Les caisses sociales sont dans l'œil du cyclone, à entendre les déclarations de certains responsables, surtout le ministre des Affaires sociales, qui clament fort que les Caisses sociales, la Caisse nationale de retraite de prévoyance sociale (CNRPS), La Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale d'assurance-maladies (CNAM) sont au bord de la faillite, si cela n'est pas déjà fait. Pourtant une comparaison avec les caisses sociales d'autres pays, il y a lieu de remarquer que celles de la Tunisie sont loin de remplir convenablement les missions qui leur sont dévolues et, d'une caisse à l'autre, on remarque qu'il y a beaucoup d'injustices, entre les secteurs publics et privés et que le droit à la santé est loin d'être respecté, avec la modique somme qu'alloue la CNAM à ses affiliés. La période où le Tunisien accepte tout sans rechigner ni protester est bien révolue et il n'y a qu'à voir les mouvements populaires et syndicaux pour se rendre compte qu'il y a encore du pain sur la planche pour atteindre la justice sociale et permettre au citoyen de bénéficier de tous ses droits, dans un pays qui se veut démocratique et dont le peuple croit qu'il avait fait une révolution pour recouvrer tous ses droits, sans aucune omission. Aujourd'hui, un cri d'alarme a été lancé concernant une faillite des caisses sociales tunisiennes qui n'ont pas su profiter de la période des vaches grasses pour se faire une santé durable. Pourtant, lors de son instauration, le système de sécurité sociale avait bénéficié de toute l'attention des responsables politiques, sous le régime du leader Habib Bourguiba durant lequel on était fier que la Caisse nationale de sécurité sociale était le premier établissement public à être totalement informatisé. Population vieillissante et chômage jamais atteint Hélas, lorsque la population tunisienne était jeune et que le chômage était à un niveau beaucoup plus bas que ce qu'il est, actuellement, les responsables politiques avaient géré le quotidien et accumulé les bénéfices et les recettes, sans, pourtant, accorder aux citoyens les moyens de bénéficier d'allocations familiales et de couverture sanitaire adéquates. Les caisses sociales ont tenu plus d'un demi-siècle, en étant bénéficiaires et en accordant peu au citoyen, mais elles n'ont pas pu anticiper les nouveaux problèmes auxquels elles sont confrontées, aujourd'hui, et pour lesquels elles n'ont pas une large possibilité d'action. Mais les temps ont changé avec une population de plus en plus vieillissante, grâce à une politique démographique contraignante, alors que le chômage bat son plein et des mouvements de protestation dans, pratiquement, tout le pays, sans que les caisses sociales bougent le petit doigt pour venir en aide à la politique du gouvernement, notamment pour accorder des indemnités aux sans-emploi ou revaloriser les allocations familiales. Pire encore, certains responsables sont allés jusqu'à dire que les caisses sociales sont prolifiques avec les retraités, notamment le ministre des Affaires sociales qui aurait déclaré que les pensions de retraites peuvent être revues à la baisse. Dans les pays développés, les caisses sociales n'ont, pratiquement, jamais été bénéficiaires et elles accumulent les déficits d'une année à l'autre, en raison des missions qui leur sont dévolues et qu'elles réalisent de la meilleure manière, sans pour autant, chercher à se revigorer aux dépens du citoyen. A titre d'exemple, dans les pays qui respectent la dignité du citoyen, une allocation chômage est accordée aux sans emplois et elle est souvent l'équivalent du SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti), ce qui représente un droit certain pour ceux qui n'ont pas eu la chance de trouver un emploi. Certes, il y avait eu certaines tentatives, après la révolution, en Tunisie, avec l'instauration d'une aide mensuelle pour les chercheurs d'emplois, mais elle avait été vite abandonnée, en raison de la corruption et l'octroi de ces aides à des bénéficiaires qui n'ont en aucun droit. Et l'expérience est vite tombée à l'eau. Déséquilibre entre le public et le privé Le secteur public et celui privé n'ont pas bénéficié des mêmes privilèges, depuis la création des deux caisses de sécurité sociale et c'est le premier qui a obtenu les largesses du système qui se poursuivent, actuellement. Personne n'a osé parler, jusqu'à maintenant de la participation de l'Etat et des administrations publiques aux cotisations à la CNRPS dont les dettes ont commencé à s'accumuler, depuis des années, et qui est, actuellement, dans une situation peu reposante, contrairement à la CNSS qui vient de commencer à sentir les effets de la crise. Entretemps, les affiliés à cette caisse chargée de gérer les affaires des employés du secteur public jouissent de nombreuses faveurs par rapport à ceux qui cotisent à la CNSS parmi les travailleurs du secteur privé. Les pensions des retraités de la CNRPS sont calculées sur la base des trois dernières années de service, alors que le décompte pour celles fournies par la CNSS est fait sur la base des dix dernières années de travail, alors que ces pensions sont plafonnées à trois