Les partenaires politiques se rencontreront le mercredi 8 juin 2011 pour essayer de trouver un consensus autour d'une nouvelle date pour les prochaines élections de la Constituante. Mais ce n'est pas tant la date de ces élections qui pose problème, que leur capacité à créer une situation institutionnelle et politique nouvelle dans le pays qui tranche avec le provisoire qui dure depuis déjà six mois, et qui s'avère très handicapant sur tous les plans politique, économique et social. Il devient évident aujourd'hui que la date initiale du 24 juillet ne peut être respectée. Sur le principe, c'est très regrettable mais ce sont les partenaires politiques et les membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution qui en sont responsables en grande partie. Mais le consensus national s'était dégagé surtout autour de l'idée de la Constituante. Reporter aujourd'hui la date de ces élections ne touche en rien ce consensus d'autant plus que le choix initial de la date prenait en considération les contraintes du calendrier pour que les élections ne coïncident pas avec le mois de Ramadan d'une part, et pour qu'elles aient une portée symbole qui fait juxtaposer les dates de la première et la deuxième république, d'autre part. Le calendrier présenté par le président de la commission indépendante des élections, Kamel Jendoubi, malgré les maladresses de la démarche, est de ce fait logique ce qui rend la virulence des réactions de certains partis politiques encore moins explicable. Le PDP, qui avait refusé au départ l'idée de report des élections, semble revenir à de meilleurs sentiments montrant encore une fois, ses grandes capacités d'adaptation et son pragmatisme politique. Par contre Ennahdha continue à tirer à boulets rouges sur la commission des élections et son président, montrant un empressement pour le moins suspect. On serait même tenté de penser que la position radicale du parti islamiste, qui a annoncé le gel de ses activités au sein de l'Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, est en rapport avec le fait qu'il avait échoué à placer ses représentants au sein de la commission des élections montrant un rapport des forces qui lui est défavorable et qui n'est pas de bon augure pour la suite, notamment les discussions prévues sur la question de la charte républicaine. Quant à ceux qui proposent une date intermédiaire en septembre pour ces élections, ils n'apportent aucune solution aux problèmes posés, sauf une intention consensuelle louable. Car disons le clairement, même la date du 16 octobre 2011 proposée par la commission des élections est une date très serrée qu'il serait difficile de respecter. Imaginons, en effet, que les discussions pour arrêter la liste des interdits de candidature prennent plus de temps que prévu. Imaginons encore que certains parmi ceux qui figurent sur cette liste contestent la décision de l'Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution et décident de porter l'affaire devant la justice. Autant d'aléas qui pourraient donc chambouler le calendrier des phases préparatoires des élections et qui pourraient les retarder. Ne serait-il pas préférable dans ce cas, de prendre suffisamment de garanties pour régler tous les problèmes qui pourraient surgir, de fixer une date en début du mois de janvier prochain, le 13 porte bonheur dit-on, et préserver la portée symbolique de élections en faisant coïncider la première réunion de la nouvelle Constituante et l'annonce de la deuxième république avec le premier anniversaire de la révolution ? Un pays a toujours besoin de symboles, et les symboles ne peuvent exister que dans le cadre d'un consensus national. Or, la chance de la révolution tunisienne est d'avoir opté dès le départ pour le consensus, qui n'est peut-être pas la démarche la plus simple, mais qui est sûrement la démarche la plus gratifiante pour le peuple et pour le pays. Il faudrait toutefois régler une question cruciale en rapport avec la situation institutionnelle et politique provisoire qui n'a que trop duré et qui est néfaste pour le pays sur le plan politique, social et surtout économique. Pour cela, on pourrait envisager qu'exceptionnellement, les prochaines élections de la Constituante seront concomitantes avec des élections présidentielles. Le problème de la légitimité du pouvoir exécutif sera définitivement réglé ce qui aura des répercussions immédiates sur la situation sécuritaire et sociale, et aura un impact direct sur le redémarrage de l'appareil de production et sur les investissements étrangers. La Constituante aura, pour sa part, toutes les prérogatives d'un parlement élu, dont l'une des tâches sera la rédaction d'une nouvelle constitution qu'il soumettra à mi-mandat à un référendum. La période de transition démocratique est une phase particulière dans l'histoire des peuples. Aucun schéma ne pouvant être plagié ou recopié, cette phase est des plus riches en idées, initiatives et propositions mettant en relief les capacités créatives insoupçonnées de chaque peuple. Parions donc sur l'ingéniosité et la créativité du peuple tunisien pour réussir cette transition démocratique dans le cadre d'un consensus national qui nous a pas mal réussi jusqu'à maintenant. Les élections, c'est urgent mais il ne faut pas se presser. Sofiene Ben Hamida