Démantèlement de plusieurs réseaux takfiristes, grâce aux opérations de contrôle et de cryptage sur Facebook et Twitter. Il était vraiment temps Bien que tardivement, la Tunisie se met enfin à l'heure de la traque des terroristes sur la Toile, après avoir misé, jusqu'ici, sur les seules opérations terrestres. Cette nouvelle expérience dans la lutte contre le terrorisme, entamée timidement l'année dernière, sur insistance des Occidentaux qui en savent quelque chose, commence enfin à porter ses fruits. Jugez-en : – 25 septembre 2014 : démantèlement entre Béja et Jendouba d'un réseau composé de onze takfiristes accusés de complicité avec le groupe Okba Ibn Nafaâ. – 13 décembre 2014 : arrestation, toujours grâce à la Toile, de dix terroristes qui servaient de trait d'union avec Lokman Abou Sakhr. – 16 mars 2015 : mise en échec de tentatives intégristes d'infiltration, sur Facebook, des communications téléphoniques entre les brigades de la Garde nationale. – 3 juin 2015 : arrestation entre Bizerte et Tunis de quatre jihadistes qui ont avoué s'occuper de la gestion sur internet de faux profils faisant l'apologie de Daech et incitant au jihad en Irak et en Syrie. Ce fut donc un coup de maître. C'est que l'expérience de la traque des terroristes sur la Toile a été confiée non pas à des stagiaires, mais à des experts en matière de télécommunications et de technologies de pointe. Des experts-espions formés dans les grandes écoles occidentales et occupés, 24 heures sur 24, à guetter le fonctionnement des milliers de sites jihadistes dont pullulent les réseaux sociaux. Tâche guère facile, ces sites usant généralement de ruses diaboliques et de procédés déroutants, bref de faux profils et de pseudo-murs, discrétion oblige. En optant pour la cryptologie qui est considérée par des scientifiques occidentaux comme «la science de la confiance», nos éminents ingénieurs dans ce domaine sont persuadés que cette tactique recouvre l'ensemble des techniques permettant de sécuriser les informations conservées en mémoire informatisée, de garantir la sécurité des communications et, plus particulièrement, de protéger les échanges de données sur les réseaux d'ordinateurs. Or, le problème lancinant qui se pose encore est relatif au degré de réussite du contrôle des réseaux intégristes sur la Toile, étant donné l'utilisation, par ces derniers, de multiples logiciels de cryptage. En effet, outre leur nombre de plus en plus impressionnant, ces sites changent régulièrement d'appellation et de direction. A telle enseigne qu'on emprunte des titres artistiques techniques et parfois même sportifs. Il s'est avéré également que la gent féminine, chargée jusque-là des besognes casanières, a été lancée dans le bain logistique, en se faisant confier un rôle d'endoctrinement, à travers l'internet. D'où l'arrestation, en Tunisie, au début de l'année en cours, de cinq jihadistes en niqab qui faisaient campagne pour Daech, après avoir établi par nos enquêteurs qu'elles avaient accès, sur Facebook, à des informations top secret, notamment aux messages codés dits «de confidentialité particulière» échangés par leurs caïds. Continuer Tous ces coups de filet réalisés grâce à l'internet sont évidemment à marquer d'une pierre blanche, car ils démontrent que l'Etat ne cafouille plus (ou presque) en se rendant enfin à l'évidence que, pour prétendre renforcer la lutte contre le terrorisme en Tunisie, rien ne vaut ce qu'on appelle aux Etats-Unis «la haute police», celle-là même dont la surveillance et l'espionnage sont au centre de sa mission, en tant qu'«instance du soupçon» (dixit Michel Foucault) qui s'intéresse à l'infime et à l'infâme, qui conduit les services idoines à collecter, accumuler, classer, traiter, conserver une masse de renseignements, avant de leur assurer le suivi nécessaire. En y croyant dur comme fer, nos services d'espionnage ayant... élu domicile sur la Toile demeurent, espérons-le, capables de ne pas s'arrêter en si bon chemin, en nous valant d'autres gibiers de poids, surtout après l'acquisition récente de nouveaux équipements technologiques sophistiqués. L'Occident dépassé ? Paradoxalement, le bilan tunisien en matière de traque des terroristes sur la Toile semble être «envié» ailleurs, notamment en Occident où des centaines de jeunes des deux sexes de nationalités européenne, américaine et australienne ont été aimantés (et continuent de l'être) par les réseaux intégristes sévissant sur Facebook et Twitter. Au point que le patron de la FBI, James Come, a exprimé dernièrement sa profonde inquiétude «face à la razzia jihadiste sur internet qui devient plus menaçante et dangereuse que sur ce qui se passe sur le terrain». Il est vrai que, selon de récentes statistiques rapportées par un bureau d'études américain, Daech compte aujourd'hui, à lui seul et rien que sur Twitter, quelque 45 mille sites twittant en arabe et en anglais et attirant, en moyenne, pas moins de 1.200 sympathisants par site ! En Turquie, le Parlement a mis le holà, en votant, fin mars dernier, et pour la première fois, une disposition qui autorise le gouvernement à bloquer un site internet suspect sans décision de justice, alors que la France, deux mois après les attentats de janvier dernier à Paris, a dû lancer un projet de loi visant à renforcer les moyens des six services de renseignements dans la lutte antiterroriste, et cela en les autorisant, sans passer par la justice, à effectuer en toute légalité des «interceptions de sécurité» portant sur les contenus des e-mails et des conversations téléphoniques. Aux Etats-Unis, et depuis l'instauration du fameux «Patriot Act» en référence aux lois antiterroristes promulguées au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, on est allé jusqu'à exercer un contrôle des plus sévères des produits cryptologiques à l'exportation, étant donné que, techniquement, la cryptologie évoque le monde des codes secrets et un univers obscur et feutré. Entre-temps, il court, il court Daech...