Al-Bireh (Palestine): Un boulevard baptisé au nom du "martyr du drapeau" l'étudiant tunisien Fares Khaled (Photos)    Election du président de l'OECT, monsieur Walid Ben Salah, à la tête de la PAFA    Ahmed al-Charaa à Paris : une visite sous haute tension diplomatique    CAN U20 – Groupe B (3e journée) – Tunisie-Maroc (Cet après-midi à 16h00) : Rien ne vaut la victoire...    « Le Retour des Phéniciens » : La 2e édition se tiendra dimanche au vieux port de Bizerte    Divorce à l'amiable : Bientôt possible chez le notaire en Tunisie ?    L'Allemagne entre recomposition interne et responsabilité européenne : les enjeux d'un mandat fragile    LTDH et FTDES : appel à un Congrès national pour les droits, les libertés et la démocratie    Fiscalité des Tunisiens à l'étranger : Ce que dit la législation tunisienne    Tunisie : Ariana célèbre sa 29e édition du Festival des Roses du 09 au 25 mai 2025    Le message poignant de la fille de l'activiste emprisonnée Saloua Ghrissa    Zaghouan : la récolte de fleurs de « nesri » menacée de destruction    L'arrivée de Xi Jinping à Moscou perturbée par des drones ukrainiens    Apple se dirige vers le lancement de son premier iPhone pliable à cette date    "Les Enfants Rouges" de Lotfi Achour doublement primé au Festival de Malmö en Suède    Fathi Triki présente "Philosopher en terre d'islam" à l'IFT ce jeudi 8 mai    Projet d'aménagement de l'entrée sud de Tunis: Le taux d'avancement des travaux a atteint 70 %    Une Ecole thématique en Microélectronique à l'INSAT    Evadés de Mornaguia : le procès des terroristes impliqués dans un braquage bancaire reporté    L'usage des traites a triplé en un an, affirme Mohamed Nekhili    Les ouvrières agricoles manifestent à l'avenue Habib Bourguiba    À ce jour, aucune nouvelle taxe n'a été établie entre la Tunisie et la Libye    Sfax privée d'électricité ce dimanche : voici les zones concernées    La Chambre Tuniso-Espagnole trace sa feuille de route pour 2025    Alerte aux pèlerins : Achetez votre coupon de sacrifice uniquement auprès des autorités agréées    Tunisie Autoroutes : 5 grands chantiers en cours et jusqu'à 7 nouveaux postes de péage d'ici fin 2025    En vidéo : La MAE Assurances poursuit son engagement pour l'innovation et annonce la 2e édition du MutualHack    Les aéroports de Sfax, Tozeur, Gafsa, Tabarka et Gabès offrent un accès gratuit au Wifi    Météo : Pluies parfois intenses attendues l'après-midi sur les régions ouest du nord et du centre    Les Etats-Unis envisagent d'expulser des migrants vers la Libye    Parlement des prêts ? Samir Abdelhafidh répond aux critiques par les chiffres    Paris Saint-Germain – Arsenal : heure du match et chaînes de diffusion    Le déficit commercial américain atteint un niveau record en mars    Crise Inde-Pakistan : Israël soutient New Delhi, l'ONU et la Chine appellent à éviter une guerre    Tensions accrues entre l'Inde et le Pakistan : des dizaines de morts et de blessés    Affaire "Complot contre la sûreté de l'Etat 2" : Le tribunal reporte l'audience et rejette les demandes de libération    Décès de Fathi Ennaïfar : l'ingénieur polytechnicien, le poète, et le soufi    Enseignement supérieur : deux nouvelles institutions en préparation à Médenine    Festival « Thysdrus » : El Jem célèbre les romains ce week-end    Masters 1000 de Rome : Ons Jabeur espère rééditer son exploit de 2022    Natation : la Tunisie accueille le 8e Open Masters avec 18 pays représentés    Par Habib Ben Salha : La Bsissa prend la route de l'UNESCO    ES Sahel : soutien à Ben Amor après une violente agression à Sousse    Youssef Mimouni condamné à deux ans de prison    Sami Mokadem : la 39e édition de la Foire du livre était un échec !    Volley-Coupe de Tunisie: L'Espérance ST rejoint l'Etoile du Sahel en finale    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Par Abdelaziz Gatri : Gouvernement : l'âge de pierre digital et le coronavirus
Publié dans Tunisie Numérique le 17 - 03 - 2020

J'ai pris part avec grand plaisir aux travaux du 33ème congrès de l'Ordre des Experts Comptables de Tunisie (OECT) qui s'est déroulé les 27 et 28 février dernier à la cité de la culture à Tunis. J'adresse à cette occasion mes remerciements les plus sincères à l'OECT pour avoir permis cette participation de façon gratuite et pour la qualité de l'accueil et l'organisation impeccable. Je salue par la même occasion le choix plus que judicieux du thème (la révolution digitale), des ateliers et des intervenants dont les interventions étaient d'un grand intérêt.
