TUNIS, 1er avr 2011 (TAP) - L'Avenue Habib Bourguiba à Tunis s'est transformée, depuis vendredi matin, en une scène pour l'exercice de la libre expression des opinions et des orientations politiques, la revendication des libertés religieuses, la protestation contre le rendement du gouvernement provisoire et l'appel à une information plus représentative de la diversité et de la richesse du paysage médiatique et sociétal tunisien. Plusieurs centaines de citoyens, de tendances islamistes ayant accompli la prière du vendredi devant le théâtre municipal de la capitale, ont afflué vers le centre-ville avant de s'organiser ultérieurement dans des manifestations pacifiques et des groupes pour débattre de plusieurs questions relatives aux libertés religieuses, à la relation entre la religion et la politique, au rendement du gouvernement provisoire, à l'avenir de la révolution du 14 janvier et à bien d'autres sujets. A quelques mètres du siège du ministère de l'Intérieur, des centaines de manifestants se sont rassemblés, dont la majorité sont des adeptes du parti "Ettahrir", qui n'est pas reconnu légalement, ont brandi les drapeaux de la Tunisie, de l'Egypte, de la Palestine et de l'Irak dans le cadre d'une manifestation pacifique, au cours de laquelle ils ont revendiqué, notamment, la dissolution effective du corps de la police politique, la suppression de la circulaire n°108 se rapportant à la prohibition du port du Hijab, outre la liberté de l'exercice des cultes et l'abrogation de la loi de lutte contre le terrorisme. Il est à rappeler que les parties ayant organisé cette manifestation avaient appelé à une grande manifestation pour défendre le port du Hijab. Toutefois, l'annonce par le ministère de l'Intérieur, jeudi, de la décision d'autoriser le port du voile dans les photos d'identité, a fait que le nombre des participants n'excède pas quelques centaines. Ces manifestants ont revendiqué, tout particulièrement, la défense du droit au port du Hijab et la réhabilitation de la formation religieuse dans les programmes scolaires. Ils ont réaffirmé leur attachement au caractère pacifique de leur marche et leur détermination à faire face à tout intrus qui chercherait à la perturber. Devant le Théâtre municipal de Tunis, des dizaines de groupes se sont formés, entre islamistes, gauchistes et indépendants, dans le cadre de cercles de discussion sur les affaires religieuses, les libertés religieuses et les défis de l'étape politique actuelle que vit le pays. Ces cercles de débats ont offert à certains des participants l'occasion d'émettre des réserves contre le rendement du gouvernement provisoire et les dernières déclarations du Premier ministre sur les chaînes de télévision tunisiennes. Ils considèrent que les méthodes employées pour résoudre les questions en suspens et les dossiers nationaux sont très similaires à celles utilisées par l'ancien régime. Ils ont, dans ce sens, insisté sur la nécessité de rompre totalement avec tous les symboles de l'ancien régime et de ceux appartenant au parti du Rassemblement constitutionnel démocratique dissous. Certains groupes parmi les protestataires ont critiqué les médias qui, selon eux, continuent à être en deçà du rôle qui leur est dévolu pour établir l'équilibre entre les forces, garantir la présence de toutes les sensibilités de la société civile et politique tunisiennes, dévoiler les vérités et ouvrir les grands dossiers tus et dissimulés dans le passé. Ils ont appelé à éviter la marginalisation de l'Etat et la politique d'exclusion, et à conférer davantage de transparence aux investigations et aux enquêtes concernant les personnalités liées au régime du président déchu. Parallèlement, d'autres manifestants ont souligné la nécessité d'ouvrir la voie devant le nouveau gouvernement provisoire, pour travailler, impulser la dynamique de l'emploi et du développement, rechercher d'autres formes de militantisme, dès lors que les sit-in et les grèves, comme indiqué par certains, "ne font qu'aggraver le problème et paralyser la dynamique de développement". Une autre frange a exprimé ses craintes d'une possible fraude lors des prochaines élections notamment après l'annonce du refus de l'arrivée en Tunisie d'observateurs étrangers, s'interrogeant sur les raisons et motivations des désaccords autour des choix et orientations entre les membres du Conseil de l'instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, malgré la consécration de quatre séances-débat autour des "questions de base en matière de démocratie". Au milieu de la même avenue, les participants au sit-in de la Kasbah 2, qui souhaitent déplacer leur sit-in vers l'avenue Habib Bourguiba, pour leur troisième rassemblement, si jamais l'accès à la Kasbah leur serait refusé, ont également évoqué les actions de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et leur volonté de soutenir, samedi, à la Place Mohamed Ali, les syndicalistes dans leurs revendications, alors que d'autres ont mis en garde contre l'intervention de l'UGTT dans tous les rouages de l'Etat. Ils ont rappelé que leur prochain sit-in n'exigera pas seulement la démission du gouvernement mais également la chute de l'ensemble du régime, assurant qu'il n'y a pas de crainte vis-à-vis "du vide politique" après 23 ans de "mobilisation politique qui ont mené la Tunisie à la déroute". Les participants au deuxième sit-in qui ont scandé le slogan "Nous représentons tous un projet de martyr", ont souligné le rôle joué par les médias dans la réalisation des objectifs de la révolution, relevant que le quatrième pouvoir a un rendez-vous avec l'histoire qui ne pardonne pas", ajoutant que ces médias ont le devoir d'aborder les dossiers tabous et de défendre les intérêts nationaux. Face à ces mouvements, un grand nombre de citoyens ont continué de vaquer normalement à leurs occupations sans accorder la moindre attention au sit-in sur l'avenue Habib Bourguiba, alors que d'autres ont choisi de rester de simples spectateurs.