Comme des milliers de tunisiennes et de tunisiens, j'ai pris part aux principales manifestations et, comme d'autres, j'ai élevé la voix, haut et fort, contre le Gouvernement et la dictature rampante. Je me disais qu'à défaut de pouvoir peser sur le cours de l'histoire, je me devais de participer rien que pour faire le nombre. J'ai assisté aux funérailles du feu Mohamed Brahmi, j'ai passé mes dernières soirées de Ramadan au Bardo. Un bain de foule pour oublier un tant soi peu le bain de sang. J'ai un avis et personne ne peut me contraindre à le taire. Je critique la droite comme la gauche, la majorité comme l'opposition, et personne ne peut étouffer mon esprit critique. Cependant, je n'étais pas à la rue , au Bardo, comme relais d'une obscure conspiration sioniste comme a lamentablement et non moins grotesquement affirmé Slim Ben Hmidane, ministre des domaines de l'état et des affaires foncières. Je ne suis pas, non plus, un disciple de Pol Pot ou un compère des Khmers rouges comme a trébuché, dans un moment d'égarement intellectuel, politique et moral, la cervelle de Mohamed Ben Salem, Ministre de l'Agriculture ( Il a voulu se la jouer grand connaisseur alors qu'il a parlé de la Corée et non du Cambodge pour débiter, quand on l'a corrigé, un gros mensonge). Je n'appelle pas, encore moins, à un coup d'Etat comme le sulfureux Mohamed Abbou a braillé. Je ne suis ni nihiliste ni putschiste comme les Chefs de Gouvernement et d'Etat n'ont pas manqué de roter, en s'adressant aux tunisiens. Ils ont alimenté le feu là où ils croyaient l'éteindre! Je ne suis qu'un tunisien, anonyme parmi les inconnus, sans parti ni préjugé ni volonté de nuire. Je ne suis pas un mouton noir dans mon pays ni une vache boiteuse dans un troupeau bovin qu'on commande au doigt et à l'œil. Je suis un homme libre, un penseur libre, un acteur libre. J'assume mes mots comme mes actes, je ne me débine pas. Pourquoi ils s'ingénient à m'affubler de tant de sombres habits rien que parce que je nourris un avis contraire, une position adverse? J'étais au Bardo sans gourdin ni tesson de bouteille ni même un bout de bois, je n'étais armé que de ma conviction, de ma voix et de ma plume. De quel droit ils s'amusent à distribuer les certificats de patriotisme et de probité selon qu'on est partisan ou adversaire? Aucun tunisien, fut-ce t-il au pouvoir, n'est plus ni moins patriote qu'un autre. Pourquoi une idée opposée est considérée comme un complot, un coup bas, une velléité de sédition? N'ai-je pas le droit d'être différent sans passer pour un magouilleur contre le pays, un pourfendeur de l'intérêt national? Ne puis-je crier mon désaccord et ma désillusion sans me prêter des projets visées destructeurs? Devrais-je me clouer le bec pour être considéré comme un bon citoyen?! Pourquoi n'en ai-je pas fait de même, rivalisant de grossières insultes et de crasseuses accusations, à l'encontre de ceux qui défendent la légitimité? Tout simplement, je sais respecter l'avis contraire et le droit de s'en prévaloir. Loin s'en faut, je conçois ce clivage politique, intellectuel et idéologique comme un indicateur de bonne santé, un signe de richesse et une marque de vitalité d'un peuple. Il n'en ai pas de même pour le camp adverse: Pour ses adeptes, penser différemment est élevé au rang d'un crime, d'une trahison et quiconque adopterait une position rivale est passible d'échafaud et de décapitation à la place publique(N'est-ce pas Sahbi Atig?!). Par ailleurs, il est quand même malheureux et non moins édifiant sur sa nature profonde que, dans son discours aux tunisiens, le Chef de Gouvernement n'a pas trouvé mieux que de menacer de faire descendre à la rue ses partisans pour une démonstration de force. Il a parlé en tant que chef de parti et non comme un homme d'Etat, un premier ministre censé être neutre, au dessus de la mêlée. Un discours ponctué d'avertissements sinon de menaces. Quand à l'intervention télévisée du Président de la République, elle était à ce point à côté de la plaque que rien que le fait d'en parler risque de lui conférer une certaine consistance. Moncef Marzouki reste dans sa bulle, complètement déconnecté de la Tunisie et de son peuple. Les coulisses de Carthage lui ont obstrué la vue, altéré la foi. Bon Dieu, taisez-vous et écoutez un peu la rue!