La situation à El Kamour va de mal en pis, alors qu'aucune solution ne pointe à l'horizon et que personne, pouvoirs publics, autorités locales, société civile, et protestataires ne cherchent à désamorcer la bombe, au point que cela risque d'exploser à la face de tous les Tunisiens, surtout avec les pertes qui s'accumulent et des mécontents qui, par leur égoïsme, se croient les seuls à subir les affres du chômage et de l'absence de développement. Le pourrissement de la situation politique y est, aussi, pour quelque chose, puisque les promesses faites, par le gouvernement de Youssef Chahed, comme beaucoup d'autres, d'ailleurs, n'étaient pas pour résoudre le problème. Loin de là, elle n'a fait qu'envenimer davantage la situation.
Un tour d'horizon sur l'état des lieux fait craindre le pire. Les différents champs pétroliers et gaziers situés dans le gouvernorat de Tataouine, dont l'immense gisement gazier de Nawara, sont à l'arrêt total en raison de la fermeture de la station de pompage d'El Kamour par des irréductibles protestataires qui campent depuis environ trois mois en plein désert pour réclamer la création de milliers d'emplois et le développement de la région. Cette situation engendre des pertes estimées à 3,5 millions de dinars par jour (2,5 millions de dinars provenant des recettes du pétrole et 1 million de dinars représentant le manque à gagner lié au gaz produit par le champ Nawara) pour l'Etat, selon le ministère de l'Energie et des mines.
Impact sur les finances publiques Outre son impact négatif sur les finances publiques, l'arrêt de la production des hydrocarbures causera inéluctablement un creusement du déficit de la balance énergétique. Les champs pétrolifères situés dans le désert de Tataouine assurent en effet bon an, mal an, environ 50% de la production nationale de pétrole. Déjà mises à mal par la chute des cours du pétrole sur le marché mondial, les compagnies pétrolières opérant dans le gouvernorat de Tataouine pourraient également recourir à la mise en chômage technique de leurs employés, cesser de payer les salaires et demander des réparations à l'Etat tunisien. Ainsi, des milliers d'ouvriers et de cadres risquent de renforcer les rangs des chômeurs dans la région, et l'Etat déjà embourbé dans le marécage infernal de l'endettement risque fort de payer les pots cassés. La coordination du sit-in d'El Kamour avait rejeté, le 13 août, une offre portant sur le recrutement de 250 employés dans les entreprises pétrolières et de 500 autres dans une entreprise de jardinage ? Cette offre a été faite aux protestataires lors d'une réunion avec une délégation ministérielle composée du ministre de l'Energie, des mines et de la transition énergétique, Mongi Marzouk et du ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, Fathi Belhaj. Début juillet, la coordination avait, également, rejeté les décisions annoncées en faveur de la région de Tataouine à l'issue d'un conseil ministériel, et menacé de durcir la mobilisation pour obliger l'Etat à respecter ses engagements. Ces décisions portent sur le recrutement de 500 personnes avant la fin de l'année en cours, le déblocage via la Banque tunisienne de solidarité (BTS) de fonds supplémentaires au profit des institutions de microcrédit et l'organisation d'un conseil régional extraordinaire pour identifier des projets d'investissement dans le gouvernorat. Instrumentalisation
Des promesses en l'air L'accord signé en juin 2017 entre le gouvernement et les protestataires ; après un sit-in qui a duré près de trois mois et causé un arrêt de l'importante station de pompage de pétrole d'El Kamour, prévoit notamment la création d'un Fonds de développement et d'investissement dans le gouvernorat de Tataouine doté d'un budget annuel de 80 millions de dinars. Il porte aussi sur le recrutement de 1500 jeunes dans les compagnies pétrolières (1000 en 2017 et 500 en 2018), et de 3000 autres jeunes dans la Société d'entretien de l'environnement et l'octroi de la subvention de recherche de travail de 500 dinars aux chômeurs. Pour rappel, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) s'est désolidarisé en juillet dernier du mouvement de protestation organisé par les jeunes chômeurs de Tataouine, en suspendant une grève générale ouverte qui a été observée dans les secteurs public et privé dans ce gouvernorat pendant deux semaines. La décision de la suspension de la grève a été prise suite aux soupçons d'«instrumentalisation politique» qui pèsent sur le mouvement de protestation. L'UGTT, qui s'était porté garante de l'application de l'accord signé en 2017 entre le gouvernement les protestataires, a en effet accusé Ennahdha d'avoir pesé de tout son poids pour pousser les protestataires à fermer la station de pompage du site pétrolier El Kamour dans le but d'accélérer la chute du gouvernement dirigé par Elyès Fakhfakh. Ils avaient promis le paradis, pour El Kamour et tout le gouvernorat, mais ce ne fut que des promesses en l'air. Les contestataires de la région ont été poussés dans les bras de forces occultes qui les manipulent à des fins politiciennes, au point que l'UGTT s'est rétractée dans son soutien au mouvement. On se demande comment désamorcer cette crise dont le pays n'a pas besoin.