TUNIS (TAP) - Un livre blanc sera diffusé d'ici fin novembre, par un groupe d'experts et de chercheurs universitaires (économie et finances) tunisiens, regroupés autour du Professeur Elyes Jouini, économiste et membre de l'Institut universitaire de France. Il s'agit de l'initiative "IDEES", visant l'élaboration d'un rapport d'orientation et d'action économique et sociale "Tunisie 2021", comprenant une vision sur 10 ans et un programme de relance pour les cinq prochaines années (2016). Ce projet sera mis sous le patronage d'un comité de surveillance composé de compétences de renom et fera intervenir des experts dans différentes disciplines économique et sociales. Ces experts ont procédé à un état des lieux et ont quasiment finalisés des propositions sur les court, moyen et long termes, pour les thèmes de l'Emploi, la pauvreté, la sécurité et la santé, les PME, la stratégie de développement sectoriel, l'aménagement du territoire et le développement régional, le secteur bancaire et financier et la politique macroéconomique. Membre de ce groupe, M. Moez El Elj, enseignant à l'ISG et chercheur au laboratoire de l'école polytechnique, a procédé à un survol rapide de l'initiative "IDEES". Il a précisé dans un entretien avec la TAP, que son équipe entend procéder, en vue de l'élaboration de pistes de réformes, à un "benchmarking", une comparaison des programmes économiques et sociaux présentés par les partis politiques, dont la plupart "n'ont pas l'expérience des réformes économiques". L'économiste a de prime abord, avancé "nous ne pouvons pas faire de réformes sur le long terme avec les gens de l'ancien régime. Il faut commencer par réformer le système". Pour cela, il faut, selon lui, créer un organe de réflexion indépendant, tel qu'un cercle d'experts, une sorte de think tank, incluant des "pointures tunisiennes de renommée internationale" qui assiste, supervise et contrôle l'action du gouvernement. Interrogé sur le travail effectué sur la thématique pauvreté et inégalités, il a mis en avant, "l'inefficacité des outils en place", à l'instar du programme national d'aide aux familles nécessiteuses, lequel "assiste ces dernières, tout en les maintenant dans la pauvreté". Il y a, également, un problème de ciblage. "Le programme accorde à toutes les familles le même montant d'aide, quel que soit le nombre de leurs membres". A ce propos, M. El Elj a lancé un avertissement contre le risque de mener "une politique économique populiste, séduisant l'électorat, mais pouvant nuire aux générations futures". Pour mener des réformes, "il faut avoir un discours clair et cohérent, tout en responsabilisant le citoyen", a-t-il affirmé. Revoir le système fiscal L'état des lieux du système fiscal tunisien, fait ressortir un nombre démesuré de forfaitaires, soit 80% des contribuables qui ne représentent que 1,1 % des chiffres d'affaires déclarés à l'imposition, au plan national. Les adhérents au régime forfaitaire payent en moyenne, 41 dinars par an d'impôts!. Cette situation entraîne une évasion fiscale trés importante. Faut-il le rappeler, les contribuables parmi les salariés et les entreprises fiscalement honnêtes, adhérant au régime réel, contribuent à 98,3% des recettes fiscales, a relevé M. El Elj. S'agissant du chômage, 60% des demandes additionnelles d'emploi, concernent les diplômés. Dans le Sud-Ouest tunisien, le chômage des diplomés s'alourdit à 40%. Cet état de fait résulte, pour l'économiste, de la structure de production nationale qui ne peut absorber ces diplômés, étant donné que la plupart des activités économiques sont à faible valeur ajoutée. A ce propos, le groupe d'experts recommande, de réfléchir aux moyens de développer la fabrication de produits innovants, en vue de leur exportation. Ceci permettra, à leurs avis, de créer plus de valeur ajoutée et d'absorber davantage de diplômés du supérieur. "Les pays dont les ressources sont limitées, gagneraient à développer les secteurs des services, voire à être "tertiarisés", selon le qualificatif de M. El Elj. Pour la Tunisie, ce potentiel de "tertiarisation" existe, surtout, dans les secteurs des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), a-t-il indiqué. Il a rappelé que les produits technologiques à haute valeur ajoutée représentent, en Tunisie, seulement 4% des exportations globales. Or, la mise à niveau du système de l'innovation, qui est aujourd'hui indispensable, "ne peut se faire en solo", reconnaît M. El Elj, appelant à une coopération avec l'extérieur pour réussir cet objectif et à "s'insérer dans les réseaux internationaux de recherche-développement". L'expert appelle, ainsi, à repositionner toutes les industries et à œuvrer pour permettre à des entreprises tunisiennes opérant pour le marché intérieur, de fournir les entreprises off-shore. Cette voie garantit, selon lui, plus d'ouverture à ces unités, qui sont actuellement "déconnectées" des sociétés "off-shore" actives en Tunisie et contribue à la création d'emplois. Pour ce qui est de l'ouverture sur les marchés extérieurs, l'expert a plaidé pour une implantation sur les marchés de l'Afrique et du Maghreb, car une délocalisation en Europe est difficile, précisant "il est aujourd'hui plus intéressant de s'implanter et de vendre sur ces marchés que d'exporter". Sur un autre plan, le groupe d'experts plaide pour un nouveau "découpage des régions selon des groupes homogènes au niveau de la population". Dans cette nouvelle répartition, ils recommandent un rééquilibrage régional et "une mise à niveau" des régions intérieures. "Il faut qu'il y ait des régions avec le même poids économique", estime M. El Elj, appelant dans ce contexte à "revoir la fiscalité locale et réajuster de manière conséquente les budgets alloués aux régions intérieures".