Par M'hamed JAIBI Les caisses sociales connaissent en Tunisie un déficit désormais chronique, puisque structurel, en étroite liaison avec l'inversement de la pyramide des âges qui fait que les retraités deviennent trop nombreux par rapport aux travailleurs actifs qui versent leur cotisation. Ce problème n'est pas spécifique à la Tunisie, mais se retrouve dans plusieurs pays, souvent en rapport avec l'amélioration de l'espérance de vie. Et nombre de ces pays ont fini par recourir à un recul de l'âge légal de départ à la retraite. Une mesure que la Tunisie ne cesse d'envisager depuis l'année 2008 sans se décider. On oscillait entre 62 ans et 65 ans, mais l'Ugtt s'opposait totalement à ce recours et s'attachait au dogme historique des 60 ans. En retenant récemment l'idée proposée par le programme économique et social de Nida Tounès, d'un recul optionnel volontaire revenant au salarié lui-même, le ministre des Affaires sociales et le gouvernement pensaient répondre à plusieurs impératifs à la fois, sans froisser l'Ugtt. Car, tout en bouchant le fameux «trou» des caisses sociales, la mesure permettrait aux retraités «bien conservés» d'éviter une oisiveté de plus en plus contrariante qui les livre, du matin au soir, aux jeux de cartes et à la chicha, dans les cafés de quartier. Mais l'Ugtt fait campagne contre et refuse autant l'augmentation des cotisations sociales que le recul de la retraite, fût-elle à l'initiative du travailleur. Hier, à Sfax, lors d'une conférence liant réforme fiscale et déficit des caisses, organisée par l'Union régionale de l'Ugtt, Houcine Abassi a estimé que le déficit budgétaire des caisses ne devait pas être résolu «ni aux dépens des salariés ni aux dépens des entreprises», mais par une «diversification des sources de financement», avec des «solutions d'urgence» et d'autres à «moyen terme». Contrairement à ce qu'il a appelé les «solutions instantanées» ou «de rafistolage» qui ne feraient, selon lui, qu'accentuer la crise. La conférence, qui traitait de «la réforme fiscale face aux problèmes des caisses sociales», imputait à une certaine réforme fiscale idéalisée la tâche de résoudre tous les déficits et de donner à l'Etat les moyens permettant de répondre à toutes les revendications salariales. Une manière de reprendre, à l'adresse du gouvernement, le célèbre slogan communiste : «Prenez l'argent là où il se trouve !», soit chez les riches et par le biais d'une «fiscalité équitable». Mais cette fiscalité alternative, que la plupart des forces politiques et sociales appellent de leurs vœux, reste à identifier. A cause de la complexité des impératifs et des risques qui y sont liés, et malgré les premières mesures déjà engagées par le gouvernement. Et puis, quelle qu'elle puisse être, la réforme fiscale ne saurait être miraculeuse. Surtout pas à l'égard d'un «trou» des caisses dont les remèdes sont universellement répertoriés et ont fait leur preuves.