Deux d'entre eux ont particulièrement brillé pour des raisons différentes comme vous allez le découvrir.
Le premier est un ancien ministre de l'entrepreneuriat et des technologies de l'information de la république d'Estonie. Il a charmé l'assistance par sa jeunesse, son élégance, sa prestance et la clarté de son intervention. Il a exposé en peu de temps l'expérience de son pays en matière de transformation digitale qui a conduit à la digitalisation des services administratifs à 99%, à la digitalisation par défaut de tout le processus d'apprentissage et d'enseignement, à la généralisation de l'apprentissage des ICT dès le plus jeune âge et sur toute la vie, au premier rang européen et 4ème mondial dans le classement PISA, à un ID électronique pour chaque estonien. Le nombre d'étudiants estoniens poursuivant des études en ICT est le double de la moyenne des pays de l'OCDE.
Sur le plan des échanges économiques, l'autoroute des affaires appelée X-ROAD initiée depuis 2001 couvre 3000 différents services et 900 millions d'opérations permettant une économie de temps estimée 844 ans annuellement. Cette technologie a été exportée en Islande, en Finlande, aux Iles Féroé, en Ukraine et dans d'autres pays. Le tout est couvert par un puissant système de sécurité informatique, de lutte contre la cybercriminalité et de protection des données de la vie privée. Il a conclu son exposé par une revue des plus importantes prouesses technologiques de son pays en matière de nanotechnologie et de robotique. Son intervention fut saluée par une assistance intéressée et admirative.
Le deuxième intervenant qui a vraiment « brillé » était le directeur général de l'unité d'administration électronique à la présidence du gouvernement tunisien. Il a brillé par son courage, car il en fallait pour venir discourir des réalisations inexistantes du gouvernement en matière d'administration électronique. Et ça a fait des « on va faire ceci, on va faire cela » à tout bout de champ. C'était vraiment osé de venir parler au futur, pour un gouvernement qui allait faire la passation de consigne le lendemain.
Le pronom personnel indéfini « on » se prêtait bien pour la circonstance car il renvoie aux calendes grecques le travail de l'avant-veille qu'on n'a pas été inspiré de faire la veille. Pour expliquer les retards pris dans la transformation digitale par le gouvernement, il n'a pas trouvé mieux que de désigner les coupables indiqués : la rareté des ressources humaines et financières, argument évoqué par un autre représentant de la médiocratie partante, j'ai cité Taoufik Jelassi, ancien ministre et enseignant à IMC Lausanne.
Mauvaise foi, quand tu nous tiens! Quand je pense que la Tunisie est l'un des plus grands pourvoyeurs d'ingénieurs, de programmeurs, de développeurs et de gameurs de la planète et que plusieurs lignes de crédit et autres aides mis à notre disposition sont restés intacts à ce jour, il y a de quoi perdre son sang-froid.
Le thème de la transformation digitale évoque en moi de tristes souvenirs vécus autant dans l'administration que dans l'enseignement.
Quand j'ai intégré l'administration en 1984, la douane tunisienne était déjà la première au niveau de tous les pays sous-développés et même certains pays développés à adopter un système informatisé national de dédouanement automatisé (SINDA). Son mérite était d'autant plus grand que ce système fut confectionné et mis en place par des cadres douaniers tunisiens dirigés par feu Béchir Lahani, allah yarhmou, Directeur de la législation, des études et du tarif à l'époque, et Si Amor Ben Romdhane, un talentueux ingénieur informaticien prêté par la Compagnie des Phosphates de Gafsa pour les besoins de la cause.
Certains des membres de l'équipe continuent à ce jour à faire le bonheur des organisations mondiales et cabinets internationaux de conseil et à faire profiter les douanes de plusieurs pays de leurs talents et de leur expertise. Je suis dans le regret d'avouer qu'en la quittant en 2017, et malgré quelques améliorations apportées à ce système et l'introduction de la plateforme TTN, notre administration n'a pas fait de grands progrès sur le chemin de la digitalisation de ses processus de gestion entamé dès 1995 avec le concours de la banque mondiale.
Théoriquement, bien des applications ont été instaurées et sont à point. Pratiquement, aucun délai n'est respecté et tout est à faire avec un support papier. Et bonjour les goulots d'étranglement, bonjour la course aux obstacles, bonjour l'arbitraire, bonjour les interventions et la corruption.
Rien qu'en novembre 2016, nous étions cinq cadres supérieurs de la douane tunisienne à prendre part à Shanghai en Chine à un séminaire international de deux semaines sur la modernisation de la douane avec la participation des douanes de plusieurs pays africains. Les responsables de la douane chinoise ont été d'une amabilité et d'une disponibilité sans limites, fidèles à la tradition séculaire de l'hospitalité chinoise.
