TUNIS (TAP) - Au delà d'un idéal, l'art de vivre est possible, au delà d'une vie individuelle, un partage communautaire est primordial et au delà du quotidien à gérer, la notion de temps à gérer est nécessaire, c'est par ces propos que les artistes chorégraphes Selma et Sofiane Ouissi, fondateurs du collectif artistique Dream City de Tunis ont présenté le projet "Laaroussa" (Poupée), lors d'une conférence de presse organisée vendredi en fin de matinée au siège de la Délégation de l'Union Européenne à Tunis. Plus qu'un projet, "Laaroussa" est aujourd'hui un collectif réunissant les femmes potières de Sejnane (nord-ouest) ainsi que les collectifs artistiques Dream City de Tunis, La Luna de la ville de Nantes (France) en partenariat avec un large réseau associatif et avec le soutien financier de la Délégation de l'union européenne en Tunisie, de la fondation Anna Lindh ainsi que de l'institut français de coopération à Tunis (IFC). Mettant l'art au service du social et de l'économique, ce projet réunissant artisanes et artistes de différentes expressions (arts plastiques, cinéma, musique, visuels...) se propose d'engager un processus de travail en commun qui repose sur les valeurs du partage et de solidarité, pour que ces femmes, longtemps exilées dans les montagnes des zones lointaines et vulnérables puissent avoir les outils nécessaires pour pouvoir s'autogérer. Le projet "Laaroussa" dénote de l'importance particulière accordée aux poteries de Sejnane, précise l'artiste Selma car il s'agit d'oeuvres faites par des femmes qui peinent, pendant en moyenne trois jours à arracher l'argile à la terre, broyer des briques, les faire pétrir et modeler dans leurs mains avant même que la matière brute devienne poupée, pour être vendue à Paris à 150 euros et à la Marsa à 100-200 dinars alors que son prix de vente à l'échelle locale se situe entre 10 et 20 dinars" signale-t-elle. D'ailleurs, c'est de là qu'est née l'idée du projet en octobre 2010 avant de débuter, dans sa première phase en février 2011. 60 potières de Ghrof, Jmaiat, El Guetma, Sbessa 1 et Sbessa 2, à l'oeuvre en attendant la mise en place de leur coopérative en 2013 60 femmes ont été sélectionnées représentant ainsi une femme de chaque foyer résidant dans plusieurs régions avoisinantes de la ville de Sejnane dont Ghrof, Jmaiat, El Guetma, Sbessa 1 et Sbessa 2. Dans son esprit, cette initiative se propose non seulement la création de nouvelles formes d'espaces autonomes de production autour du savoir-faire artisanal et artistique mais aussi un meilleur apprentissage pour les femmes de gérer la notion du temps pour créer. D'ailleurs, réplique Sofiane Ouissi "Je me souviens bien d'une de ces femmes qui m'a dit: pour la première fois, je suis payée pour avoir eu du temps". Pendant ces nombreuses semaines d'activités communes, les femmes de Sejnane qui ont pour la première fois uni leur savoir-faire et leur force de travail, démontré qu'une société rêvée est possible avec pour chacune ses goûts : poterie, garde d'enfants, cuisine, chants, slam, crochet, etc... Se voulant une expérience de proximité à tous les points de vues, un journal des voix de Sejnane a été élaboré. Axée sur trois thèmes "La terre, l'attente et la femme", ce journal écrit dans le dialecte tunisien, s'est voulu, l'écho réel des paroles de femmes et d'hommes pour livrer leurs idées, transmettre leurs besoins, leurs rêves et l'attachement profond à leur terre. Cette première phase du projet sera visible le 18 juin à Sejnane pour marquer, loin de l'événementiel ou du contemplatif, une véritable découverte et une invitation à vivre les différents cheminements de cette expérience. Longtemps folklorisés, les objets fabriqués par ces mains habiles dépositaires d'un savoir-faire séculaire régional feront le voyage jusqu'au palais du Japon. Deux commandes sont déjà faites, annonce Selma Ouissi. Et d'ajouter: il est temps de passer à la phase 2, c'est à dire trouver des relais financier et technique, des ONG, des partenaires politiques nationaux ou internationaux, pour les éveiller à la possibilité de penser et d'agir autrement, afin d'aider ces femmes à prendre leurs destins en mains, dans une coopérative qui soit bien réelle, installée dans leur propre terre.