Trois ans après la grande Révolution tunisienne qui a eu pour point de départ Sidi Bouzid, cette ville s'est vu doter de plusieurs réalisations qui, sans relever du miracle, ont réduit de manière assez conséquente le déséquilibre régional qui l'avait longtemps exclue du développement global. Il importe d'abord de rappeler les grands maux qui mutilaient le développement dans le gouvernorat de Sidi Bouzid avec ses douze localités et l'enfonçaient dans son isolement, en en faisant un foyer volcanique prêt à exploser à tout moment. En tête de liste, la pauvreté due à un taux de chômage élevé qui touchait aussi bien la main-d'uvre que les diplômés du supérieur. Arrivait ensuite l'agriculture, un secteur qui, paradoxalement, fournit jusqu'à aujourd'hui 30 % de la production nationale en fruits et légumes, mais qui n'attirait point l'investissement privé en raison de maints obstacles, dont, mais pas le premier, le manque d'eau pour une région réputée à cultures irriguées. Et enfin le transport qui, déjà irrégulier et peu fourni, coupait le monde rural de la ville. Le recensement national réalisé en 2005 au chapitre du niveau de vie donnait le centre ouest en tête des régions les plus pauvres du pays, avec un taux de 12,8 %, contre seulement 1,2 pour le centre est, 2,7 % pour le nord-est, et 1,4 % pour le district de Tunis. En somme, le centre ouest comptait 26.898 familles pauvres pour un total de 174.911 individus. Premier géniteur de pauvreté, le chômage à Sidi Bouzid touchait 7,7 %, côté garçons, et 15,2 %, côté filles, de la population active, cependant qu'il sévissait davantage au rang des diplômés du supérieur : 25 % côté garçons, et 44,7 % côté filles. La création, ces trois dernières années, d'une nouvelle mais grande usine à Sidi Bouzid est venue étoffer le tissu industriel dans la région et absorber un tant soit peu le chômage de la main-d'uvre qui est passé à 6,7 % au rang des garçons, et à près de 12 % au rang des filles. Cet effort louable donne à penser que dans les dix années à venir, la création d'au moins trois nouvelles usines de taille importante pourrait réduire fortement le chômage dans la région. C'est d'autant plus indispensable que par le passé, la création d'emploi à Sidi Bouzid était des plus modestes, carrément insignifiante : en 2007, le tissu industriel n'avait créé que 1.148 postes à Kairouan, 718 à Kasserine, et 25 à Sidi Bouzid. Côté diplômés du supérieur, c'est la création d'un centre d'appels qui a insufflé une bonne bouffée d'oxygène dans la région, même si la solution radicale reste à trouver. Et sachant par ailleurs que, dans l'enseignement primaire comme dans l'enseignement secondaire, le nombre de classes est assez réduit par rapport à celui des élèves, il est à espérer la création de nouvelles écoles primaires et secondaires dont le mérite serait d'ouvrir de nouveaux postes d'emploi à l'intention des diplômés du supérieur, mais aussi d'alléger le poids de la densité par classe et de garantir un enseignement de qualité. Sur un autre plan, on note avec satisfaction la relance de l'investissement privé dans le secteur agricole grâce aux mesures prises par les pouvoirs publics ces trois dernières années, et qui ont consisté en : · la suppression momentanée de certaines taxes ; · la baisse des prix des produits chimiques ; · la relance par l'Etat de la subvention des carburants ; · la relance par l'Etat de la subvention du blé et de l'orge (la baisse de cette subvention a entraîné par le passé la chute du nombre de têtes ovines et bovines) ; · relance par les pouvoirs publics de la subvention de l'investissement agricole. Non moins importante est la question de l'eau. Sachant que la nappe phréatique de la région se distingue par sa profondeur et un taux assez fort de salinité, un effort considérable a été fait dans l'adduction d'eau potable dans les zones rurales et notamment le sud de la région (Menzel Bouzaîene, El Mzouna et Rgueb) qui souffrait d'un manque cruel d'eau ; mais aussi dans l'approvisionnement des eaux de pluie en exploitant les eaux des oueds qui, autrefois, transitaient par le gouvernorat sans le desservir, une solution qui a fait renaître la culture des arbres fruitiers et la culture des concentrés. Le transport, enfin, était l'une des plaies majeures de la région. Avec seulement 57 bus pour un gouvernorat comptant plus de 453.000 habitants, la capacité a été portée à 140 voyageurs par unité, alors que sa capacité réelle ne dépassait guère les 90 voyageurs. On assiste aujourd'hui avec soulagement au renforcement de ce parc avec l'arrivée d'une centaine de nouveaux bus. Cela a été d'autant plus indispensable que le parcours minimal en milieu rural dépasse les 35 km, et sachant que l'ouvrier devait, autrefois, faire deux à trois navettes par jour, cependant que les élèves ne pouvaient point rentrer à midi et alors que bon nombre d'entre eux rejoignaient l'école et en rentraient à pied.