Par Moncef KAMOUN* Notre pays, qui a réussi sa révolution, s'est trouvé dans une situation particulièrement difficile et, ceci, suite aux nombreuses erreurs commises par les gouvernements post-révolution et notamment ceux de la Troïka, même les questions qui ont été à l'origine du soulèvement populaire, sont loin de trouver des réponses convaincantes. Les dernières élections ont été considérées par les Tunisiens comme le rendez-vous historique pour repenser les systèmes économique, social et politique et pour mettre le pays sur les rails de la démocratie, mais on se rend compte que notre classe politique est incapable d'être adulte et responsable. les Tunisiens sont aujourd'hui perdus devant ces débats politiques, creux et peu féconds, et sont gagnés par la désillusion et ont fini par perdre leurs repères, ils attendent que les promesses faites soient tenues et que leur vie quotidienne se trouve améliorée, mais notre pays sombre dans le doute. Face à ces grandes attentes et à la déception, le gouvernement aujourd'hui navigue à vue, ne communique pas, laisse des zones d'ombre partout où il passe à des citoyens déjà inquiets. Aujourd'hui , on a l'impression que personne ne bouge, et ceux qui pensent agir finissent par se perdre en gesticulations. La stratégie et l'effort du gouvernement sont loin d'être à la hauteur des enjeux. A présent, et souffrant d'une perte de sa crédibilité, le gouvernement semble être déconnecté des réalités des citoyens et manque de courage et d'audace pour faire face à la situation. Un électrochoc est aujourd'hui nécessaire pour relancer la machine. Il est temps pour annoncer une série de mesures chocs de nature à sauver des secteurs sinistrés. Le gouvernement est aujourd'hui dans l'obligation d'agir en toute urgence et dans tous les sens et de réfléchir, décider et mettre en action de nouvelles orientations parce que, en politique, il n'y a que le résultat qui compte et le résultat est aujourd'hui tout à fait médiocre. Il faut qu'il comprenne que gouverner, ce n'est pas une technique de gestion. Nous avons besoin aujourd'hui de responsables qui savent inventer, innover, décider et informer et non gérer des affaires et équilibrer des comptes. Tout est trop lent, cela devrait aller beaucoup plus vite, car il faut bouger ou dégager. Il est également urgent qu'un horizon soit enfin déterminé par le gouvernement, afin d'éclaircir sa politique et ses objectifs. Tout retard dans la thérapie engendrera des traitements encore plus lourds. S'il continue à hésiter sans rattraper le retard critique, le gouvernement serait acculé à plier bagages parce que le citoyen n'attend certainement pas encore longtemps avant de se lever, une fois encore, car à ce rythme la Tunisie avance vers une catastrophe annoncée. Le chef du gouvernement ne peut se contenter de suivre la volonté indécise et fractionnée des partis politiques, il doit remanier son gouvernement pour le rendre plus homogène, avec pour priorité une gestion de l'économie qui soit cohérente et rationnelle. Aujourd'hui, chaque ministre qui voit que son département ne donne pas de résultat concret pour le pays et le peuple doit démissionner. Toute personne qui se porte candidate à un poste ministériel est dans l'obligation d'évaluer ses compétences par rapport à cette situation particulière. La Tunisie n'a plus le droit à l'erreur et chaque minute compte. Il faut avoir le courage de dire la vérité, toute la vérité. Comme il est impossible dans le contexte actuel d'offrir des postes d'emploi à tous les chômeurs, d'augmenter les salaires des fonctionnaires et de programmer même une baisse du déficit budgétaire, il faut savoir trouver les solutions et bien les communiquer et demander une trêve sociale afin de créer les conditions optimales d'une relance effective du pays. Il faut savoir aussi que la réussite de cette trêve nécessite un consensus entre les différents partis et surtout entre les partenaires sociaux, à savoir l'Ugtt et l'Utica. L'efficacité d'un gouvernement dépend de son pouvoir de motivation. Il est urgent que le pessimisme ambiant se voit compensé par un optimisme justifié afin d'éviter tout échec. Le gouvernement doit et sans délais faire un effort en matière de création d'un environnement propice aux investissements permettant de renforcer l'implication des opérateurs privés dans le développement. Il faut promouvoir l'investissement privé parce qu'il est inacceptable que celui-ci reste instable pénalisant ainsi la croissance et l'emploi. L'investissement, qu'il soit économique, matériel ou immatériel, financier ou non financier, est un moyen essentiel par lequel une société construit son avenir. Si au niveau du rétablissement de la sécurité des actions importantes ont été accomplies, pour tout le reste, c'est-à-dire l'économie, le social, les finances, l'éducation, la santé, la jeunesse et l'emploi rien ou presque n'a été fait durant ces quatre mois. Enfin, il est important de rétablir l'image de la Tunisie au niveau international et, surtout, renouer nos bonnes relations avec les bailleurs de fonds; ce que semblent ignorer beaucoup de nos hommes politiques, c'est que les besoins financiers actuels de la Tunisie sont très importants, rendant notre recours aux organismes, tels que la BAD, BM, BEI, FMI, des pistes nécessaires et déterminantes. Les difficultés auxquelles a fait face la Tunisie durant les quatre dernières années ont souvent donné l'impression que les choses dérapent et deviennent de plus en plus hors de contrôle. Un sentiment qui a poussé ces organismes à revoir leurs plans de financement. Le gouvernement doit chercher à redonner l'image d'un pays en marche et capable de remonter la pente. * Architecte