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Afrique, parent pauvre de la politique extérieur tunisienne, pour une véritable politique africaine globale et intégrée de la Tunisie (Deuxième Partie)
Principales conclusions Bien que, depuis la révolution, les discours embrasés et les professions de foi sur l'impératif de concevoir et mettre en œuvre, à brève échéance, une politique africaine aient été en tête d'affiche et sous les feux de la rampe, l'acte n'était guère joint à la parole. En quelque sorte, des effets d'annonce et des envolées médiatiques. Moncef Marzouki en a le plus parlé et, paradoxalement, il en a le moins fait. A sa décharge et comme à celle du gouvernement, la phase de transition a trop enregistré de crise et de désordre pour pouvoir plancher sur une politique d'une telle envergure, requérant d'importants moyens financiers, logistiques, institutionnels et humains. Toutefois, malgré le chaos ambiant, rien n'était de nature à empêcher d'initier une réflexion, de lancer une étude, de définir une stratégie multiforme et d'œuvrer à baliser le terrain au projet. Malheureusement, on a continué à brailler des convictions sans franchir le pas vers des perspectives opérationnelles. L'entreprise est certes colossale mais il fallait ne pas s'en arrêter là, bien au contraire, il fallait commencer par mettre la première pierre au chantier. Il est question là de volonté politique et non d'examen de l'état d'avancement dudit supposé projet. Toute stratégie africaine est avant tout une question de plateforme logistique, de synergie, de partenariat. Elle se base en premier lieu sur un triangle de leviers : Réseau diplomatique, implantation bancaire et disponibilité du transport aérien, voire maritime. Il est établi, et l'expérience marocaine le démontre, que le concours de ces trois pilier constitue la première plateforme pour articuler toute politique africaine crédible et efficiente. L'investisseur marocain, d'abord, se déplace, en vol direct, sur sa compagnie aérienne nationale aux principaux centres d'affaires africains et aux capitales au grand potentiel économique, commercial et financier, ensuite, il bénéficie de l'assistance et de l'encadrement de son ambassade, et enfin, il est pris en main par une banque marocaine ou sa filiale pour mieux cibler, guider et accompagner son investissement. Par contre, l'homme d'affaire tunisien passe la journée entre deux avions pour atterrir enfin, lessivé et brumeux, à son point de chute, ne trouve aucun support diplomatique pour lui faciliter la tâche et lui baliser le terrain, ni une banque tunisienne pour optimiser son investissement et l'appuyer dans son montage financier. Dans ces conditions, contraignantes sinon dissuasives, la réussite de quelques hommes d'affaires tunisiens, sur le marché africain, traduit à la fois une farouche volonté de résilience et une grande capacité d'adaptation si elle ne relève tout simplement pas du miracle.
Pour la Tunisie, le handicap n'est pas lié à l'insuffisance technique ou à la pénurie de ressources humaine de qualité ou encore à la frilosité et le manque d'ambition du secteur privé tunisien, loin s'en faut. Il se situe au niveau de l'approche globale et de la volonté politique qui font actuellement défaut. Peu ou prou intégrée dans son environnement africain, la Tunisie est tenue, plus que jamais, à retrousser les manches et à identifier la bonne formule stratégique pour s'implanter dans le continent noir et se frayer son propre chemin pour arracher des parts de marché en terme d'exportation, d'investissement , de partenariat et d'emploi. L'Afrique représente le prolongement naturel, non seulement historique et géographique, mais notamment économique et politique.
