Les jeux de paris sportifs ont de tout temps existé. Avec l'arrivée d'internet, le marché euro-américain de ces jeux d'argent a littéralement explosé et l'onde de choc a, ces deux dernières années, touché de plein fouet notre pays. Désormais accessibles en ligne via une simple connexion internet, ces jeux de hasard, très liés à la gente masculine de par son engouement pour le sport et le foot en particulier, sont devenus le passe-temps préféré de milliers de jeunes tunisiens, voir même, un vrai travail pour certains. Pour les psychologues, un cocktail explosif qui mêle, amour pour le sport, illusion du gain facile et adrénaline. Alors, comment ça marche? Peut-on encore parler de Monopole d'Etat sur le jeu ? Enquête.
Le bookmaker : Les joueurs sont généralement des jeunes à faible ou moyen revenu. Dans leur grande majorité, pour jouer, ils font appel à des bookmakers, qui sont en réalité, des propriétaires de compte Neteller*(ce n'est pas le seul mais c'est le plus utilisé en Tunisie). Des comptes bancaires en ligne sur lesquels on peut effectuer des dépôts de devises à partir de l'étranger. Une fois l'enregistrement sur cette banque en ligne finalisé et le dépôt effectué, le bookmaker devra s'enregistrer sur un site de jeux de paris sportifs en ligne (Planet Win, Bwin, Bet 365…). Une fois l'enregistrement effectué, cette personne peut commencer son business. Un business qui peut être très lucratif, si l'on regarde les marges, lors des transactions. Car un joueur qui parie chez un bookmaker et gagne, va récolter son gain en dinars, au taux de change appliqué par les banques, voire un peu moins. En revanche, s'il veut acheter des crédits pour pouvoir jouer, en l'occurrence des euros, il devra multiplier sa mise en dinars, par 3,2 en moyenne, un taux de change largement au-dessus de celui appliqué par les institutions financières (2,46 dinars pour un euro).
Modalités de jeu : Alors que la société tunisienne des jeux, Promosport, propose de jouer dans des points de vente physiques, une fois par semaine, 13 grilles (de jeux), équivalentes aux résultats d'une liste fermée de 13 matchs de football. Les sites de paris sportifs en ligne, proposent un produit bien plus adapté à l'époque. On peut parier sur tout et tout de suite ! Sur ces plateformes, il est possible de jouer 24h sur 24, 7J sur 7, de partout où il y a une connexion internet. Et toutes les combinaisons possibles. Pour ce qui est du football par exemple, on peut même parier sur le résultat d'une seule partie, sur le nom du joueur qui marquera le premier but, sur l'équipe qui remportera le match, sur le résultat à la mi-temps,le tout en mode instantané et même lorsque la partie a déjà commencé.
Avec ces plateformes, il est aussi possible de parier sur des matchs de tennis, des courses de chevaux et sur près de 30 sports mondiaux. On y parie instantanément, à toute heure, sur des matches qui se jouent à différents coins du globe. En somme, tout est fait pour que les parieurs n'arrêtent jamais de jouer.
Promosport et monopole d'Etat
Face à l'ampleur du phénomène, le mot monopole n'a plus lieu d'être. La société étatique régissant les paris sportifs en Tunisie rencontre aujourd'hui, par conséquent, de sérieuses difficultés. Menacée par ces entités considérées comme illégales mais invisibles aux yeux de l'Etat, la direction de Promosport, tente de sauver la mise. La signature, récemment, d'une convention avec Ostrian Games Industries (OGI) dans le but de mettre en place un nouveau système de gestion des paris n'empêche pas la dérive de Promosport. Le nouveau système, qui doit être mis en place par la société autrichienne, permettra aux utilisateurs du service de parier sur plusieurs matchs par semaine avec différentes modalités de jeu. Il est clair que le limogeage du directeur de la société, Mohamed Hédi Bargougui, n'accélérera pas la remise à niveau de la société étatique. « C'est à l'Etat d'intervenir, par le biais du ministère de la Jeunesse et du Sport et celui du Commerce, et de réglementer le secteur » avait dit Nabil Abdellatif, président d'honneur de l'OECT (Ordre des experts comptables tunisiens) lorsqu'on l'a questionné sur le sujet. Pour lui, le détournement de la législation peut seulement être évité par un dinar convertible. L'Etat devra aussi, collaborer avec des sociétés internationales spécialisées dans les paris en ligne pour mettre en place des garde-fous limitant les risques de fraude.
En France, par exemple, l'Etat a mis en place l'ARJEL. L'Autorité de régulation des jeux en ligne est chargée de mettre en place des moyens de régulation, d'information et de contrôle pour protéger les joueurs, prévenir de l'addiction au jeu et lutter contre la fraude. Un numéro vert pour les joueurs qui souffrent d'addiction aux jeux a même été mis en place.
Le joueur de base ou le pigeon :
Le joueur de base ou le pigeon représente, le plus grand pourcentage de la population de parieurs. Une personne qui joue souvent en ligne que nous nommerons Héni **, nous explique que très souvent, il arrive à gagner, mais que « ça reste un jeu de hasard ». Il ouvre son ordinateur et nous fait voir les derniers gains, publiés sur le site. Il fait remarquer que ces gains (un peu plus de mille euros chacun) ont été faits par des joueurs qui ont misé gros dans un seul pari, limitant de facto les risques. « Il y a des professionnels ! » explique-t-il, l'air impressionné.
Le joueur de base, quant à lui, multiplie les paris et ne se concentre pas sur un seul. En variant les combinaisons, il pense maximiser ses chances de gagner alors que c'est l'inverse. C'est justement de l'argent de ces novices, que les sociétés de paris en ligne, installées dans des paradis fiscaux, récoltent des revenus astronomiques. Comme le disait si bien l'ancien parieur Nick the Greek : « Rappelez-vous : la maison ne bat jamais le joueur. Elle ne donne qu'une opportunité au joueur de se battre lui-même ».
Désormais considéré comme sport national, le jeu de hasard en ligne, touche de plus en plus de jeunes joueurs. Et comme chez nos voisins européens, le risque de dépendance est présent. Balancés entre euphorie et désespoir, les parieurs accros risquent la dépression, l'isolement, la perte de leur travail et bien d'autres problèmes graves. De grosses sommes d'argents transitent aujourd'hui par ces sites. Des sommes que l'Etat tunisien ne voit pas. Il y a quelques moi,s les autorités tentèrent de réagir en s'attaquant aux publinets, considérés comme les lieux où l'on pratique ce vice. Les autorités ont infligé de sévères peines à ceux qu'ils ont réussi à prendre mais rien n'y fait, car le jeune tunisien s'adapte et innove, toujours.
Sofiene Ahres
* Neteller : est un porte-monnaie électronique vous permettant d'effectuer des dépôts et des retraits sur des sites de jeux d'argent en ligne