III- Demande solvable et dynamiques structurelles territoriales en tant que facteurs déterminants de la démographie des microentreprises L'un des constats les importants qu'on retient des analyses précédentes, concerne l'hypertrophie du secteur des microentreprises dans les gouvernorats accusant un déficit manifeste en MGE. Le poids surdimensionné de ce secteur qui se situe en moyenne à hauteur de 99% des tissus productifs locaux, relève d'un développement anomalique de microentreprises induit par les différents programmes et instruments mis en oeuvre par l'Etat en vue de réduire les pressions sur le marché de travail dans les gouvernorats défavorisés. C'est dire que ce développement s'est fait indépendamment des donnes économiques structurelles des territoires d'intervention et d'un poids optimal des microentreprises au-delà duquel l'efficacité économique serait reléguée à un second plan. A défaut d'attractivité des gouvernorats en question et l'impuissance des politiques de localisation et d'incitation à orienter le capital productif vers ces contrées, l'Etat a misé deux décennies durant sur les microentreprises pour atténuer les pressions sur les marchés de travail locaux. Or tous les efforts fournis par les structures d'appui au niveau des régions (Centres d'Affaires, ANETI, API, APIA, Pépinières d'entreprises) et les fonds consommés sous forme d'avantages accordés aux promoteurs ou de crédits octroyés par les institutions de financement (BTS, BNA ) se sont révélés absolument inopérantes dans les gouvernorats à faibles tradition industrielle et densité économique. A cet effet, une attention particulière devrait accordée aux déterminants territoriaux de la démographie de la microentrepise et particulièrement à sa propension à survivre en vue de mettre en relief les défaillances des politiques passées et du dispositif institutionnel d'appui à la création et au financement des microentreprises. Aux sources des disparités territoriales des taux de survie des microentreprises Le taux de survie : Définition et déterminants théoriques Dans ce travail les taux de survie sont calculés à 5 ans sur la base des entreprises de la génération 2005 recensées dans le répertoire national des entreprises produit par l'INS. Selon l'INSEE, Le taux de survie des entreprises à n années est la proportion d'entreprises créées (y compris reprises) une année donnée qui ont atteint leur nième anniversaire. D'un point de vue théorique, la survie des micros et des petites entreprises dépend essentiellement des ressources qui leur sont accessibles à partir de leur territoire d'implantation: débouchés au niveau local, offre d'inputs ou de ressources humaines, disponibilités d'infrastructures et économies d'agglomération. Dans les faits, la survie des microentreprises serait la résultante de plusieurs facteurs qu'on essayera d'identifier pour le cas du secteur productif tunisien. Territoires d'implantation et disparités des taux de survie : Quels facteurs explicatifs? L'analyse des taux de survie des microentreprises pour les 24 gouvernorats en Tunisie nous ramène à adopter la même classification des tissus productifs locaux adoptée dans la section précédente. Pour le premier groupe de gouvernorats, le taux de survie moyen à 5 ans est de l'ordre de 81% distançant de 11 point de pourcentage le taux dans les gouvernorats les plus défavorisés en se situant à 70%. Les écarts les plus élevés par rapport à un taux moyen de survie à l'échelle nationale de l'ordre de 77%, ont été constatés aux gouvernorats de Kébili, Gafsa, le Kef et Tataouine soient respectivement -15%, -10%, -6% et -5%. Au niveau des gouvernorats du groupe composé des gouvernorats à faibles tissus productifs, l'analyse sectorielle des taux de survie démontre que les microentreprises les plus vulnérables se concentrent dans le secteur du commerce (commerce de gros et intermédiaires de commerce, commerce de détail et réparation d'articles domestiques, commerce réparation automobile ) qui enregistre le taux moyen le plus faible soit 66% sachant que son poids par rapport au tissu productif se situe à hauteur de 50%. L'un des enseignements qu'on peut tirer à ce niveau de ce constat majeur tient dans la relation qu'on peut établir à priori entre les microentreprises actives dans le secteur du commerce au sein des gouvernorats du groupe 2 dont l'activité repose essentiellement sur les services orientés vers les ménages. C'est à ce titre que le niveau de la demande et sa stabilité qui leur est adressée par ces dernières se trouve être fondamental pour permettre aux microentreprises de se mouvoir dans le contexte local tout en étant assurées des perspectives portant sur leurs recettes globales. Au regard de la situation économique et sociale qui prévaut dans ces gouvernorats, où l'économie informelle occupe une place importante, les microentreprises semblent sombrer dans les cercles vicieux de la précarité et vivotent pour assurer leur survie. Dans ce sillage, il convient de mettre en relief les relations pouvant exister entre la survie des microentreprises et le niveau de la demande solvable au niveau des gouvernorats d'implantation qui est susceptible d'exercer des effets positifs sur la viabilité des entreprises. La solvabilisation de la demande locale à travers la consolidation et la régularisation des ressources des ménages, la maîtrise des flux migratoires, industrialisation par l'amont, pourraient jouer le rôle de véritables corridors de croissance et de développement pour les micros et les petites entreprises qui pourraient de ce fait profiter simultanément d'économies d'urbanisation et de localisation. L'impact du territoire d'implantation sur la survie des microentreprises pourrait s'apprécier à travers rôle de la densité économique. Au regard de l'information statistique disponible, on a été conduit d'adopter le nombre d'emplois par km2 par gouvernorat nonobstant toutes les imperfections de cet indicateur qu'on a essayé de corriger en soustrayant de la superficie totale de certains gouvernorats du sud tunisien la superficie des zones désertiques. Fallait-il rappeler que théoriquement, la densité exerce concomitamment deux influences de sens opposés sur la survie des microentreprises: une influence positive que sous-tendent un effet d'offre de ressources et une influence défavorable qui tient dans les effets de la concurrence. La corrélation positive entre le taux de survie à 5 ans des microentreprises et la densité économique démontre l'importance des ressources locales et d'une économie résidentielle dans la croissance des jeunes entreprises et notamment leur propension à créer des emplois décents et durables. De même, analyser la dynamique spatiale de la population dans un territoire donné revient à évaluer son attractivité et sa vitalité économique. A bien des égards, l'enregistrement de soldes migratoires négatifs serait corollaire d'une attractivité faible d'un territoire en devenir de dépeuplement et de l'essoufflement de son économie résidentielle. En d'autres termes, la persistance d'une tendance de baisse absolue de la population pour cause de flux migratoires massifs, présage l'effritement de la demande solvable locale et l'installation d'un cercle vicieux: la baisse absolue de la population se répercute par une baisse de la demande globale et de l'offre de ressources qui implique inévitablement une baisse de l'attractivité du territoire et sa productivité structurelle ce qui induit par conséquent l'accentuation du chômage, des formes de travail précaire pullulent essentiellement dans les microentreprises dont la survie serait en baisse et ainsi de suite Le graphique suivant illustre clairement que les gouvernorats accusant des soldes migratoires négatifs enregistrent les taux de survie les plus faibles: (A suivre : IV- Pour positionner les tissus productifs des gouvernorats défavorisés au cur d'un processus de développement inclusif: Propositions et recommandations)