Atouts tunisiens La Tunisie dispose de nombre d'atouts qui, intégrés dans une stratégie bien outillée et bien dotée, pourraient constituer de bonnes cartes dans la donne africaine : Expertise et savoir-faire tunisiens dans différents domaines. Il s'agit là d'un capital à consolider, à élargir, à promouvoir et à rentabiliser dans une politique africaine véritable, le cas échéant. Les entreprises tunisiennes disposent d'une forte expérience et une bonne tradition dans la production des biens et services les plus sollicités en Afrique. Position géostratégique de la Tunisie, porte de l'Afrique vers l'Europe. Ce qui est de nature à permettre à notre pays d'être un pôle financier et commercial. Capital sympathie dont jouit la Tunisie, héritage de Bourguiba, certes un peu érodé actuellement mais régénérable et susceptible de rejaillir, n'étant pas complètement perdu. Il suffit juste de savoir dégager les cendres et souffler sur les braises. Affinités culturelles bien tissées, notamment avec les pays africains musulmans et/ou francophones. Cet aspect reste un gisement à savoir utiliser. Disponibilité d'un vaste réseau de bureaux d'études tunisiens en Afrique. Ce sont des points de chute et de contact ainsi que des mines d'informations à valoriser et à mettre à contribution, le cas échéant. Pistes de réflexion et d'action Nombreux pays ont réussi à pénétrer le marché africain et à se constituer en force économique de poids et en partenaire privilégié. Il est hautement recommandé d'étudier sous toute couture les facteurs de leur succès (benchmarking) pour identifier les segments que la Tunisie sera en mesure de s'inspirer et d'adapter à son modèle stratégique de déploiement. L'exemple marocain pourrait en être le premier pays à mettre sous la loupe. Le cas échéant, et si la volonté politique est bien réelle, la stratégie africaine de la Tunisie pourrait être articulée autour des principaux axes suivants, dans une démarche intégrée et simultanée. Soit une stratégie conçue et mue par une logique de synergie et de tirs groupés dont le centre de gravité sera le triangle Ambassade, Banque et ligne aérienne. Accorder toutes les facilités réglementaires, financières et administratives aux banques tunisiennes pour les encourager à s'implanter en Afrique noire (délocalisation, filiation, acquisition, représentation, fusion,...). Identifier les pays africains dont les marchés présentent un fort potentiel d'échange, d'investissement et de développement pour ouvrir des ambassades et des lignes aériennes directes. Multiplier les représentations CEPEX dans les principaux pays africains présentant un fort potentiel commercial. Doté d'un tel réseau, les possibilités d'échange et d'investissement seront plus larges et plus rentables. Chaque bureau, devant disposer des moyens financiers et humains requis pour remplir sa tâche, sera tenu de dresser un tableau exhaustif et actualisé de la situation du pays d'accréditation, répertoriant, en détail, tous les aspects législatif, réglementaires et administratif régissant son appareil économique, financier et commercial. Doter les exportateurs et investisseurs tunisiens de lignes de crédit suffisamment fournies et de mécanismes d'incitation, à même de leur permettre de relever le défi de s'attaquer en force aux marchés africains. Mettre à profit les Commissions Mixtes tenues d'une manière régulière, sous l'égide du Ministère des Affaires Etrangères, pour , d'une part, mieux connaitre les besoins des pays africains concernés et identifier les marchés et les produits où la Tunisie bénéficie d'un avantage comparatif et d'un savoir faire, et d'autre part, transformer ces Commissions Mixtes en leviers au service de la politique africaine de la Tunisie. La coopération bilatérale reste un pilier, entre autres, pour articuler et aménager la stratégie. Etablir un plan de communication et de marketing pour rendre la Tunisie nettement plus visible sur la scène africaine. En quelque sorte, reconquérir l'image actuellement altérée. Outre la machine diplomatique, d'autres acteurs, publics ou privés, devraient coordonner leurs actions et mutualiser leurs efforts pour réussir ledit plan au moindre coût. Les secteurs tourisme, culture, éducation, jeunesse, sport, audiovisuel et autres sont capables de jouer un rôle fructueux à ce niveau pour peu que les actions percutantes soient bien conçues et bien réalisées. La société civile tunisienne, par des actions de partenariat ou de réseautage , pourrait jouer un rôle dans ce cadre.
Exploiter à fond l'outil politique de sorte que le Chef d'Etat, le Chef de Gouvernement, le Président du Parlement et tous les Ministres ne ratent aucune occasion africaine pour marquer la présence tunisienne et lever si haut le drapeau national. Les grands rendez-vous africains devraient être soulignés et en gras comme des manifestations sacrées dans l'agenda de tout ce beau monde.
Faire de Tunis un haut centre des conférences africaines et ne lésiner sur aucun moyen pour accueillir, voire même arracher, les sommets, les réunions de haut niveau ou toute autre évènement de marque. Réfléchir d'ores et déjà à abriter l'un des prochains Sommet de l'Union Africaine, auquel cas, et conformément aux procédures, la Tunisie Présidera l'organisation pendant toute une année, ce qui est de nature à constituer un atout pour la politique africaine de la Tunisie envisagée.
En conclusion, la mise sur pied d'une véritable politique africaine globale et intégrée de la Tunisie est un chantier tout autant vaste qu'impérieux, engageant divers acteurs nationaux et différents moyens d'intervention. Il est plus que jamais temps de lancer au moins la réflexion dans une perspective stratégique avant d'attaquer la phase d'étude, de ciblage et puis de déploiement.
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