Dans son propos, la menace transparaissait en termes à peine voilés, la menace de tirer profit du climat de désordre qui s'ensuivrait. Quelques jours après, le Premier ministre du gouvernement de transition annonçait la nouvelle date de ces élections, fixée au 23 octobre prochain, c'est-à-dire une semaine après celle qui avait été proposée par l'Instance supérieure indépendante pour les élections. Cet ajout qui peut paraître peu significatif est, mine de rien, lourd de sens. Tout d'abord, il aménage un délai supplémentaire à ceux qui veillent sur le processus électoral et donc qui ne peuvent plus brandir l'argument du manque de temps pour mener à bien leur mission. Mais l'autre sous-entendu de l'annonce réside dans le fait que M. Béji Caïd Essebsi a donné là une réponse claire à la menace dont nous faisions état au début de ce billet: il s'agit de mettre le holà au phénomène des manifestations et des sit-in. Autrement dit, à tous les désordres qui peuvent affecter la rue. Plus rien ne sera toléré sur ce chapitre, c'est l'avertissement de M. Caïd Essebsi à tous ceux qui seraient tentés par le démon de la violence pour faciliter l'avènement d'on ne sait quelle nouvelle dictature. Voilà donc un message très clair. Toutes les forces vives du pays, toutes les composantes de la société, tous les partis, tout le tissu associatif sont appelés à concourir à la réussite de la transition démocratique, à travers la réussite de l'occurrence-clé de ce processus, à savoir la tenue de la Constituante. Eliminer les facteurs qui attisent les violences, retirer le tapis sous les pieds des trouble-fêtes, ne pas hésiter à sanctionner les auteurs de dérapages sont des impératifs qui s'ajoutent à la nécessité dévolue au citoyen de contribuer à l'enracinement du reflexe électorale. C'est là une partie du scénario qui doit prévaloir jusqu'à l'échéance du 23 octobre. Elle est censée s'accomplir sous le signe du dialogue entre toutes les bonnes volontés qui sont prêtes à s'engager ardemment au service de l'intérêt supérieur de la Révolution. Autrement dit, il faut instaurer un climat consensuel autour des valeurs-clés de la démocratie telles que la transparence, le respect de l'Autre, la compétition saine et loyale, le rejet de la violence et de l'extrémisme, etc. C'est, en tous les cas, ce que tout un chacun a retenu du discours du Premier ministre mercredi dernier et que l'on peut considérer, à juste titre, comme un précieux jalon dans notre aspiration à l'idéal démocratique. Et, à ce propos, il nous semble judicieux de signaler que l'initiative d'un pacte républicain, qui avait suscité une grande adhésion, ait a été quelque peu oubliée. C'est peut-être le moment de la réactiver!