C'est en écoutant sur les ondes radiophoniques nationales, à une heure de grande écoute, un débat autour des agressions dans les moyens de transport public, que l'idée de cette chronique à germé dans mon esprit. La description et la dénonciation de certains agissements, notamment le harcèlement sexuel sur nos lignes de métro et de bus, sont utiles pour traduire et exposer une réalité très difficile à vivre, surtout de la part des usagères. Entre les débordements de langages, les agressions physiques, l'insécurité, les atteintes aux libertés et à l'intégrité des personnes, il est utile et urgent de traiter pareil sujet. Le harcèlement et les agressions sont vraisemblablement devenus des pratiques courantes. Quelques semaines plus tard, une autre émission dédie un spécial aux "métiers de la nuit". Elle glisse aussitôt, en un sujet sur la violence et toutes ses formes. Il va sans dire qu'il est judicieux d'ouvrir ce genre de débat et de poser les vraies questions afin de solliciter les parties concernées à trouver des solutions d'urgence, pour améliorer le quotidien des usagers des transports publiques. Ce genre d'émissions interactives tend à montrer que la réalité est sur le terrain et qu'être un citoyen responsable qui s'exprime peut jouer un rôle constructif dans la société. Au cours de ce débat radiophonique, ce sont les débordements et les excès des propositions qui ont retenu mon attention. Les auditeurs-témoins racontent et dénoncent des situations d'extrêmes de violence. Ils ont proposés des solutions et appelé à certaines mesures urgentes. Certaines de ces mesures sont, pour le moins surprenantes. Pour ainsi dire, la plupart des propositions sont ahurissantes et c'est vraiment le moins que l'on puisse dire ! Un témoin suggère un policier dans chaque rame de métro, ainsi que dans chaque bus à l'avant et à l'arrière de l'engin. Une auditrice suggère que les hommes soient tout bonnement séparés des femmes dans les transports en commun. Cela évitera toute agression ou tentation d'ordre sexuelle, ou éventuel autre attouchement non consenti. On va même jusqu'à carrément suggérer des bus pour les «chômeurs qui, eux, sont tous délinquants et d'autres pour les travailleurs, qui triment toute la journée et qui doivent renter chez eux en toute sérénité» ! Nous sommes en plein délire radiophonique. L'apartheid n'est plus très loin. Des citoyens divisés en première, deuxième et troisième zones ! Une pure folie s'empare de l'émission. Le débat s'enflamme sous l'oreille attentive des animateurs qui accompagnent les auditeurs dans l'exercice de leur sacro-saint droit à l'expression Pas de commentaires ! Juste une sonnerie d'alarme. Où va-t-on avec ce genre de délires? Ce genre d'émission participative a le mérite de multiplier les sources d'informations en allant dans le sens de sa démocratisation. Il convient de rester attentif, car en perdant son statut de premier témoin de l'événement, au profit de ceux qui le vivent, le journaliste perd du terrain. Son rôle est désormais devenu essentiel dans le travail de qualification, de vérification et de tri de cette matière brute. Il convient aujourd'hui de rester prudent aux évolutions et de contenir les dérapages. Il s'agit toujours de vérifier, filtrer, recouper et contextualiser et conceptualiser cette nouvelle matière informative amateur Il n'en reste pas moins vrai que le débat pose des problèmes de fond. Lorsque quelqu'un est agressé dans les transports en commun, arrive-t-il souvent que des gens interviennent pour l'aider ? La solidarité a-t-elle complètement disparu? Répondre au mal par un mal encore plus grand semble aussi un exercice que l'on pratique au quotidien. Il s'agit d'en prendre garde.