S'il y a une chose essentielle que Mr le Président de la République devrait savoir, c'est que le tunisien ne porte pas dans le cœur la centrale syndicale. Loin de là, les tunisiens ont, depuis longtemps, déjà, dit leur haine envers cette UGTT qui ne rate aucune occasion pour bloquer les situations et faire mettre le pays à genoux. Il faut dire que l'UGTT n'a pas volé ce sentiment de mépris, à force de grèves et de protestations, à force de s'ériger contre tous ceux qui ont voulu travailler. Les tunisiens reprochent, aussi à l'UGTT son acharnement à faire plier le pays et sa trésorerie, sous la montagne de revendications salariales qui n'ont pas cessé depuis cinq ans et qui ont fait doubler la masse salariale à payer par le trésor de l'Etat. Les tunisiens ne sont pas près, non plus, de pardonner à ceux qui ont cautionné les grèves et autres sit-ins qui ont privé le pays de milliards de dollars de rentes du phosphate et autres richesses naturelles. Sachant tout ceci, BCE devrait se douter un peu que sa dernière « initiative » de faire participer l'UGTT au prochain gouvernement, la centrale syndicale, n'est pas prête de recueillir l'unanimité d'avis favorables auprès de ses citoyens. Car ces citoyens, et ce n'est pas faute d'avoir cherché, n'arrivent pas à trouver le lien entre gouvernement de salut et UGTT. Pour eux l'UGTT au sein du gouvernement, et le loup dans la bergerie... c'est du pareil au même. Mais là où çà devient assez gros et que çà risque de ne plus passer, c'est quand le président donne l'impression d'être prêt, pour satisfaire la direction du, mal aimé, syndicat, à sacrifier l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur ministre de l'actuel gouvernement. En effet, BCE a laissé entendre qu'il était prêt à revoir la présence de Néji Jalloul au sein du gouvernement. Et plus grave, encore, il serait, même, partant pour remettre en question tout le travail colossal que Jalloul a abattu cette année, et qu'il a couronné par la parution du livre blanc de la réforme, tant attendue et tant espérée, du système éducatif devenu trop bancal. Neji Jalloul pourrait, en effet, payer pour son travail acharné, pour sa campagne sans précédent d'amélioration, de réparation et d'embellissement de l'infrastructure scolaire. Campagne qui n'a pas coûté un sou au contribuable et qu'il a du mener comme un forcené l'été dernier en sillonnant en long et en large le pays sous un soleil de plomb, alors que ses collègues se prélassaient sous l'ombre de quelques parasols sur une plage dorée. Il pourrait, aussi payer pour son acharnement à redorer le blason de l'éducation tunisienne dont les diplômes ne valent presque plus rien. Il devrait payer pour le retrait du « bonus » des 20% de la moyenne du baccalauréat pour, enfin, avoir un bon niveau qui reflète la réalité des capacités des candidats. Comme il devrait payer pour s'être démené pour obtenir aux élèves démunis des zones reculées, une collation, un petit déjeuner, et même, un moyen de transport. Mais Néji Jalloul devra, surtout, payer pour avoir tenu tête au saint des saints, à la maffia des « cours particuliers ». Et c'est, essentiellement, cette mesure courageuse et bénéfique, dont les résultats se sont, immédiatement, fait ressentir, qui va, probablement couter cher à Neji Jalloul. Car c'est, précisément, cette mesure qui a fait mal à certains, et qui a déclenché le tollé qu'elle a déclenché. Et qu'on se détrompe ! Car cette mesure n'a pas mis sur le dos du ministre l'UGTT. Loin de là, et contrairement à toutes les apparences, Jamais un ministre n'a eu des relations aussi cordiales et des liens aussi détendus, avec l'UGGT, que Néji Jalloul. Et le bras de fer que beaucoup pensaient qu'il l'opposait au syndicat, n'était, en réalité, qu'un « affaire personnelle » qui l'opposait à un leader du syndicat de base de l'enseignement, qui ne représente même pas l'intégralité des enseignants et qui a su, grâce à sa position sociale, mettre toute la pression qu'on a vue, pour prendre la défense d'une certaine catégorie qui ne mérite pas le qualificatif d'éducateur, c'est-à-dire le « cartel » des adeptes des cours particuliers. Voilà, donc, à quoi la Tunisie risque d'être réduite. Elle risque de sacrifier son meilleur ministre, celui qui travaille le plus, sur l'autel de ceux qui refusent, et qui empêchent les autres, de travailler. Celui qui refuse de reculer quand il prend la bonne décision. Celui qui ne plie pas quelle que soit la pression qu'on lui met. Elle risque de se laisser priver de la compétence d'un de ses enfants, pur produit de ses universités, du temps de leur gloire, qui ne demande rien, et qui n'aspire à rien, si ce n'est à ce qu'on le laisse travailler et accomplir ce dont il avait tant rêvé : terminer la réforme du système éducatif.