Une année et demie après leur accès au pouvoir, les nahdhaouis ont été, le moins qu'on puisse dire, catastrophiques. Par l'effet de leurs agissements, la Tunisie est, aujourd'hui, divisée en deux et confrontée à une crise multiforme (politique, sécuritaire, socioéconomique). Celle-ci, pour peu qu'elle perdure, risque de déstabiliser le pays. Quand le chef des trois armées, le Général Rachid Ammar, déclare, à la veille de sa mise en retraite, que la Tunisie risque de connaître le sort de la Somalie et son corollaire la dislocation de l'Etat, il n'a pas du tout tort. Au regard de la situation délétère qui prévaut actuellement dans le pays, tous les ingrédients d'une «somalisation» du pays sont réunis. Pour preuve, la justice, aux relents afghans, fonctionne selon la règle des deux poids deux mesures (carrément injuste à l'endroit des progressistes et laxiste à l'extrême vis-à-vis des barbus importés). Suite à la condamnation scandaleuse du rappeur Wild El 15 pour une chanson, Raoudha Labidi, présidente du Syndicat des magistrats tunisiens, est allée jusqu'à demander aux Tunisiens de désespérer de «la justice indépendante» avant d'ajouter que «ce n'est qu'une parodie». La liberté de la presse, autre pilier de tout projet de démocratie, demeure très fragile en raison de la non- publication des textes d'application du décret-loi 115. Pis, le journaliste est devenu, avec les nahdhaouis, la bête à abattre. Son bras armé, les forcenés des Ligues de protection de la révolution, a relayé les salafistes pour tabasser les journalistes, dans l'impunité la plus totale. Le Centre de Tunis pour la liberté de presse estime à plus de 250 le nombre d'agressions perpétrées contre les journalistes depuis le début de l'année 2013 (60 pour le seul mois de mai 2013). Au rayon des rouages de l'Etat, les institutions semblent évoluer comme des îlots indépendants sans aucune coordination. La tête ailleurs, la présidence de la République provisoire, sans prérogatives, fait flèche de tout bois pour se frayer, au forceps, une place sur la scène publique au prix de brouiller les pistes. L'Assemblée nationale constituante (ANC) traîne du pied avant d'élaborer, dans les temps, une Constitution, un agenda pour les prochaines échéances politiques, une loi électorale et des législations devant régir les institutions de régulation (audiovisuel, Conseil supérieur provisoire de la magistrature, Instance supérieure pour l'indépendance des élections (ISIE) Le gouvernement brille quant à lui par son incompétence. Les ministres, pour qui le développement est hélas le dernier souci, font tout pour déstructurer leurs propres départements. C'est le cas du ministère de l'Enseignement supérieur qui, par son laxisme et parti pris, risque, si rien n'est fait pour l'arrêter, de faire disparaître à jamais l'université publique (incidents à l'université de La Manouba et tout récemment à celle de Jendouba). Idem pour le ministère de la Santé qui a tendance à faire la sourde oreille aux protestations de tous les corps médicaux et paramédicaux, constamment en grève pour protester contre la dégradation du secteur public et de son sous-équipement. Le ministre attendrait les recommandations d'une étude de la Banque mondiale pour privatiser davantage les soins. Pour mémoire, le secteur est financé actuellement à hauteur de 45% par les patients et le reste au titre du budget de l'Etat. Plaidoyer pour la création d'un conseil supérieur de transition de sécurité nationale Toujours au niveau des institutions, la coordination ne serait pas parfaite entre l'armée, les forces de sécurité et la douane (contrebande). Si on croit le Général Rachid Ammar, l'opération de ratissage de Jebel Chaambi a trop duré à cause de l'absence de renseignements préalables sur ces «jamborées de terroristes» essaimées sur les hauteurs du pays, depuis plus d'une année. C'est pour dire que la Tunisie est par excellence confrontée à une crise sécuritaire. Le pays est, hélas, sérieusement menacé. Il est dans le viseur des terroristes après la découverte d'entrepôts d'armes et de cellules dormantes de l'AQMI au centre-ouest et au nord-ouest du pays. A ce péril, il faut ajouter l'émergence du phénomène de la police salafiste laquelle, si rien n'est fait pour y mettre fin, va accélérer la transformation du pays en Somalie. Pour y remédier, Ahmed Nejib Chebbi, président de la Haute instance politique du parti Al Joumhouri, avait proposé la création d'un Conseil supérieur de transition de la sécurité nationale qui grouperait l'armée, la police, la garde nationale, les partis et des représentants de la société civile (UGTT, UTICA, UTAP ). Il a justifié la création de ce conseil par le besoin du peuple tunisien d'être informé de ce qui se passe dans le pays dans le domaine sécuritaire lequel ne doit pas être l'apanage des forces de sureté nationale. «Il est inadmissible, a-t-il-dit, que rien de crédible n'ait filtré, jusque-là, sur les circonstances de l'assassinat de Chokri Belaid, sur la sanctuarisation du Jebel Chambi par des terroristes, sur le poids réel des salafistes dans le pays ». La crise est également économique: accélération de l'endettement (+10% en deux ans), déficits record du budget et de la balance des paiements, repli, en date du 26 juin 2013, à 96 jours d'importation, recul concomitant des trois sources de croissance (exportations, consommation, investissement). La recrudescence de la violence politique dans le pays avec points d'orgue l'assassinat du leader Chokri Belaid et l'assaut mené par les salafistes contre l'ambassade des Etats-Unis à Tunis ont impacté négativement le rating souverain du pays, le tourisme, le transport aérien, l'investissement direct étranger (IDE). Le retard qu'accuse la promulgation du Code des investissements ne fait qu'aggraver la situation et pousser touristes et investisseurs à bouder le pays pour d'autres destinations plus accueillantes. La crise est aussi sociale. En dépit des efforts fournis à travers l'intensification des investissements publics, le nombre des chômeurs ne cesse d'augmenter, notamment dans les quartiers urbains et régions déshérités. Les iniquités (fiscales, discriminations régionales) sont toujours en vigueur. Les Caisses de sécurité sociales sont au bord de la faillite autant de facteurs qui augurent de situations explosives.