Webmanagercenter : En tant que représentant de la FENATEX, quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels le secteur fait face actuellement ? Ali Nakai : De par sa dimension et son poids social et économique, le secteur textile habillement a été toujours confronté, à travers sa longue histoire, à des défis de différentes natures. Sa position de premier secteur employeur, et jusqu'à une période très récente de premier secteur exportateur lui a souvent conféré des missions de premier plan en matière d'investissement, d'exportation et de création d'emplois. Grâce au dynamisme de ses acteurs et au soutien des pouvoirs publics, il s'est plutôt honorablement comporté en dépit des contraintes d'un environnement international constamment marqué par de profondes mutations et de changements perpétuels liés à la nature même de cette activité. Ainsi, et après avoir franchi les étapes de la libéralisation des années 90 et du démantèlement définitif des AMF en 2004, voilà que se profile un nouveau virage imposé par la crise financière internationale. Evidemment et quelque soit les implications attendues, le secteur est appelé à relever le défi de son positionnement sur le marché international en confortant ses parts de marchés et en assurant sa vocation de secteur fortement employeur par le maintien des emplois et pourquoi pas la création de nouveaux. Ceci passe nécessairement par une adaptation de l'environnement législatif, financier, social, administratif el logistique de l'entreprise du secteur textile et habillement. Certains professionnels du secteur estiment qu'un manque de stratégie claire fait que le secteur est confronté aujourd'hui à plusieurs difficultés qui risquent de malmener sa croissance, qu'en pensez-vous et quelle est le rôle de la FENATEX dans l'élaboration de cette stratégie ? Dans l'absolu, les meilleures stratégies au monde ne peuvent pas échapper à des difficultés et des problèmes de parcours. Cela dit, une stratégie se construit sur des objectifs, des moyens et des acteurs. Pour revenir au secteur textile habillement, disons qu'il y a un consensus sur l'objectif à savoir consolider notre position sur les marchés européens. Il y a aussi une mobilisation manifeste des entreprises qui sont les acteurs majeurs dans ce processus pour monter en gamme, investir dans la valeur ajoutée et s'orienter progressivement vers la cotraitance et le produit fini. C'est peut être au niveau de l'ingrédient moyens qu'il y a débat et c'est ce qui fait que cette stratégie a du mal à percer et à rassembler l'ensemble des acteurs. D'aucuns disent d'ailleurs que nous avons un secteur à deux vitesses. Le rôle de la FENATEX est justement de mobiliser toute la filière autour de cette stratégie et de mettre en place un plan d'action afin de parer aux difficultés et améliorer les conditions de travail et d'exercice des entreprises. A ce titre et depuis quelque temps, la FENATEX a mis en place des commissions permanentes de réflexion animées par des professionnels leaders dans leur branche d'activité pour se pencher sur les aspects particuliers de l'environnement du secteur textile Habillement. Des thèmes tels que l'image, la promotion et le développement du secteur, la compétitivité, l'environnement social et les relations avec l'administration sont au menu de cette réflexion qui a fait l'objet d'une Journée que la FENATEX a organisée au mois de janvier. Avec l'orientation de l'Etat vers la co-traitance et le produit fini, pensez-vous que les entreprises tunisiennes de textile sont en mesure d'effectuer cette migration? La migration vers la co-traitance et le produit fini est un choix longuement réfléchi et cette orientation a été adoptée sur la base de l'évolution du secteur sur le plan planétaire, des transformations des modes de la distribution particulièrement en Europe, premier débouché de nos exportations et des dispositions et facultés de nos entreprises à assurer cette transition. On savait, par ailleurs, que le processus est à la fois complexe et long parce qu'il exige une métamorphose totale de la structure même des entreprises engageés dans cette voie. Abandonner la sous traitance et se lancer dans la cotraitance et le produit fini revient à dire presque purement et simplement à quitter une entreprise pour en créer une autre avec tout ce que cela implique en termes d'investissement, de formation de personnel, d'organisation interne et de mobilisation de nouvelles qualifications et compétences. L'exercice n'est pas facile quand la nature même des rapports de l'entreprise avec ses partenaires change radicalement. Juste pour l'exemple, les besoins en fonds de roulement entre les deux types d'activité sont dans des rapports de 1 à 7. C'est dire la transposition qu'il y a à mettre en place dans la nouvelle relation entre les entreprises et les banques. Ceci n'a pas empêché une proportion remarquable de nos entreprises à s'investir dans ce processus et ce sont justement ces entreprises qui font la locomotive de la filière notamment sur les marchés étrangers. La volonté y est mais l'adhésion de nouvelles entreprises reste tributaire des améliorations à apporter au niveau des différents maillons de la chaîne. Quel est l'impact de la crise financière sur le secteur surtout avec la stagnation des marchés européens ? Quelle influence sur les exportations tunisiennes et quels sont les marchés alternatifs que les entreprises tunisiennes pourront cibler ? C'est peut être prématuré de quantifier l'impact de la crise sur le secteur. Pour le moment, il y a quelques indices et par moments des spéculations. Au terme des 11 premiers mois 2008, nos exportations ont évolué de 0,8 % contre 16,8 % pour la même période 2007 qui a été, par ailleurs, une année exceptionnelle. Difficile donc de se prononcer dans l'immédiat sur l'effet de la crise même s'il est clair que la baisse des commandes des distributeurs et des donneurs d'ordre européens va impacter mécaniquement l'évolution de nos exportations. De toute façon, l'appréciation de l'impact de la crise sur le secteur fait l'objet d'une concertation régulière avec nos partenaires du CETTEX et du CEPEX. Pour des raisons historiques et économiques, notre industrie est fortement liée aux marchés européens. La sous traitance qui a été à la base de la genèse du secteur textile et habillement a accentué ce phénomène de dépendance. Cependant les entreprises qui ont développé leurs marques ou leurs propres collections peuvent aspirer à d'autres alternatives. Les marchés de l'UMA et de l'espace Agadir offrent de réelles opportunités à saisir. Certaines de nos entreprises disposent déjà de leurs propres réseaux de distribution au Maroc, en Algérie et en Libye. Quelles sont les mesures éventuelles que les entreprises textiles devraient appliquer pour gagner le pari de la compétitivité face à la concurrence chinoise et turque ? De quelque bord que nous soyons, entreprises, organismes de soutien et administrations concerneés, on n'a pas d'autre choix que de jouer la carte de la proximité et de la réactivité. Le marché du réassort et de la petite série qui représente 30 à 40 % de la consommation en Europe est à notre portée à condition que tous les intervenants soient prêts et disposés à aller à fonds dans cette démarche. La compétitivité est un concept global où les entreprises, les banques, les transporteurs, les administrations apportent chacun sa contribution pour que nos produits soient les meilleurs dans leur gamme, leur créneau ou leur segment de marché. Lire aussi : -Textile : réorienter le soutien de l'Etat vers le tissage, le finissage et le textile technique - Néjib Karafi, D.G du CETTEX : « Le passage à la co-traitance et au produit fini : un changement de longue haleine » - Nazeh Ben Ammar, Mami SA : le secteur textile doit passer à une phase plus industrielle - Abdelaziz Darghouth : Investissons dans le marketing, la logistique et la communication pour imposer nos textiles en Europe