Par Brahim OUESLATI Encore une fois, certains médias sont tombés dans l'irréparable, dans le traitement du crime macabre du jeune Mabrouk Soltani, décapité, sans pitié, par un groupe terroriste. Cette course effrénée à l'audimat et au buzz et cette concurrence, parfois, impitoyable, entre les chaînes de télévision ont été derrière plusieurs dérapages. Au nom du principe sacro-saint de la liberté d'expression, certains animateurs n'ont pas hésité à inviter des individus soupçonnés de terrorisme, des membres de leurs familles ou encore leurs avocats qui en ont profité pour propager leur idéologie et faire passer des messages codés. Les exemples sont légion et les images de cet ancien porte-parole du groupe terroriste Ansar Echaria exhibant un linceul en direct sur une chaîne privée avait à l'époque frappé les esprits. Ou encore la médiatisation du rassemblement de ce même groupe à Kairouan et tout dernièrement la couverture du congrès du parti Attahrir, sous prétexte qu'il est un parti légal. Eviter de jouer le jeu des terroristes Les médias ont pour devoir d'informer. Mais c'est au niveau du traitement de l'information que cela grince. Le côté tragique et choquant, les crimes macabres et les actes terroristes les plus spectaculaires fascinent un large public. Ce faisant, ils rendent indirectement service aux organisations terroristes qui exploitent, de manière vicieuse, cette dynamique pour médiatiser leurs actes et créer un sentiment de peur et de phobie chez les populations. L'exécution des deux bergers Nejib Gasmi, à Kasserine, et Mabrouk Soltani, à Sidi Bouzid, est un message clair adressé aux populations. Toute velléité de « compromission » avec les services de police coûtera la vie à ses auteurs. Certes, le terrorisme ne doit pas affecter la liberté d'information. Le public a le droit d'être informé sur les actes et les menaces terroristes et les réponses données par l'Etat. « La lutte contre le terrorisme ne devrait pas servir d'excuse aux autorités pour restreindre la liberté de la presse. De leur côté, les journalistes devraient éviter de jouer le jeu des terroristes par une course effrénée à l'information et aux images sensationnalistes ». Mais, ce qui est répréhensible, voire inacceptable, c'est le déballage médiatique qui suit chaque opération terroriste avec la présence de personnes qui, sous le couvert des droits de l'homme, tentent de blanchir le phénomène et de lui trouver des excuses. Etat d'urgence chez nous et ailleurs Immédiatement après les attaques terroristes commises à Paris, le président français a décrété l'état d'urgence sur tout le territoire. Institué par une loi qui date d'avril 1955 promulguée en pleine guerre d'Algérie, il signifie que « certains lieux seront fermés, la circulation pourra être interdite et il y aura également des perquisitions qui pourront être décidées dans toute la région parisienne ». Une restriction des libertés pourrait être imposée par les autorités publiques. Ces mesures ont obtenu l'adhésion de toute la classe politiques française et François Hollande a reçu tous les dirigeants des partis dont ses plus farouches adversaires, Nicolas Sakozy et Marine Le Pen, qui ont soutenu les décisions prises, estimant que « l'état d'urgence dans lequel se trouve la France n'est pas un terme à prononcer avec légèreté ». Devant l'intérêt supérieur de la nation et les menaces qui la guettent, toutes les divergences doivent être dépassées. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Dans le pays des droits de l'Homme, l'une des plus vieilles démocraties au monde, les décisions du chef de l'Etat français ont été favorablement accueillies et n'ont soulevé aucune protestation, ni hostilité. Ce qui, malheureusement, n'a pas été le cas en Tunisie quand le président de la République Béji Caïd Essebsi avait décrété l'état d'urgence après l'attentat terroriste de Sousse qui avait fait 39 victimes. Sa décision a été interprétée par certains dirigeants politiques et des défenseurs des droits de l'Homme et de la liberté d'expression comme un moyen de resserrement de « la vis sécuritaire ». Ils avaient même forcé la main au gouvernement pour organiser des marches de protestation contre le projet de loi de réconciliation économique et financière qui n'avaient, en fin de compte, rassemblé que quelques centaines de participants. Le propre des attentats terroristes est de provoquer la confusion, de créer un climat de suspicion, de peur et de troubles. Ils n'en constituent pas moins une occasion pour bien exploiter le drame, resserrer les rangs et mettre à profit le soutien international. Mais en aucun cas, il ne faut pas que la défense des libertés servent de prétexte aux médias et aux autres droit-de-l'hommistes pour devenir des complices tacites des terroristes et que « la machine médiatique fonctionne à l'envers ». Le terrorisme, faut-il le rappeler, n'a-t-il pas profité, au cours des dernières années, du laxisme de l'Etat, de la connivence de certaines parties et de la compromission d'autres pour s'installer à l'intérieur de la maison Tunisie ?