Alors que le pays est à feu et à sang, la plupart des chaînes télévisées, dans un état d'exaltation sans précédent à l'idée de cette liberté nouvellement acquise, se lancent dans différents débats axés surtout sur la nécessité d'arrêter les responsables des abus et leurs complices dans la corruption, les malversations et les abus des biens sociaux. L'intelligentsia tunisienne, qui a pratiquement été absente du terrain politique et économique sauf quelques noms tels que Sihem Ben Sedrine, Hamma El Hammami, Zied El Héni, FahemBoukaddous, Mohamed Abbou et d'autres qui ont résisté, sont aujourd'hui très visible dans les médias et sur les écrans des télévisions. Cette intelligentsia qui, aujourd'hui, revendique le succès du peuple, doit assurer son rôle dans la nouvelle gestion du pays, sa reconstruction et la préservation de ses institutions. Elle doit assumer son rôle de leadership et ne pas se perdre dans des campagnes de chasse aux sorcières, il y va de l'avenir de notre pays. Un minimum d'honnêteté devrait nous inciter à reconnaître que nous sommes tous responsables de ce qui est arrivé à la Tunisie. Nous avons pêché par notre passivité et notre silence. Alors au lieu de nous approprier le mérite du peuple la victoire et fanfaronner avec ce courage nouvellement acquis, attelons-nous aux problèmes fondamentaux qui secouent notre Tunisie et notre société. Il faut comprendre que la Tunisie a beaucoup perdu économiquement ces dernières semaines, le pays marche au ralenti, le tourisme en a pris un coup, les investisseurs ont perdu confiance, les particuliers ont vidé leurs comptes bancaires, les entrepreneurs complètement dépassés et dégoûtés parce qu'ils estiment qu'ils sont les premières victimes d'un régime qui n'avait rien compris. Donc, la première question qui se pose est de quelle manière rétablir la confiance? Quelles réformes s'agit-il de mettre en place pour regagner la confiance tout d'abord de la population, ensuite celle des entrepreneurs et des investisseurs. Comment le secteur financier doit-il se comporter? Quel message devons-nous adresser à l'international? Quelle approche devons-nous entreprendre pour rétablir un "nouvel ordre économique"? «Nous avons perdu au minimum une décennie en 48h», répond Dhafer Saïdane. Ce n'est pas une formule. Le rétablissement de l'économie tunisienne sur son sentier de croissance sera très long. La lenteur des cycles macroéconomiques est une des grandes caractéristiques des pays à économie fragile et peu diversifiée comme la Tunisie. Les ressorts économiques sont à reconstruire. Cela passe naturellement par de véritables réformes économiques et financières et l'instauration d'une politique économique crédible aux yeux des opérateurs locaux mais aussi crédible auprès de nos partenaires historiques. Cette crédibilité ne peut être instaurée que par un retour de la confiance dont le coût sera très élevé. Espérons que la reconstruction d'un Etat consensuel amortira le coût et réduira le temps nécessaire pour recouvrer cette confiance indispensable pour la reconstruction d'une nouvelle économie tunisienne. La réunion d'une commission de reconstruction économique nationale devient une urgence. Elle devra faire un travail de diagnostic sectoriel, d'évaluation des besoins et fixer un agenda afin que les urgences au plan social puissent être traitées en priorité. Il conviendrait que cette Commission se constitue rapidement. Elle devra travailler en toute indépendance. Il conviendra aussi de définir la place qu'occuperaient nos partenaires économiques ainsi que les institutions financières multilatérales dans ce débat économique de reconstruction. Cela est important car la Tunisie est aux portes de l'Europe et on ne peut pas laisser ce beau pays dépérir.