Depuis quelques jours, une vidéo diffusée par une page appelée « Eye Watch » affirme que la journaliste tunisienne Rim Bougamra aurait été déchue de sa nationalité par les autorités tunisiennes, à la suite d'une interview qu'elle a réalisé sur la chaîne Al Arabiya avec un ministre israélien. La vidéo explique que cette décision aurait été prise « en solidarité avec la Palestine ». Cette vidéo a circulé rapidement, alimentée par la colère de nombreux internautes et journalistes tunisiens, qui ont dénoncé l'entretien comme une « trahison » et demandé des sanctions exemplaires, allant jusqu'à exiger la déchéance de nationalité. La photo de Rim Bougamra aux côtés du ministre israélien a suscité une vague de critiques et de condamnations, notamment de la part du SNJT donc la polémqiue est bien réelle. Or, l'information relayée sur le retrait de sa nationalité est, elle, infondée. Après vérification auprès de sources officielles et de proches de la journaliste, aucune procédure n'a été engagée et aucun décret n'a été publié au Journal officiel de la République tunisienne.
Sur le plan juridique, cette rumeur ne peut d'ailleurs pas être crédible. L'article 31 de la Constitution tunisienne de 2022, identique à l'article 25 de celle de 2014, stipule clairement : « Aucun citoyen ne peut être déchu de la nationalité tunisienne, ni être banni, extradé, ni empêché de revenir à son pays. » Cet article a été conçu justement pour mettre fin à l'ancienne pratique, prévue par le Code de la nationalité, qui permettait au pouvoir d'ôter la nationalité par décret. Depuis la Révolution, et malgré l'existence de l'article 33 du Code de la nationalité, ce mécanisme est caduc et inapplicable, car il est en contradiction directe avec la Constitution.
Ce n'est pas la première fois que des appels de ce type surgissent dans le débat public. En 2021 déjà, des voix avaient réclamé le retrait de la nationalité de l'imam Hassen Chalghoumi connu pour ses positions pro-Israél. Là encore, aucune suite n'avait été donnée, pour les mêmes raisons constitutionnelles. De plus, il est important de rappeler qu'aucune loi criminalisant la normalisation avec Israël n'a jamais été adoptée en Tunisie, malgré des propositions répétées au Parlement.
Ainsi, la rumeur est fausse. Non seulement aucun acte officiel ne confirme le retrait de la nationalité de Rim Bougamra, mais la Constitution tunisienne interdit formellement toute déchéance de nationalité.