Au royaume chérifien, où la religion musulmane est enseignée à l'école comme toute autre matière, les autorités marocaines font face au même défi qu'en Europe : comment contrer la montée de l'islamisme intégriste ? Les 21, 22, et 23 décembre derniers, des professeurs marocains de philosophie ont manifesté contre les nouveaux manuels d'enseignement islamique. En cause ? Le chapitre d'un ouvrage, Manar at tarbia al islamiya, qui désigne la philosophie comme "une production de la pensée humaine contraire à l'islam" et "l'essence de la dégénérescence", comme le rapporte longuement Le Monde. De quoi susciter une vive émotion chez les professeurs de philosophie. D'autant plus que ce manuel scolaire, réédité fin octobre 2016, devait, à la suite d'une réforme voulue huit mois plus tôt, promouvoir un "islam tolérant" purgé des références à la violence ou à l'intolérance et enrichi de concepts prônant le respect des droits de l'Homme, au programme du baccalauréat 2016-2017. Le roi Mohammed VI a décidé le 6 février 2016 de réviser les programmes d'enseignement religieux, pour mettre en avant un "islam du juste milieu". Mais face à la fronde des milieux conservateurs et islamistes qui s'en est suivie, des concessions ont dû être accordées. Le royaume a notamment abandonné l'idée de renommer "l'enseignement islamique" en simple "enseignement religieux". Inspiré d'un salafiste du XIIIème siècle Les professeurs de philosophie se mobilisent à présent contre un manuel jugé "diffamatoire" qui semble s'inspirer d'une grande figure du XIIIe siècle, Ibnou As-Salah Ach Chahrazouri, une personnalité appréciée par... les salafistes, rappelle le journal marocain L'Economiste. Ce penseur rigoriste estimait que la philosophie provoquait "l'angoisse et l'errance, l'hérésie et la mécréance". Son diagnostic : la philosophie est "le summum de la démence et de la dépravation".