fois le SMIG, contrairement à celles des fonctionnaires qui ne sont pas plafonnées. Il a fallu l'instauration du système de retraite complémentaire payé par les travailleurs du secteur privé afin de dépasser le plafond instauré. Pourtant, dans le secteur privé, patronat et employés paient un pourcentage appréciable des salaires à la caisse sociale. Il se situe au niveau de 16,5% pour le patron auxquels on ajoute 9,25% pour le salarié, ce qui représente plus du quart du salaire perçu. Si on calcule la somme payée après une trentaine d'années de travail, on remarque qu'il y a un fossé entre l'argent perçu et les services rendus. Services sociaux laissant à désirer Les caisses sociales ont, de tous temps, représenté, chez nous, le trésor d'Ali Baba où on puise pour satisfaire des revendications sociales, notamment avec le paiement des pensions pour les femmes divorcées abandonnées par leurs époux, les filles célibataires sans soutien et qui sont au foyer, notamment. Mais, ce qui est à blâmer, c'est que les caisses sociales n'ont rien fait pour aider les plus démunis à subvenir à leurs besoins quotidiens, grâce aux allocations familiales. La politique suivie par ces caisses est déplorable, puisqu'elles paient un peu plus de sept dinars par mois pour chaque enfant, une somme qui ne permet, même pas, de fournir le lait quotidien pour cet enfant, alors que la femme au foyer ne perçoit pas plus de quinze dinars, actuellement par mois. Ces sommes sont vraiment dérisoires, par rapport au coût de la vie, actuellement. Le pire, encore, c'est que ces allocations familiales n'ont pas augmenté d'un iota, depuis des dizaines d'années, en particulier pour celles payées pour les enfants, sans que personne s'en alarme ou cherche à changer quelque chose. Cet argent représente beaucoup dans le budget des familles démunies et l'augmentation de cette somme aurait pu être une manne bénéfique pour les aider à mener une vie un tant soit peu digne. Pourtant, comme leur nom l'indique, ces caisses sont à caractère social et elles sont faites pour diminuer les disparités entre les classes et à aider les plus pauvres à subvenir à leurs besoins quotidiens. La CNAM et le droit à la santé Pour sa part et, en principe, la CNAM a été créée pour alléger le fardeau des deux caisses sociales, concernant les prestations de santé, mais, malheureusement, cela n'a pas été le cas, parce que sa mise en place n'a pas été faite selon des règles bien déterminées. Les services de cette caisse d'assurance-maladie son décriés par plus d'un citoyen qui juge que les prestations sont loin d'être au niveau escompté, que ce soit pour les délais recouvrement des frais, de la somme allouée pour la santé de chaque membre de la famille ou de ses relations avec les médecins et les pharmaciens. Depuis son instauration, la CNAM alloue la modique somme de deux cents dinars par an, pour chaque membre de la famille de l'affilié à l'une des caisses sociales, sachant, pertinemment que la santé coûte beaucoup plus cher au Tunisien et que cette somme ne couvre pas, souvent, les frais de trois visites médicales et de trois ordonnances de médicaments par an. En outre, les délais de remboursement peuvent atteindre des mois, alors qu'ils ont été baissé jusqu'à moins de quinze jours, avant la révolution. Le personnel de cet établissement semble, aussi, avoir oublié qu'il a affaire à des citoyens qui ont payé d'avance pour ces services et qu'ils ne demandent pas l'aumône, lorsqu'ils viennent réclamer leurs droits. D'autre part, la CNAM ne semble pas être un client solvable auprès des médecins et des pharmaciens, et les dernières frictions avec ces deux corps médicaux donnent la preuve que la gestion et les règles suivies par cet établissement public ne sont pas ce qu'elles doivent être et qu'il est nécessaire de repenser ses relations avec ses partenaires. Trouver les solutions adaptées La Tunisie peut se prévaloir d'être l'un des pays en voie de développement qui ont su instaurer un système de sécurité sociale performant, alors que d'autres pays parmi les plus développés ont fait fi de ce secteur. Toutefois, les règles et le système de gestion de ces caisses n'ont pas évolué avec le temps et n'ont pris les dispositions nécessaires pour s'accommoder avec tous les aléas et faire face à des imprévus ou des développements qui peuvent entraver leurs missions. Tout le monde, en particulier la classe politique, clame que ce secteur nécessite une refonte, mais cette refonte ne doit pas être faite aux dépens du citoyen. Pourtant, comme toujours, les responsables cherchent à faire payer aux autres les frais de leur mauvaise gestion, ce qui est le cas pour le secteur social. Et ce n'est pas en pensant à faire baisser les pensions de retraite ou à augmenter les cotisations sociales qu'on peut trouver des solutions durables et efficaces. Les caisses sociales ont, de tout temps, rempli tant bien que mal, leur mission et le devoir de tout responsable est de trouver les solutions efficaces adaptées pour ne pas perdre des acquis accumulés, grâce à des politiques bien réfléchies et qui ont permis à la Tunisie d'être un pays où il fait bon vivre.