Les tensions entre l'Algérie et la France ravivent les fractures au sein même du gouvernement français, à l'heure où le sort de l'écrivain Boualem Sansal continue de susciter l'émoi. Emprisonné depuis près de huit mois, l'auteur algérien de 80 ans a vu sa peine de cinq ans de prison ferme confirmée par la cour d'appel d'Alger le 1er juillet 2025. Sa libération, espérée à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet, n'a pas eu lieu, malgré les efforts diplomatiques français. Face à cet échec, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé à durcir le ton, estimant que « la diplomatie des bons sentiments a échoué ». Dans un entretien au Figaro, il a plaidé pour « un rapport de force que le pouvoir algérien a lui-même choisi ». Il s'est également appuyé sur d'autres cas sensibles, tels que l'arrestation du journaliste sportif Christophe Gleizes, 37 ans, également détenu en Algérie. Mais cette position a rapidement été désavouée par Jean-Noël Barrot, le ministre des Affaires étrangères, qui a répondu sur X (anciennement Twitter) : « Il n'y a ni diplomatie des bons sentiments, ni diplomatie du ressentiment. Il y a juste la diplomatie. » Des dissensions assumées au sommet de l'Etat L'échange souligne un désaccord de fond entre les deux ministres. Alors que Retailleau plaide pour une riposte plus ferme, le Quai d'Orsay continue de privilégier une approche diplomatique traditionnelle, jugée plus apte à obtenir des avancées concrètes avec un régime algérien perçu comme sensible à la pression extérieure. L'Elysée a tenté jusqu'ici une approche mesurée, misant sur une possible grâce présidentielle de la part d'Abdelmadjid Tebboune. Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, avait rappelé que « la France utilise les moyens diplomatiques pour demander une grâce humanitaire ». François Bayrou, premier ministre, avait lui aussi affirmé que « la situation que Boualem Sansal subit est insupportable pour tous les Français et pour le gouvernement ». La question migratoire en toile de fond Bruno Retailleau a également remis en lumière la question des expulsions d'étrangers en situation irrégulière, rappelant que « 42 % des étrangers placés dans les centres de rétention administrative sont Algériens ». Il évoque un constat d'inefficacité dans les reconduites, souvent bloquées par un manque de coopération d'Alger. Dans cette logique, Retailleau a défendu la révision de l'accord franco-algérien de 1968, qui accorde des privilèges aux ressortissants algériens en matière de circulation et de séjour en France. Une suggestion sèchement recadrée par Emmanuel Macron, qui a rappelé que « l'accord de 1968, c'est le président de la République », soulignant les limites des prérogatives ministérielles. Retailleau, une voix dissonante au sein du gouvernement Depuis sa nomination comme ministre de l'Intérieur et son élection à la présidence des Républicains en mai 2025, Bruno Retailleau n'hésite pas à élargir son champ d'expression. Début juillet, il publiait une tribune controversée contre le financement de l'énergie renouvelable, appelant à réinvestir dans le nucléaire. Une initiative vivement critiquée par Emmanuel Macron : « Si on se met à avoir des ministres qui s'occupent de tout, ça ne s'appelle plus un gouvernement. » L'affaire Sansal agit donc comme un révélateur des fractures internes en France entre une diplomatie prudente et une ligne plus offensive, incarnée par Retailleau. Si les divisions s'affichent publiquement, elles soulignent la difficulté de la France à adopter une stratégie cohérente face à un partenaire algérien jugé à la fois essentiel et imprévisible. Ainsi, l'affaire Boualem Sansal dépasse le cas individuel pour devenir un point de cristallisation des tensions politiques entre Paris et Alger, mais aussi entre les membres du gouvernement français. Entre volonté d'apaisement diplomatique et appel à une posture plus affirmée, la France cherche encore l'équilibre juste pour préserver ses intérêts tout en défendant ses valeurs. L'avenir dira si la voix de la diplomatie discrète l'emportera sur celle du rapport de force affiché. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!