Dans une vidéo, qui nous est parvenue, ce vendredi 2 mars 2018, Omar S'habou a critiqué le rendement du chef du gouvernment, Youssef Chahed. Voici en substance ce qu'a dit l'ancien dirigeant à Nidaa Tounes: Avant que Youssef Chahed ne donne sa dernière interview à la télévision nationale, j'avais personnellement une idée positive sur sa personne. Je considérais qu'il était jeune, pas encore contaminé par les travers de la politique et ne portant aucun lourd bagage d'un passé politique quelconque. Un chef du gouvernement encore frais en somme, qui détient une bonne formation, issu de bonne famille et porteur de bonnes intentions de réforme, ce qui n'augurait que du bon.
Quand j'ai écouté son discours, j'ai découvert qu'il a très vite maitrisé les outils médiocres et vulgaires des politicards chevronnés mais les a en plus améliorés. Les esquives, les mensonges, l'exagération, la manipulation par les chiffres, le commerce des illusions et la prétention jusque dans la posture, voilà ce que j'ai pu constater dans l'heure qu'a duré l'interview, toute la panoplie de ceux qui ont roulé leur bosse en politique.
Youssef Chahed considère d'abord que son gouvernement est totalement indépendant, qu'il n'a aucun lien avec ce qui l'a précédé, et qu'il lui incombe de construire seul les fondations de la Tunisie nouvelle. Il n'a cessé de dire, se désengageant totalement du passé, que le gouvernement a trouvé une certaine situation et un certain contexte dont il est totalement innocent. Il a trouvé une crise de la production de phosphates, de maigres réserves de devise et une croissance en baisse, mais ce n'est pas de sa faute et il a besoin de cinq ans pour inverser la vapeur! C'est ce qui ressort de son intervention.
A monsieur Chahed je dis : vous avez tout faux ! Vous faites partie du système politique qui a pris le pouvoir en 2014 et les cinq ans que vous demandez les Tunisiens vous les ont déjà donnés quand ils ont voté pour Béji Caïd Essebsi et Nidaa Tounes. Je ne pense pas qu'ils soient prêts à vous accorder cinq années supplémentaires car vous êtes responsables, vous autant que le président de votre parti, de la situation catastrophique et inquiétante d'aujourd'hui. Vous êtes responsable en votre qualité de dirigeant à Nidaa, d'ancien ministre mais aussi des mois que vous avez passé à la tête du gouvernement et qui n'ont apporté rien de concret, à l'inverse de ce que vous prétendez.
Pendant une heure de temps vous avez joué aux billes avec nous, vous n'avez cessé d'essayer de nous manipuler en nous infligeant, sur tous les sujets, une comparaison entre la peste et le choléra.
Pour donner un exemple, l'an dernier nous étions tenus de réaliser un taux de croissance de 3% et cette année il nous est demandé par le FMI d'atteindre les 3,5% de croissance pour arriver à 5% en 2019. Nous avons réalisé en 2017 une croissance de 1,9% sur les 3% prévus et vous avez considéré cela comme étant une réussie voire une grande réalisation, comparant le taux à celui de 2016 et transformant ainsi un échec en une réussite.
Pour en donner un second, vous avez affirmé que votre gouvernement a été le premier, depuis l'indépendance, à avoir lutté contre la corruption pour avoir arrêté en dix mois neuf personnes, des contrebandiers pour la plupart, dont on attend encore les procès. Il s'agit là de délits douaniers ou de complots contre la sûreté de l'Etat et vous appelez ça guerre contre la corruption ? Vous avez affirmé que les gros poissons sont mis hors d'état de nuire et qu'il était temps de s'occuper des petits poissons, ceux qui se débrouillent pour avoir deux sous et sortir de la précarité. Ce n'est ni logique, ni éthique, ni politiquement correct et vous pensez réellement qu'un seul Tunisien vous croit encore quand vous dites qu'il existe une guerre contre la corruption en Tunisie ? Tous savent et ont vu qu'il s'agit d'un leurre pour éponger les tensions sociales dans le pays.
Et puis le plus gros mensonge que vous avez tenté de faire avaler aux Tunisiens, celui de la responsabilité entière de la BCT dans les deux blacklistages successifs du pays. Oui, la commission des analyses financières a pu commettre des erreurs mais la responsabilité de cette mascarade incombe au gouvernement et à ses ministres et cela est prouvé et établi documents à l'appui ! Ce qui s'est passé est honteux et injuste. Dans une démocratie qui se respecte, une telle catastrophe aurait conduit à une réunion urgente et extraordinaire de l'ARP pour la présentation d'une pétition afin de retirer la confiance du gouvernement car ce qui s'est passé est une humiliation inacceptable et les erreurs commises sont inexcusables.
Au lieu de ça, le gouvernement est toujours là, comme si de rien n'était et le gouverneur de la BCT a été le bouc émissaire de cette supercherie. Un gouvernement, qui nous conduit au précipice et qui prétend vouloir nous sortir du gouffre. Un gouvernement qui se prétend encore d'union nationale alors que 4 des 9 partis qui se sont unis pour le constituer se sont retirés et ont rejoint l'opposition…