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Une autre Loi de finances était possible
Publié dans Business News le 18 - 01 - 2022

Le véritable danger qui guette notre pays depuis des années est la dégradation persistante de la situation économique et sociale. Cette situation s'est aggravée avec la pandémie de Covid et persistera en l'absence d'un plan de relance économique et de soutien à l'emploi suffisamment ambitieux.
La Constitution votée, le scrutin législatif de 2014 a débouché sur un gouvernement disposant d'une large majorité absolue. Malheureusement, il n'a entamé aucune réforme économique et sociale d'envergure, la croissance est restée en berne, les déficits se sont accumulés et l'endettement s'est mécaniquement accru année après année.
Depuis le 25 juillet, après s'être accaparé l'ensemble des pouvoirs législatifs et exécutifs, Kaïs Saïed a nommé rapidement sa ministre des Finances (avant même la désignation de la cheffe du gouvernement), en signe de reprise en main énergique.
Mais de ces mois de fanfaronnade est ressortie une Loi de finances sans âme, vite dénigrée par Kaïs Saïed lui-même, qui se prétendait pourtant omniscient et omnipotent. Tout ceci dénote d'une absence totale de stratégie économique ou sociale mais également d'un manque flagrant de courage qui n'a d'égal que l'incompétence de ce gouvernement.
Pourtant, en faisant mainmise sur tous les pouvoirs, Kaïs Saïed n'était-il pas supposé mettre au pas ces lobbys qui, selon ses dires, étaient les véritables maîtres à bord avec une assemblée corrompue à leur solde ? Ou ne serait-ce que poser les prémices de politiques publiques (des dizaines d'études et de projets de loi sont enterrés dans les tiroirs des ministères) répondant réellement aux objectifs de la Révolution ?
En lieu et place, on se voit proposer une collection de mesures comptables, largement piochées dans les projets des lois de finances précédents ou, pire encore, tirées du projet de "relance économique" présenté par le gouvernement Mechichi que le président avait pourtant refusé de ratifier !

Un manque d'ambition criant
La Loi de finances est bâtie sur une hypothèse de croissance de 2,6 % en 2022 faisant suite au tout petit rebond mécanique de même ampleur enregistré en 2021 après une contraction de -8,6% en 2020. La Tunisie a plus fortement pâti de la pandémie qu'un pays comparable comme le Maroc (-7 % puis +6,3 %) sans même invoquer l'Union européenne (-6,5 % puis +5%) ou les Etats-Unis (-3,5 % puis 5,6%). Ne rattrapant pas ce déficit de croissance, la Tunisie débute l'année 2022 avec un marché du travail atone, un taux de chômage de 18,7 %. L'inflation sera aussi élevée même dans le contexte tunisien avec un taux à 7% en 2022.

Une loi sous le signe des injustices et du statu quo
Dans ce contexte, les recettes inscrites à la loi de finances connaissent une croissance nominale de 12%, les impôts directs (IR, IS etc..) augmentant proportionnellement au PIB alors que les impôts indirects (TVA, droits de consommation etc..) augmentent de près de 16.5% dépassant largement la croissance nominale du PIB de près de 7 points. On note ainsi, non seulement une absence de volonté pour aller chercher des ressources en direct (évasion fiscale etc.) mais pire une injustice criante, la TVA étant un impôt particulièrement régressif en ce sens qu'il touche proportionnellement plus les ménages les plus modestes car ces derniers consomment une fraction plus importante de leurs revenus. Ainsi, le président de la République qui fustige à longueur de discours télévisés les politiques injustes est le premier à les renforcer !
Pire encore, il nous annonce une amnistie fiscale. Une stratégie qui consiste à donner un chèque en blanc à tous les fraudeurs et n'incite pas les contribuables à s'acquitter de leurs impôts dans le futur. Cette pratique fût par ailleurs utilisée trois fois par Ben Ali, quelques jours après son coup d'Etat le 7 novembre 1987, mais également en 2006 pour célébrer les 50 ans de l'indépendance ou encore en 2008, et n'a fait que saper la crédibilité de l'Etat en matière fiscale.

Du côté des grandes lignes des dépenses, on note une augmentation de 6,6%, l'équivalent de 3 Mds de TND ! Sont-ils alloués à l'investissement et à la relance ? La réponse est non. Cette augmentation se répartit principalement entre augmentation de la masse salariale (40%), augmentation du coût des subventions (40%) et augmentation du service de la dette (20%).
Contrairement aux effets d'annonce, la masse salariale de l'Etat n'est pas réduite mais elle augmente de 6% , soit une stabilisation en termes réels. Mais si l'on entre dans les détails, on note une baisse importante du budget de la santé qui perd plus de 16% qui ne peut être imputée à la seule fin des mesures liées à la pandémie. En effet, c'est une baisse d'environ 600 millions de dinars qui sont principalement transférés au ministère de l'Intérieur (indépendamment des effets de la fusion de celui-ci avec le ministère des Affaires locales).
Quant au nombre de fonctionnaires, il semble diminuer dans l'ensemble (-6700), mais leur répartition dénote un détricotage par le gouvernement de l'Etat social et du service public. On note, en effet, des baisses importantes d'effectifs de la santé de 7800 agents, et de l'éducation de 1700, alors que les ministères de l'Intérieur et de la Défense récupèrent plus de 11000 fonctionnaires (toujours hors effet d'intégration des Affaires locales au ministère de l'Intérieur).

