L'hiver arrive. Ceci ne nous est pas uniquement rappelé par le début de la tant attendue House of the dragon, mais par la rentrée scolaire, la double séance, la campagne électorale imminente et les nombreux chantiers politiques qui nous attendent. En France, le retour des mauvais jours se prépare. « L'heure est au grand bouleversement », avait déclaré, la semaine dernière, le président français en préambule du conseil des ministres de la rentrée. Emmanuel Macron avait appelé son gouvernement à « l'unité » face à « la grande bascule de qui marquera la fin de l'abondance et de l'insouciance ». La France fait en effet face à une série de crises liées à la guerre en Ukraine et à la sécheresse expliquée par le réchauffement climatique.
En Tunisie, l'heure est à la pénurie. Pourtant, on frôle à peine le sujet. Au mieux, on réagit et on s'indigne. A l'approche de la rentrée, les Tunisiens font la queue pour s'approvisionner en carburant, rationnent leur consommation en sucre, farine, café, et autres produits nécessaires. Sur les rayons des supermarchés, l'essentiel manque. On peine à faire ses courses. Trouver un sachet de sucre relève de la prouesse. Sur les étals de supermarchés, on trouve plus facilement des pots de confiture importés à 10dt que des sachets de sucre ou de farine subventionnés. Mais personne ne prépare les Tunisiens à des temps plus difficiles. Personne ne prononce les mots qui fâchent. Rationnement, pénurie, consommation responsable. Les déclarations officielles se font éparpillées et peu convaincantes et prouvent non seulement qu'aucune stratégie n'est mise en place pour faire face à la situation, mais que les solutions ne sont pas encore trouvées. On nous prouve chaque jour qu'aucun plan n'est fait pour l'avenir et que toutes nos craintes pour nos enfants et les générations futures sont justifiées. Ceci explique le sentiment d'anxiété générale. Il explique aussi pourquoi de plus en plus de Tunisiens, chaque jour, font le choix de risquer leur vie et celles de leurs enfants pour partir ailleurs. Ceux-là ne croient pas nécessairement que de meilleurs cieux les attendent, mais ils ont la certitude que rien ne leur est réservé ici et que leur vie, telle qu'elle est, ne peut plus continuer ainsi.
Kaïs Saïed a choisi de monopoliser les pouvoirs croyant que son intégrité et sa bonne volonté suffisent à elles seules à faire de lui un bon dirigeant. Mais comme l'amour seul ne fait pas forcément un mariage heureux, cette vision s'avère encore plus simpliste lorsqu'elle se heurte au mur rugueux et abrupt de la politique. Nous ne sommes pas là pour blâmer Kaïs Saïed de tous les maux. Il n'en est pas seul responsable. L'homme ne fait que reproduire les erreurs de ses prédécesseurs et leurs méthodes fâcheuses, même s'il n'arrête pas de hurler qu'elles n'ont pas fonctionné. Subir sans calculer ni anticiper, critiquer les autres puis faire comme eux, dénoncer après coup mais ne jamais anticiper, est-ce là ce qui fait un bon dirigeant ? Le problème avec Saïed c'est qu'il continue de penser qu'il est seul à pouvoir trouver des solutions et veut faire croire qu'il est en bonne voie d'y parvenir. En ignorant le cœur du problème et en préférant perdre son énergie, et la notre, sur des considérations secondaires, il dilapide un temps précieux qu'il pourrait utiliser à anticiper des pénuries prévisibles et une crise énergétique très attendue. Planifier, sensibiliser et préparer des stratégies, n'est-ce pas là le minimum attendu d'un dirigeant en temps de crise ? Force est de reconnaitre que rien de très révolutionnaire n'a été réalisé à l'heure actuelle. Chambouler le schéma politique pour négliger totalement économie et social n'a rien de révolutionnaire. Il est temps de le reconnaitre avant qu'il ne soit trop tard. A l'heure actuelle, le Tunisien est en voie de manquer de l'essentiel. Nous ne parlons pas des produits indisponibles en rayons, mais aussi d'une infrastructure de santé adéquate, de compétences qui ne précipiteraient pas pour fuir le pays, d'une meilleure formation pour nos enseignants et donc nos enfants… Mais pour nos dirigeants – notre dirigeant – l'essentiel est ailleurs. Cette rentrée, au lieu de prévoir la crise énergétique qui est sur nos portes, est une rentrée électorale et alors que nos problèmes sont ailleurs, nous nous préparons à nous déplacer vers les urnes pour choisir nos prochains élus. Puisque rien n'a changé autour, tout porte à croire qu'ils seront aussi inutiles que ceux qui les ont précédés. Un scrutin, lui, n'émeut plus personne.
Des jours sombres nous attendent. Non, nous ne dramatisons pas, nous sommes réalistes. Il s'agit d'un contexte mondial auquel il faut se préparer et être préparé, le sommes-nous réellement ?