TUNIS (TAP) - Experts et universitaires pluridisciplinaires ont tiré la sonnette d'alarme quant au recours à l'endettement extérieur, solution préconisée par le Gouvernement de transition dans sa stratégie de développement économique et social pour le prochain quinquennat (2012-2016), mieux connu sous le nom de «Plan jasmin». Réunis, samedi, à Tunis, lors d'une rencontre débat, organisée par le Comité de réflexion sur l'économie tunisienne (CRET), autour du thème «Plan jasmin et souveraineté nationale: analyses et alternatives», ces experts estiment que l'endettement extérieur constitue une menace potentielle qui peut affecter la souveraineté nationale et plus particulièrement économique. En effet, ont-ils dit, plusieurs préalables doivent être réunis avant le recours à l'endettement extérieur. Sur ce point, M. Mohamed Chawki Abid, expert en Finances, s'est prononcé sur l'impératif d'effectuer un diagnostic, voire, un audit approfondi des comptes de l'Etat et de l'endettement actuel (structure, coût, maturité, conditions d'affectation…), et de commencer par identifier les possibilités de mobilisation des ressources internes afin de couvrir le maximum des besoins de financement. L'objectif est de réduire le recours à l'endettement extérieur. Il a relevé à ce propos, l'intérêt de passer en revue les ressources publiques (fiscales et douanières) afin d'identifier les gisements peu ou mal exploités. Pour ce faire, a-t-il soutenu, il y a lieu de réaliser des économies de dépenses (compression de certaines rubriques budgétaires, réduction des importations de biens et services superflus..), d'engager des réformes fiscales (relever l'impôt sur les sociétés à un niveau standard (50%) avec abattement en cas de déclaration spontanée, réviser le régime forfaitaire…) et d'améliorer les recettes douanières. Sur cette question, M. Abid a proposé d'instaurer des droits de consommation pendant la période (2012-2016), soit de rétablir partiellement, à titre d'exemple, les barrières tarifaires sur les produits de luxe (voitures puissantes, haute couture de marque…). Il a recommandé en outre, de développer l'épargne nationale (émission d'un ou plusieurs emprunts nationaux assortis d'avantages fiscaux incitatifs), de céder les biens mal acquis par la famille du Président déchu et de privatiser les entreprises publiques à des consortiums d'hommes d'affaires tunisiens homogènes et petits porteurs en Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT). Pour l'expert, ces propositions ne manqueront pas d'avoir l'impact attendu, dans la mesure où les premières simulations effectuées par le CERT ont permis de dégager des ressources minimales de l'ordre de 40 milliards de dinars. Ce chiffre peut être doublé et atteindre les 80 milliards de dinars, selon M. Chawki. Cette enveloppe, a-t-il poursuivi, "peut épargner à la Tunisie le recours à l'endettement extérieur, dont le montant a été fixé par le plan jasmin à 35 milliards de dinars, soit 30% du coût total du plan, estimé à 125 Milliards de dinars. Parallèlement, l'expert a relevé la nécessité de consolider les équilibres extérieurs (balance commerciale, balance des opérations courantes et balance des paiements). Il a suggéré en outre, de décomposer le plan jasmin, en trois familles de projets et d'allouer à chacune d'entre elles un schéma de financement adéquat. Ces projets devront être déclinés en projets d'infrastructure, de production pour marché local et de production destinée à l'export. Ainsi, pour l'infrastructure, M.Abid a estimé que ce type de projets devraient être financés par les ressources stables (recettes fiscales, douanières, taxations diverses..), tandis que les projets de production pour le marché local, pourraient être financés tant par les ressources stables que l'endettement intérieur. La production pour export, quant à elle, sera finançable par recours à l'endettement extérieur afin de faciliter les transactions courantes libellées en devises, selon l'expert.