Nous venons de rencontrer Mme Sihem Badi, ministre de la Femme, de l'Enfance et des Personnes âgées, et elle nous a étonnés par la clarté de son esprit et un sens consommé des nuances. Mme Badi fait partie d'un gouvernement qui a droit aux 100 jours traditionnels de marge pour montrer ce dont il est capable. C'est sur cette base que se comportent les sociétés civiles partout dans le monde démocratique auquel nous appartenons désormais. Ce sont les règles du jeu et nous devons tous apprendre à les respecter. Mais les choses étant ce qu'elles sont aujourd'hui, alors que la contestation monte partout en Tunisie, nous avons demandé à Mme Badi si elle allait mobiliser les femmes pour calmer les tensions sociales actuelles et soutenir l'effort du gouvernement de disposer de temps. Mme Badi nous a répondu qu'elle comptait sur la sagesse des femmes chefs d'entreprise et syndicalistes, des ouvrières, des fonctionnaires, des chômeuses... pour calmer les esprits de ce mouvement contestataire. Pour nous aider dans ce passage à niveau vers une démocratie participative, une meilleure justice sociale, le droit de tous à la dignité, au travail, au logement... chacun d'entre nous doit comprendre que les résultats ne peuvent pas être immédiats, et je compte sur la patience et la compréhension de tous pour calmer les esprits afin que nous parvenions tous à travailler à ces chantiers dans les meilleures conditions. Je ne condamne pas du tout le mouvement contestataire mais je ne veux pas qu'il nuise à l'économie du pays parce que le premier perdant sera, encore une fois, le citoyen, atteste-t-elle. Nous avons également sollicité son sentiment à propos d'une forme singulière de contestation, celle menée par les salafistes (et pas seulement à l'Université de La Manouba) et surtout à propos des femmes salafistes. Mme Badi nous a signifié qu'elle les appelait à l'ouverture et à la modération car telles sont les valeurs qui se trouvent au cur de notre religion. L'usage du niqab ne doit pas justifier l'arrêt des cours et des examens. Je suis de ceux qui combattent l'intégrisme sous toutes ses formes mais qui respectent le choix de chacun à la condition que sa liberté ne remette pas en question la liberté de l'autre. Je pense que la Tunisie a toujours été un pays modéré et le restera parce qu'il est porteur de différentes idéologies et tendances qui collaborent ensemble à une Tunisie mosaïque d'idéologies et de convictions sans permettre à n'importe quelle forme d'idéologie ou de théologie de devenir une nouvelle force de répression et d'exclusion, souligne-t-elle.