Le Consulting au secours des entreprises locales Par Sihadj ABDENOUR
La libéralisation de l'économie a eu pour effet immédiat, d'abord la mise en faillite pure et simple des entreprises non performantes, tout en demeurant une menace permanente pour celles qui ont pourtant jusque-là connu un formidable essor, à cause de la concurrence imposée par des champions de l'industrie et de la distribution provenant de tous les pays du monde, sans restriction aucune (Chine, japon, USA, Canada, Tunisie, Egypte, Pakistan, Turquie, $Inde, Europe .) De plus, le retard pris par les entreprises locales publiques ou privées- pour opérer leur mue va voir s'accentuer la pression sur celles-ci et ouvrir le marché à une nouvelle race d'opérateurs rompus aux règles modernes de la gestion commerciale et du marketing, même si, par ailleurs, les produits mis sur le marché sont souvent de qualité moyenne. La faible réactivité des entreprises nationales -privées et publiques- va limiter la portée des plans de restructuration et de redressement pourtant élaborés par des experts et des bureaux spécialisés ayant fourni leurs preuves sous d'autres cieux. Le programme Meda au secours des entreprises Le programme de mise à niveau des entreprises, élaboré conjointement par l'UE et le gouvernement algérien, ne peut donner que des résultats limités, de notre point de vue. A cela, plusieurs raisons dont nous ne citerons que les plus essentielles, à savoir : 1. La question de la compétitivité ne peut être résolue par la simple mise à niveau des entreprises demanderesses et l'instauration d'un management de qualité car, cette mise à niveau va rencontrer une situation de concurrence très rude, qui caractérise le marché algérien, et dans laquelle évoluent toutes les entreprises, le problème fondamental de rentabilité des projets qui devait être, dans la logique des choses, pris en charge par des études technico-économiques préalables à toute décision d'investir, surgit sous forme de contrainte majeure, rendant aléatoire la viabilité de l'usine. Ce n'est donc pas un simple hasard si certaines entreprises se sont retrouvées dans un créneau saturé, au lendemain de l'ouverture des frontières (le cas des textiles, des yaourts, des fromages, des biscuits, des chocolats, de la confiserie en général, etc.). De plus, cette mise a niveau ne peut se faire convenablement qu'au prix d'un renouvellement des équipements très coûteux, car la technologie utilisée est le plus souvent frappée d'obsolescence. Dés lors, la question lancinante du devenir de ces entreprises va se poser de façon récurrente. La fonction d'orientation et d'arbitre qui échoyait à l'Etat sous l'angle macroéconomique, dans ce cas ne peut être endossée ni aux experts ni au programme Meda dont la mission est clairement définie. 2. La mise à niveau technologique exige des dépenses d'investissements, dans la plupart des cas hors de portée des industriels concernés, car souvent il s'agit de renouveler des installations entières y compris les bâtiments qui les abritent. Nous savons aussi que cette mise a niveau est souvent à la base de certifications et HACCP. 3. Il y a un retard énorme dans la fonction de management et du développement commercial qui nécessite plus qu'un diagnostic et un plan de redressement. Une amélioration du niveau de compétence du personnel et qui n'est souvent pas pris en compte par les chefs entreprise soit par une formation d'appoint ou encore par le recrutement de personnels qualifiés à des postes de management stratégique qui restent la chasse gardée des propriétaires des usines. 4. Les postes de responsabilités souvent assurés par les propriétaires des entreprises, ce qui rend l'application des orientations et recommandations des missions d'experts aléatoire. De même que des plans de restructuration, menés scientifiquement, sont restés dans les tiroirs des détenteurs de pouvoir. 5. La durée d'intervention des experts internationaux engagés dans les différentes missions sont de très courtes durées et se trouvent être par voie de conséquence réduites dans leur efficacité sans que la faute n'incombe à ces mêmes experts mais en raison plutôt des difficultés pour les gestionnaires des entreprises d'assimiler dans la totalité le contenu des expertises très pertinemment élaborées ou d'appliquer de façon optimale les recommandations et orientations, car pris dans le feu de l'action des problèmes harassants de gestion quotidienne. 