur de la communication a, en outre, souligné que l'IVD n'a pas procédé à une accélération du traitement des dossiers déposés au bureau de l'organisme pour gagner du temps, en attendant l'adoption ou le rejet du projet de loi sur la réconciliation nationale économique présenté par le chef de l'Etat, mais elle maintient son rythme de travail habituel, malgré le nombre important des dossiers déposés dans les différents bureaux de l'instance qui est, actuellement, de 16 500 dossiers concernant différentes formes de violations. Procédures suivies par l'instance Concernant les étapes suivies tout au long du circuit parcouru par les dossiers déposés, il a précisé qu'ils passent tous par un enregistrement dans les différents bureaux d'ordres de l'IVD (Outre le siège sis à Tunis, il existe quatre autres bureaux régionaux), pour recevoir, par la suite, des numéros selon un ordre déterminé, puis ils sont transférés aux commissions compétentes. Il existe deux types de tri : le premier se fait au niveau des bureaux d'ordre où on examine tout d'abord s'il fait partie des compétences de l'instance et, par la suite, si le dossier n'est pas imaginaire. Lors de la formulation de sa demande, la victime ne dispose pas forcément d'un avocat pour l'orienter ou lui expliquer et c'est l'IVD qui se charge des procédures, pour l'aider, s'il le faut, à reformuler sa demande et à constituer son dossier. Les dossiers acceptés sont transférés à la direction des recherches et des études qui se charge, de sont coté du deuxième tri, c'est-à-dire, l'examen et la répartition entre les commissions compétentes. Il est possible qu'un seul dossier de plainte soit de la compétence de plusieurs commissions à la fois. L'instance a mis en place un système de déposition et cela fonctionne comme suit : on convoque les plaignants qui ont subi une injustice considérée comme une atteinte de prés ou de loin aux droits de l'homme. Ils subissent une sorte d'interrogatoire afin de les aider à donner plus de détails, à se rappeler ce qui aurait pu leur échapper ou qu'ils considèrent comme sans importance, pour le mentionner dans leur dossier lors de sa déposition et donc à bien fonder leurs alibis. Par la suite, les commissions de l'IVD vont chercher la trace des méfaits dans différentes archives que ce soit celles de la présidence de la République, du Rassemblement constitutionnel démocratique dissous, du ministère de l'Intérieur et celui des Finances, en vue de trouver des informations qui corroborent les déclarations du plaignant, « surtout que la loi nous accorde le droit d'accéder à toutes les archives et la possibilité d'obtenir des copies des dossiers dont nous avons besoin », a souligné Anouar Moalla, ajoutant qu'après la collecte de toutes les informations nécessaires et l'assurance que les plaintes reçues font partie des compétences de l'instance, les dossiers sont déclarés recevables, ce qui doit permettre d'entamer les procédures et de les transférer aux circonscriptions de compétence du ministère de la Justice qui vont juger ces affaires. Il a expliqué que l'IVD a déjà procédé à des auditions privées, mais qu'elle n'a pas encore commencé les auditions publiques, tout en soulignant « qu'aucune décision n'a été prise concernant les 16500 dossiers déposés jusqu'à ce jour aux bureaux de l'IVD, et que les portes de l'instance sont encore ouvertes pour recevoir et prendre en charge d'autres plaintes et ce, jusqu'au 14 décembre 2015, avec une forte probabilité de prolonger cette période et la renouveler pour 6 mois et donc jusqu'au 14 mai 2016. On s'attend à recevoir d'ici la fin de la mission de l'instance 20 000 demandes, il y a même ceux qui pensent que l'on peut atteindre les 40 000 dossiers. Composition de plusieurs commissions Le directeur de la communication a, d'autre part, indiqué que le traitement des dossiers se fait au niveau de différentes commissions qui sont : * La commission d'arbitrage et de conciliation * La commission d'examen fonctionnel et de réforme des institutions * La commission d'enquête et d'investigation * La commission de réhabilitation * La commission de conservation de la mémoire * La commission de la femme La composition de ces commissions est flexible, à part le président et le vice-président qui permanents, le nombre des membres varie selon le nombre et le contenu des dossiers à traiter. Dossiers collectifs D'autres précisions ont été fournies par le directeur de la communication qui a expliqué que, puisque la mission de l'IDV consiste à la recherche et l'investigation aux atteintes graves et méthodologiques aux droits de l'Homme, depuis juillet 1955, les habitants du gouvernorat de Kasserine considèrent qu'ils ont subi, depuis plusieurs générations une atteinte à leurs droits économiques, sociaux et politiques et ils ont présenté un dossier collectif pour leur région et c'est un dossier compliqué et atypique. C'est le cas, aussi, pour les gouvernorats de Sfax et de Gabés qui préparent eux aussi des dossiers dans le cadre d'une atteinte collective aux droits écologiques et environnementaux, surtout que les deux anciens régimes n'ont pas résolu leurs problèmes et ces dossiers seront soumis aux avis des experts.