Ils nous ont exposé la dématérialisation de leurs procédures dans le détail, nous ont ouvert les portes de leur administration et fait entrer en contact avec leurs services, nous ont fait visiter leurs institutions et leurs installations, notamment le port de Shanghai situé en haute mer et relié au continent par un pont de 32 kilomètres, où l'enlèvement des marchandises s'effectuait avec la technique du zéro papier.
A mon initiative personnelle, j'ai été reçu par les hauts cadres douaniers chinois qui m'ont exprimé leur disposition à faire bénéficier la douane tunisienne de leur expertise tant en matière de dématérialisation des formalités qu'en matière de formation professionnelle, de perfectionnement et d'équipements, étant moi-même à l'époque directeur de l'Ecole Nationale des Douanes Tunisiennes. J'avais aussi profité de la présence de cadres douaniers de plusieurs pays africains pour leur proposer de les faire profiter de l'expertise tunisienne en matière de formation professionnelle douanière, et ils m'ont fait part de leur volonté d'enclencher une coopération saine et constructive dans ce domaine.
A mon retour, j'ai fait parvenir aux autorités tunisiennes un rapport détaillé de ma mission conformément aux exigences de la réglementation en matière de missions à l'étranger (exigences pas souvent respectées), ne manquant pas de rendre compte de la disponibilité des autorités douanières chinoises à apporter leur expertise, et des collègues africains à profiter de notre cadre de formation professionnelle, ce qui pouvait représenter une opportunité exceptionnelle de coopération multipartite sud-sud. Ce rapport est resté lettre morte à nos jours.
Il faut dire que la dématérialisation des procédures avec ce qu'elle entraîne de transparence constitue une réelle menace pour les fraudeurs et autres contrebandiers qui constituent le plus grand soutien des partis politiques de la coalition au pouvoir et les amis personnels des hauts responsables.
Pour l'enseignement, c'était une autre paire de manches. J'étais en poste à Sfax en 1998 quand je fus sollicité par l'école supérieure de commerce de Sfax pour donner un cours à caractère professionnel aux étudiants de maîtrise en gestion des affaires internationales. En allant à l'institution pour mon premier cours, deux phénomènes majeurs m'ont frappé : la dictée en procédé d'apprentissage systématique et de grands travaux d'extension de l'école.
Faisant mes premiers pas dans l'enseignement à l'université, je me gardais bien de faire des reproches à « mes collègues », enseignants de longue date, sur cette aberration pédagogique qu'est la dictée dont je fus moi-même victime dans mes années d'étudiant et qui m'a valu bien des problèmes avec mes enseignants qui voyaient d'un mauvais œil le fait que je ne consentais pas à écrire ce qu'ils nous dictaient.
En effet, faire des études de gestion et d'économie et se plier à cette pratique anti économique de la dictée était pour moi une aberration inacceptable. Mais construire des annexes à l'école, salles de classes et de conférences incluses, alors qu'il suffit de mettre les cours à la disposition des étudiants sur un site électronique, faisant ainsi l'économie du budget de l'extension, des frais de transport des étudiants et des enseignants et une économie de temps considérable, j'ai trouvé ça indigne d'une école de commerce et je n'ai pas manqué d'en faire part au directeur. Je le lui ai fait remarquer, et il m'a avancé des arguments impossibles. C'est que des travaux d'extension représentaient un marché favorable à toutes les manigances d'usage en matière d'organisation et d'exécution de marchés publics et il n'était pas question de se priver de cette poule aux œufs d'or.
Aujourd'hui en Tunisie, au niveau constitutionnel et législatif, tout est parfait en matière de principes généraux et de révolution numérique. Mais en pratique rien ne marche : légalisation de signature et copie conforme légalisée des documents sont toujours de mise, signature électronique encore pas au point, la queue est de mise pour tout service administratif... Même les services digitalisés sont plus durs et plus longs à obtenir qu'avant : essayez d'obtenir un bulletin numéro 3. Le renouvellement de la carte d'identité prend 15 jours minimum, avec exigence de production d'un certificat de résidence à délivrer par la même autorité. Kafka se serait pendu.
Aujourd'hui plus que jamais, avec le coronavirus qui sévit, l'absence de transformation digitale se fait sentir. Les choses auraient été beaucoup moins compliquées avec des systèmes de télémédecine, de télétravail, de e-learning, de e-administration, de e-justice, de e-que-sais-je.
La loi sur la télémédecine votée depuis 2018 donnant aux professionnels de la santé la possibilité d'exercer leurs activités médicales et dentaires dans le cadre de la télémédecine aurait pu être d'un grand secours aux professionnels de la santé dans cette conjoncture de propagation exponentielle du coronavirus. Mais le gouvernement s'est abstenu de prendre les décrets nécessaires pour la rendre applicable. Le résultat est que tout acte de médecine à distance reste considéré comme un acte délictuel.
Abdelaziz GATRI. Expert-conseiller, opérations de commerce international, contentieux douanier.
Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.