6. L'absence de suivi ou coaching -dès la mission achevée, les entreprises se retrouvent souvent au bout de quelques mois dans la situation de départ-, le coaching fait gravement défaut et les industriels algériens ignorent la plupart du temps la nécessité de recourir aux conseils d'experts pourtant compétents et disponibles localement pour assurer la continuité des opérations de mise à niveau savamment élaborées par des experts internationaux. En fait, ce sont toutes les fonctions de l'entreprise qui sont à coacher -le consulting qui est à l'état embryonnaire pour ne pas dire inexistant dans la culture de l'entreprise algérienne qui, pourtant, s'apprête à vivre de dures années. L'apport des consultants locaux Il est rare de relever dans les entreprises familiales algériennes le recours aux services d'un consultant algérien alors que celui-là même détient une expérience du terrain algérien plus aiguë que celle que l'on peut rencontrer chez l'expert international qui, lui, est formé, entraîné et éprouvé dans un environnement socioéconomique rationnel et performant. Aussi, il est permis de dire que le marché algérien est méconnu des bureaux d'études non résidents, dans sa diversité, même si certains créneaux à forte valeur ajoutée restent convoités d'amblée par les investisseurs étrangers. Cela va de la fonction maintenance en passant par la production jusqu'aux ventes, le contrôle de qualité et tout ce que cela suppose comme stratégies. Inutile de dire que bien des entreprises qui sont fondées sur un process très complexe ne recourent pas au service de la comptabilité analytique, pour calculer leurs coûts de production. Du coup, toute gestion prévisionnelle en termes d'objectifs budgétaires et donc au plan financier, attendus de l'entreprise, sont totalement perdus de vue -c'est cela que l'on qualifie souvent, en termes de gestion, «de la navigation à vue», qui, malheureusement, dans un environnement de concurrence sévère, réserve bien des surprises. Ce n'est donc pas étonnant qu'une trésorerie largement positive se retrouve, après une période d'efficience passagère, brutalement dans l'incapacité de faire face aux achats de matières et parfois même des salaires des ouvriers. C'est le danger de la spirale qu'il faut empêcher si l'on veut éviter à tout prix une faillite programmée. Nous savons pourtant qu'en termes de coût, l'intervention des consultants ne grève nullement la trésorerie de l'entreprise, tout en permettant à coup sûr de s'éloigner des spectres des situations de crise, souvent, malheureusement, irréversibles. Tout le monde doit le savoir, le consultant, grâce à son intervention dans le diagnostic et la mise en uvre d'un plan de sortie de crise, s'attellera à dépasser le seuil de rentabilité, en fournissant les outils de gestion, et en suggérant les voies et moyens, de le franchir et, dans les cas de faillite prévisible, le chef d'entreprise saura d'avance à quoi s'en tenir pour échapper au pire. Il est aisé de dire que le consulting, de nos jours, est un passage obligé pour les entreprises qui veulent vivre sans heurts l'événement important qu'est la mondialisation. Il est à l'entreprise ce qu'est le psychologue à l'homme moderne en période d'anomie économique dans le rétablissement de l'équilibre du fonctionnement de son organisme qui nécessite non seulement la compréhension de sa pathologie mais aussi et surtout un accompagnement pour franchir aisément les obstacles rencontrés sur le chemin de la guérison. La fonction consulting, nouvelle et externe, aide à l'entreprise dans son environnement, doit être acceptée, j'allais dire adoptée rapidement par le manager. Et pour y parvenir, c'est de la réforme de l'esprit du manager qu'il s'agit pour qu'enfin il accepte les suggestions d'experts et puisse céder un peu de son pouvoir pour une meilleure distribution des compétences sur les acteurs de l'entreprise, une meilleure répartition des responsabilités.