TUNIS (TAP/Noureddine Bokri) - Le plan économique élaboré à l'initiative du gouvernement transitoire, a pour objectif de répondre aux besoins du pays à court et moyen termes. M. Omar Belhédi, géographe, économiste et enseignant chercheur à la faculté des sciences humaines et sociales (université de Tunis), exprime, dans une interview accordée à la TAP, son point de vue sur les orientations du nouveau plan et préconise le lancement de grands projets dans l'infrastructure, le tourisme et l'agriculture. Question: D'après vous, ce plan aura-t-il un impact réel sur l'avenir du pays? Réponse: La relance économique exige des efforts importants en matière d'investissement et de financement pour passer d'un taux de croissance économique prévisible de 1%, voire moins, à un taux égal ou supérieur à 5% qui était la règle jusque là. Il est tout à fait évident que la Tunisie a besoin d'une enveloppe financière importante pour compenser d'abord les pertes subies en 2011, et ensuite rattraper les retards enregistrés dans plusieurs secteurs comme le tourisme, l'industrie ou la production des phosphates. En outre, le pays a besoin d'un programme socio-économique de restructuration en fonction des nouvelles orientations qui vont être arrêtées une fois la constituante élue. Compte tenu de la capacité interne limitée en matière d'investissement, tant publique que privée, une bonne part du financement doit venir de l'extérieur et justifie le recours à ce genre de plan, quel que soit le modèle économique qui va être choisi d'ici là. Il y a des besoins urgents en matière d'emploi, d'infrastructures et d'équipements publics mais aussi dans le domaine des augmentations salariales, de l'éducation et de la santé. Des secteurs entiers nécessitent une totale ré-orientation comme le tourisme, l'industrie ou l'agriculture. Enfin, les régions intérieures exigent un effort supplémentaire pour rattraper un peu, le retard dans tous les domaines. Il n'en demeure pas moins que cette action engage à moyen terme, voire à long terme, l'avenir du pays ce qui pose problème dans une phase transitoire où des choix déterminants pour l'avenir du pays, doivent être opérés. Il y a une crainte que ce plan puisse engager irrémédiablement l'avenir du pays dans la mesure où la plupart des emprunts sont souvent conditionnés. En outre, nous comprenons mal comment un gouvernement transitoire puisse ficeler un tel plan sans tenir un véritable débat, même dans une situation "révolutionnaire" où les acteurs ne sont pas encore légitimes. C'est la démarche qui est dés le départ, mise en cause. Mais nous ne pouvons pas non plus attendre une année avant d'engager une réforme économique, après ce serait trop tard. Question: Le plan prévoit la mise en place d'une meilleure gouvernance, la réalisation rapide des infrastructures, le développement du capital humain, l'intégration aux marchés internationaux et la transformation du secteur financier. Comment jugez-vous ces priorités à court et moyen termes? Réponse: La gouvernance permet d'éviter les dérapages, elle exige la participation des différents acteurs et la mise en oeuvre de règles de conduite, ce qui nécessite du temps pour changer les règles de prise de décision au sein de l'administration. Par ailleurs, tous les objectifs paraissent louables en termes de principe ou de finalités comme le développement du capital humain, la mise en niveau du système universitaire, l'intégration à l'économie-monde, la restructuration du système financier..... Ce sont là des objectifs que nous avons lus et relus, dans la plupart des plans antérieurs mais nous avons, aussi, vu les résultats. La problématique réside non au niveau des objectifs, mais de la démarche adoptée. Nous continuons de parler de gouvernance alors que le plan économique lui même a été conçu sans aucun débat, cela pose la question de la nature de cette gouvernance? Pour gagner du temps, le gouvernement a commencé à tracer les grandes lignes du Plan économique, quitte à affiner par la suite son contenu réel, une fois les choix arrêtés clairement. Encore faut-il mettre à contribution les différentes parties prenantes, dans sa mise en oeuvre. Question: Pour réaliser ces objectifs, la Tunisie a demandé au G8 un soutien financier de 25 milliards de dollars, ventilés en trois tiers: des prêts concessionnels, très concessionnels et des dons. Quel sera l'impact de ce recours, à votre avis, sur le financement extérieur de l'économie tunisienne? Réponse: J'estime que cette partition ternaire peut convenir à la situation de la Tunisie et à son économie. Compte tenu du marché financier mondial, cette structure est de nature à respecter les principaux indicateurs en matière de crédibilité financière et d'efficacité économique globale. A ce niveau, j'appelle à l'assainissement des différents secteurs économiques et notamment les institutions bancaires. Question: Concrètement, quelles sont vos propositions pour réussir une relance de l'économie tunisienne? Réponse: Pour créer des emplois, il faut lancer de grands projets dans l'infrastructure, le tourisme et l'agriculture dans le cadre d'un partenariat public/privé. Pour relancer la demande, moteur de l'activité économique, il est nécessaire d'encourager les tunisiens à consommer davantage. L'intervention de l'Etat est, aussi, primordiale, dans les régions intérieures pour réduire les inégalités.