Décidément, il est fort, et à certains égards, imbattable notre éminent ministre de la santé. Il n'a pas son égal quand il s'agit de trouver les idées « géniales » qui n'avaient pas effleuré les esprits « limités » de ses prédécesseurs. Il n'a pas, non plus, son égal quand il s'agit de gagner l'estime et la sympathie de ses semblables aussi bien parmi le personnel de son département que dans la population générale. Il est tellement fort, Abdellatif Mekki, qu'il a pu, à lui seul, alimenter les débats, animé les discussions et susciter l'ébahissement de tout un peuple durant ce weekend. Question idées géniales, Abdellatif Mekki a immédiatement trouvé la solution pour améliorer la couverture sanitaire dans les régions reculées du pays. Il suffisait d'y penser, il préconise d'ériger trois facultés supplémentaires de médecine. Pourquoi, et comment ? Tout simplement, parce qu'on lui avait dit que les médecins spécialistes refusaient d'exercer dans ces contrées, parce qu'il n'y avait pas d'hôpitaux universitaires. Il a, alors, proposé de transformer les hôpitaux régionaux en centres universitaires. Comme on lui répondit qu'il fallait y avoir des facultés de médecine à proximité, la décision s'est alors imposée d'elle-même : oui on y va pour une, deux... et pourquoi pas... trois facultés de médecine, du moment que çà ne coûte rien de mettre en place une faculté, qui plus est, de médecine ! Et d'un autre côté, çà ne coûte rien du tout de transformer un hôpital régional en CHU. D'autant plus que les médecins universitaires enseignants, c'est pas çà qui manque. Mais surtout, avec trois nouvelles facultés de médecine, on va changer le paysage du chômage en Tunisie, on va être inscrit au Guinness, question nombre de chômeur avec un niveau Bac + 7 ! Question estime et sympathie de ses administrés, Abdellatif Mekki n'est, sur ce plan aussi, pas près de se laisser dépasser. Il a été capable de se faire « adorer » par tout le monde. Il a dès sa prise de fonction à la tête du ministère cherché noise auprès des syndicats, de façon à ce qu'il caracole maintenant à la tête du top 5 des ministres qui ont reçu le plus de préavis de grèves et celui chez qui il ne se passe pas une semaine sans qu'il y ait un sit-in sous sa fenêtre ou qu'il y ait une grève quelque part sous sa juridiction. Mais il vient ces derniers jours de battre tous les records, en s'attirant en même temps les foudres des para médicaux, du syndicat général de la santé en faisant traduire en justice un responsable syndical à Sfax, mais aussi des médecins, médecins dentistes et pharmaciens de la santé publique qu'il a toujours refusé de rencontrer et de répondre à leurs doléances, et finalement, les médecins internes et résidents qui sont sortis de leurs gonds, et sont descendus battre le pavé à cause de la lumineuse idée qu'a eu le brillant ministre de les obliger à exercer pendant trois ans dans les zones d'ombre avant de pouvoir accéder au statut de médecin spécialiste. Car le ministre savait que ces stagiaires étaient enragés de devoir subir ce travail forcé pendant un an, c'est ce qui l'a poussé à leur en imposer trois d'un coup, croyant peut-être qu'ils pestaient parce qu'un service obligatoire d'un an c'était trop peu pour leurs ambitions et leur volonté de servir le pays qui est gouverné par la meilleure équipe de tous les temps.