Plusieurs signes de la conjoncture nationale et internationale laissent percevoir un grand changement dans toutes les économies. En effet, l'investissement dans les services prend le dessus sur les investissements dans le secteur industriel. Un changement qui traduit pour certains une maturité de l'économie d'un pays, et pour certains un choix stratégique. Pour d'autres, c'est la conjoncture qui conditionne cette orientation. Pour l'économie tunisienne, dont le PIB est constitué en 59% de services, l'investissement dans ce secteur connaît une nette progression, alors que l'investissement dans l'industrie est en nette régression. La crise économique n'a fait qu'amplifier ce phénomène. Baisse de 14.9% des investissements déclarés dans l'industrie Selon les derniers chiffres de l'Agence de Promotion de l'Industrie et de l'Innovation, les investissements déclarés dans l'industrie ont enregistré une baisse de 14.9% au cours des 9 premiers mois de l'année, après avoir chuté de 5% durant les 8 premiers mois. Une tendance qui semble se confirmer d'un mois à un autre. Au cours des 9 derniers mois, seulement 1911 MD d'investissement ont été déclarés aux services de l'APII, contre 2246.8 une année auparavant. Ce sont les industries des matériaux de construction de la céramique et du verre qui enregistrent la plus grande baisse avec -62.8% enregistrant seulement 267.9 MD. L'industrie agroalimentaire accuse une baisse de 6%, alors que les industries mécaniques et électriques manquent une baisse légère de -2.9%. Les industries de textiles et habillements enregistrent, pour le deuxième mois consécutif, une hausse importante de +54.5%. De leur côté, les investissements 100% étrangers accusent une baisse de -12.1%, alors que les investissements mixtes chutent de -40%. Ce résultat ne concorde pas avec la hausse enregistrée au niveau des Investissements Directs Etrangers au cours des huit derniers mois, et qui était de 2%. Avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'imposition des sociétés totalement exportatrices, prévues en 2011 (et qui risque d'être reportée encore une année dans le projet de loi des finances pour 2011), les investissements dans les activités totalement exportatrices font encore recette. Ils enregistrent une hausse de 23.2%, alors que les investissements destinés au marché local sont en baisse de -30%. Une tendance qui ne doit pas traduire une détérioration du climat des affaires en Tunisie, mais une simple tendance conjoncturelle. Répartition /secteur
09 mois 09 09 mois 10 Evol en % Total Industrie 2 246,8 1 911,4 -14,9 IAA 504,9 474,7 -6,0 IMCCV 719,5 267,9 -62,8 IME 402,8 391,0 -2,9 ICH 256,2 243,8 -4,8 ITH 143,6 221,9 54,5 ICC 25,7 22,7 -11,7 ID 194,1 289,4 49,1
Au niveau du commerce extérieur, la balance commerciale industrielle est déficitaire. Ce déficit est de -5308,4 MD sur un déficit global de -6347.6 MD. Le déficit du secteur industriel provient principalement des industries mécaniques et électriques avec -5209.1MD, soit plus de 95% du déficit du secteur. Le secteur des textiles et habillement, quant à lui, affiche une balance excédentaire de 1151.9 MD, et une hausse des exportations de 6.5% au cours des 9 derniers mois.
Investissement dans les services: montée en flèche Selon les derniers chiffres publiés par l'APII, les investissements déclarés dans les services enregistrent une hausse significative de +7.4%, pour un montant de 963.3 MD. Cette hausse qui coïncide avec la baisse des investissements dans l'industrie est très significative, et témoigne du regain d'intérêt qu'accapare le secteur des services. Les services connexes à l'industrie enregistrent, de leur côté, une hausse de 4.1%. Les détails de cette hausse sont forts en enseignements. En effet, les services liés à la recherche enregistrent une hausse fulgurante de +1100%. Un chiffre qui traduit l'orientation du secteur vers l'innovation, la technologie, et le contenu à forte valeur ajoutée. Une orientation appuyée depuis quelques mois par une volonté présidentielle forte, et des instruments financiers importants sont mis en œuvre. Dans le cadre de la mise à niveau des ressources humaines, les investissements déclarés dans la formation professionnelle enregistrent, de leur part, une hausse de 263.3%. En effet, le tissu industriel a, plus que jamais, besoin d'une main d'œuvre qualifiée et spécialisée. Services connexes à l'industrie
09 mois 09 09 mois 10 Evol en %
217,5 226,5 4,1 Informatique 39,6 27,8 -29,8 Etudes et conseils 34,1 43,8 28,4 Recherche 0,1 1,2 1100,0 Transport 47,8 90,9 90,2 Formation Prof, 3,3 12,0 263,6 Zones industrielles 39,3 0,0 -100,0 Autres 53,3 50,8 -4,7
On remarque, au passage, l'absence totale d'investissements dans les zones industrielles. Un créneau, qu'on croit arriver à saturation. En effet, plusieurs zones sont déjà aménagées et n'attendent que les investisseurs. La zone industrielle d'Enfidha, gérée par les Italiens, est un témoignage édifiant des difficultés que trouvent certaines zones pour attirer les investisseurs.
D'une manière générale, l'investissement dans les services est en croissance continue, ces dernières années, et ce pour multiples raisons: - C'est un investissement qui n'est pas très lourd, et ne mobilisant pas d'importants moyens financiers (grands bâtiments, machines et équipements), - C'est un investissement qui peut être délocalisé à tout moment : en effet, l'investissement dans les services n'est pas «immobilisateur». L'investisseur n'est pas obligé de déplacer des machines et des équipements, comme c'est le cas dans l'investissement industriel, - La marge bénéficiaire dans les services est plus importante. Dans l'investissement industriel, les coûts de production (énergie, loyers, logistique,..) sont de plus en plus chers, et la concurrence plus importante. C'est pour cette raison, et vu la conjoncture nationale et internationale, que l'investissement dans les services est en train de remonter face à l'investissement industriel. En effet, la part de l'investissement dans les services marchands dans le total des investissements est passée de 46.8% en 2008, à 49.1% en 2009. De l'autre côté, la part des investissements dans les industries manufacturières est passée de 11.4% en 2008 à 10.1% en 2009. Au niveau des échanges extérieurs, la balance des services a dégagé en 2009 un excédent qui s'est davantage consolidé pour atteindre 3.409 MD contre 3.257 MD en 2008, enregistrant une progression de 4,7%. Ce changement entamé depuis des années dans l'économie nationale va se confirmer dans les prochaines années, à la lumière des orientations fixées dans le 12ème Plan, et les différentes décisions présidentielles, ainsi que le programme présidentiel «Ensemble, relevons les défis». Et pour arriver à une valeur ajoutée importante du secteur des services dans l'économie nationale il est nécessaire de: - Bien piloter les différents programmes de mise à niveau dans les services (tourisme, santé,…) et surtout le programme de mise à niveau piloté par le ministère du Commerce et de l'Artisanat, et qui a requis une attention particulière de la part du Président de la République, lors de sa rencontre avec le Premier ministre, la semaine dernière, - Bien négocier l'ouverture du secteur des services sur les différents niveaux: OMC, Union européenne, et même à l'échelle arabe, - Enfin, être à l'écoute constante des soucis et recommandations des opérateurs du secteur, et établir une passerelle de confiance et de partenariat.