Le round du G20 contre la crise Pas de démobilisation, toujours le même mot d'ordre : «sus à la crise» .Et toujours le même objectif au chevet d'une économie mondiale qui n'a pas récupéré : «Haro sur la reprise». Le round du G20 contre la crise continue son bonhomme de chemin. Initié dans la précipitation à Washington au mois de novembre 2008, ultime épisode international de l'administration Bush sur le point de déménager, il a pu tenir son premier sommeil à Londres le 2 avril, avec la nouvelle administration Obama, fraîchement investie mais plus volontaire. Son agenda est ambitieux : «moraliser le capitalisme et faire repartir la machine». Continuer le combat A son deuxième sommet, le 25 septembre dernier à Pittsburgh, le bilan des six premiers mois de thérapie autorisait l'espoir. Les banques, par exemple, retrouvent des couleurs. Le mouvement de rapprochement reprend. Il y a des actes d'acquisition fulgurants. Nous citerons le rachat par l'américain Black Rock de la filiale de gestion d'actifs de la Barclays (cf. Revue Banque N°715 juillet-août 2009). La nouvelle entité sera désormais leader mondial du métier et possèdera 2.700 milliards de dollars d'actifs sous gestion, soit l'équivalent du PIB de la France. Mais malgré ces signes encourageants, il faut continuer le combat et ne pas baisser la garde. Selon DSK, le patron du Fonds monétaire international, le retour de la croissance pourrait se faire sans faire repartir l'embauche. Cette situation est aussi contrariante que la «stagflation» durant les années 80 où on n'avait pas de croissance alors que l'inflation galopait. Par conséquent, il ne faut pas relâcher la relance par le budget, prévient le DG du FMI. Il faut continuer à presser le champignon. De la bouche du premier argentier de la planète, cela signifie que l'économie mondiale n'a toujours pas retrouvé la confiance depuis ce jeudi noir du 15 septembre 2008 quand Christine Lagarde, ministre française de l'Economie et des Finances avait mis à l'indexe Harry Paulson, son homologue américain du Trésor lui reprochant d'avoir précipité une crise de confiance mondiale pour avoir refusé la veille de voler au secours de la banque d'investissement Lehman Brothers. Depuis, le monde a basculé dans un scénario de rupture. C'est par les instruments budgétaires que l'on a pu endiguer la crise réhabilitant l'économie mixte. Et le devoir de salut permettait dans le même temps au FMI de reprendre la main pour protéger un certain nombre de pays du risque de défaut. On est dans une logique de contrôle et de supervision face au grave déficit de régulation amené par la libéralisation à outrance. Un ordre économique touche à sa fin, un autre modèle se met en place? Le monde qui s'en va La croissance à tout prix, ça marche un temps mais c'est périlleux. Les pays du G7 et principalement les USA ont subi le revers de leur désindustrialisation. La vague de délocalisation de leur secteur manufacturier les a pénalisés en termes d'investissement, d'emplois et de croissance. Cela est particulièrement visible dans l'économie américaine qui a vu son taux d'investissement dans l'industrie divisé par deux. Et sa production industrielle est au même niveau qu'il y a dix ans. Alors, pour compenser ce recul en termes de revenus, on a substitué les dépenses des ménages dopées par le crédit. En quinze ans, le taux d'endettement des ménages américains est passé de 70 à 140% du revenu disponible. Celui des Espagnols est passé à 14 % également et celui des Anglais, pourtant assez parcimonieux, a grimpé à 175%. On peut évaluer l'appoint de croissance de cette consommation intérieure à 1 point de PIB en Europe et à 1,25 point aux USA.. De son côté, le marché financier, devenu global donc échappant à toute réglementation supranationale, avait les voies pour tous les excès. La titrisation a été exploitée à bloc. Les paradis fiscaux, les Hedge funds opérant sans réglementation contraignante, le dopage des traders par des bonus affolants, ont alimenté une spéculation frénétique et mis le marché en transe. L'adoption des IFRS (International Financial Reporting System) porte une part de responsabilité. Patrick Artus, Chef Economiste du Groupe Natixis, explique que la juste valeur «Fair value», concept central des IFRS (Lire l'entretien avec Férid Ben Brahim le 08-10-2009) amenait les investisseurs institutionnels à des pratiques aberrantes. Ainsi, expliquait-il en substance, quand les prix des actions baissent, les institutionnels devaient comptabiliser instantanément leurs pertes. Cela réduit leurs fonds propres les poussant à vendre en cas de baisse afin de ne pas afficher de mauvaises performances pour ne pas nuire à leur crédibilité et faire fuir leurs clients. Pendant la crise, cette attitude a provoqué un engrenage à la baisse créant des écarts considérables entre la valeur d'un actif et son cours de bourse. La nouveauté ici est que la bourse crée des vendeurs et non plus des acheteurs quand le marché traverse une phase de sous-évaluation des actifs. Et, c'est contre nature. Le tout est de redonner leur rôle naturel d'acheteurs en situation baissière, aux institutionnels. Il faudrait dans ce sens mieux adapter la régulation pour que le marché retrouve sa fonction fondamentale qui consiste à assurer l'allocation optimale de l'épargne pour stimuler la croissance. Le monde qui vient S'organisant pour la reprise, le système a changé de modèle économique. Dans une récente interview, Noureddine Hajji (Associé Ernst &Young) nous expliquait comment les grands groupes ont préféré se mettre en ordre de combat. Ils ont opté pour une cohérence de métier et une logique de leadership sur leur métier de base quitte à céder leurs activités collatérales. La consigne était illustrée par Jack Welsh « quand on n'est pas premier ou second on cède la filière. » C'est donc une course au positionnement et à la concentration verticale qui est lancée. Plus généralement, Patrick Artus pense que cette logique de concentration est porteuse d'une dynamique d'innovation et d'exportation, ce qui est de nature à faire revenir la croissance. Cantonnée au secteur des nouvelles technologies, y compris aux Etats, l'innovation devra diffuser. Les USA pourtant leaders mondial de l'innovation n'enregistrent que 70 milliards de dollars de rentrées des High-Tech, soit un demi point de PIB. C'est une maigre performance à comparer aux sept points de PIB que leur coûte leur déficit commercial sur les produits manufacturés (chiffres COFACE). Donc le salut pour l'industrie viendrait de l'innovation. On l'a bien vu dans le secteur automobile où le moteur hybride sera le fer de lance du secteur demain. Par extension, on peut déduire que le modèle économique nouveau est viable et réaliste mais qu'il demandera du temps pour se doter d'une vigueur de croissance. Comment faire pour ne pas rester dans une croissance molle ? Un premier relais viendrait des exportations à l'adresse des pays émergents. Ces derniers dominent 45% du commerce mondial et possèdent une forte consommation interne. La frustration des pays en développement Mais que restera-t-il pour les pays en développement ? Toujours enfermés dans la même perspective de sous-traitante ou dans le meilleur des cas de cotraitance. Pour une fois que l'appel en faveur d'un nouvel ordre économique mondial quelque peu équitable a des chances d'aboutir, pourrait-il une fois encore les ignorer ? Misère ! dans le plan de relance décidé à Londres en avril dernier, il était prévu d'accorder une rallonge de 250 milliards au FMI pour renforcer les DTS. Cette facilité, étant consentie en fonction des contributions nationales, fait qu'au bout du compte l'Afrique n'en recevra que 19 milliards. Trop, c'est trop !