Enfin, il ne sera budgété en 2022 que 8 Mds de TND en sommant les titres de l'investissement et des dépenses de développement. Une allocation en valeur similaire aux années précédentes, en déclin en pourcentage du PIB et sans aucune stratégie ni suivi ni vision. Pourtant, l'investissement public est un bon moteur de relance car ses effets sont durables. Mais il semble que même la relance de l'offre, par le soutien aux entreprises, n'intéresse pas le gouvernement car à peine 100 millions de dinars y seront consacrés (en 2020 le Maroc a consacré près de 11% de son PIB à une stratégie de soutien à ses entreprises).

Une autre Loi de finances était possible
S'il n'y a pas de solutions simples, certains principes doivent être respectés pour espérer trouver un chemin de sortie de la crise économique dans les cinq prochaines années :
* Restaurer d'urgence un tant soit peu de calme et de communication pour permettre un débat politique digne et serein,
* Instaurer un dialogue national incluant l'ensemble des acteurs politiques et sociaux afin d'élaborer une trajectoire de sortie de crise sous le regard du peuple souverain. La transparence est cruciale pour recouvrer la confiance de nos concitoyens et restaurer également notre crédibilité aux yeux de nos partenaires.
* Commencer les réformes institutionnelles et réglementaires nécessaires à la reconstruction de l'économie du pays, casser l'économie de rente et assurer plus d'équité en matière fiscale.

Malgré les contraintes budgétaires et les énormes besoins de financement, il aurait été tout à fait possible de dégager quelques priorités et d'y allouer les ressources nécessaires afin de définir un cap de relance et de réformes et viser une croissance au-delà des 5% afin d'absorber le chômage et donc créer un cercle vertueux qui permettrait d'allouer plus de ressources aux aides sociales et aux dépenses dans l'éducation et la santé.

Des mesures simples auraient pu en effet dégager des ressources, réduire certaines dépenses et contribuer à l'intégration de l'économie informelle et l'élargissement de l'assiette des impôts directs :

- Revoir et évaluer l'ensemble des mécanismes incitatifs. Ces mesures, qui ont été mises en place depuis des années sans véritable suivi ni étude d'impact sur la création de richesse et d'emploi, nous coûtent plus que deux points de PIB et seraient à 80% inutiles selon la Banque Mondiale. Il convient donc de les réorienter vers les secteurs à plus forte valeur ajoutée.
- Faire les arbitrages budgétaires nécessaires afin de dégager 1 à 2 Md en soutien aux entreprises (sous formes de prêts, de garanties ou d'injections en capital).
- Investir réellement dans les TIC et les ressources de contrôle fiscal et administratif (caisses enregistreuses, paiements en ligne, digitalisation, etc..).
- Revoir les mécanismes de couverture de matières premières. En effet, l'année 2021 était déjà une année record en matière de subvention à cause de la hausse du pétrole et autres matières premières. Et contrairement aux promesses faîtes notamment au FMI, le budget des subventions augmente encore cette année de près 1,2 Md TND pour atteindre 7,3 Md de TND, soit plus que la somme des budgets des interventions et de l'investissement réunis. Plusieurs études économiques annoncent que les prix des matières premières vont continuer à augmenter. Le gouvernement aurait pu tirer les leçons de 2021 (un surcoût de près de 3 Mds de TND) et aurait pu commencer à mettre en place des programmes de couverture par des instruments financiers contre la hausse des prix. Notre sensibilité aux prix des hydrocarbures l'exige: si le pétrole s'échange à 100 USD, la facture augmenterait encore de près 2,5 Mds de TND.
- Cibler les investissements publics dans les secteurs des transports, de l'éducation et de la santé qui sont essentiels pour assurer une vie digne aux tunisiens. L'ensemble des investissements dans ces trois secteurs atteint à peine 1 milliard de TND (en comptant les projets déjà en cours), soit 13% de l'enveloppe totale de développement, contre 840 Mlns pour l'Intérieur et la Défense par exemple.


Nous affrontons collectivement un moment difficile et, réalité oblige, la négociation d'un plan de financement du FMI et un accord avec la Banque mondiale sont inéluctables. Si ces acteurs viennent avec leurs contraintes, il n'en reste pas moins que ce ne sont pas eux qui ont écrit cette Loi de finances insipide. Notre crédibilité auprès de ces institutions a été mise à mal ces dernières années et il faut la restaurer. Leurs exigences resteront basées sur des indicateurs financiers et des hypothèses qu'on se doit de discuter, de négocier. Nous disposons évidemment de la compétence et l'expérience pour négocier d'égal à égal mais il nous faut définir nous-mêmes nos priorités nationales, notre modèle économique et social et procéder aux arbitrages nécessaires pour promouvoir une croissance plus forte et un endettement soutenable. Nous ne pourrons certes pas les forcer à être d'accord sur tout, mais en ayant une vision claire et un discours transparent et inclusif sur nos priorités sur les cinq prochaines années, nous pouvons en faire des partenaires pour nous accompagner dans cette étape d'assainissement et de restauration de notre crédibilité financière. Là est la véritable souveraineté nationale : avoir le courage de tracer notre chemin ensemble, sous contraintes certes, mais de façon lucide, transparente et résolue.

* Présidente du conseil national d'Ettakatol


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