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Un monde plus que jamais à reconstruire (II)
Opinions - En marge de la célébration du 70e Anniversaire (1945-2015) - L'Unesco à l'aube du XXIe siècle
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 11 - 2015


Par Dr Mohieddine HADHRI (*)
Dans ce second volet l'auteur — après avoir retracé le parcours de l'Unesco depuis sa fondation en 1945 — analyse les grands défisculturels auxquels cette organisation internationale est confrontée à l'heure de la mondialisation envahissante et des crises internationales multiformes. Il plaide surtout pour un nouveau partenariat culturel global pour le XXIe siècle et pour une «alliance des civilisations» pour la survie du genre humain.
En ces temps difficiles, marqués par l'incertitude de la conjoncture politique et économique internationale, mais aussi par la résurgence des facteurs religieux et identitaires, plus que jamais le dialogue entre les cultures et les civilisations s'impose comme une matrice essentielle des activités et des stratégies culturelles de l'Unesco dans les années à venir. «Dialogue de cultures ou choc de civilisations?». Ce sont là les deux leitmotivs, les deux termes de l'équation difficile dont dépendra l'avenir des rapports internationaux dans leur globalité.
Certes, André Malraux, le grand écrivain français, avait prophétisé dès les années cinquante que le XXe siècle sera marqué par le retour du spiritualisme succédant aux excès du matérialisme du XXe siècle. L'histoire de ces dernières années avec la résurgence des mouvements religieux et les tendances théocratiques un peu partout dans le monde semble lui donner raison.
D'ailleurs, dans ce contexte de crise, le monde arabo-islamique s'est trouvé plongée à tort ou à raison au cœur d'une tempête idéologico-culturelle que les théories tendancieuses de Samuel Huntington, celles de la fin de l'histoire et du choc des civilisations, avaient déjà implicitement annoncée dès le début des années 1990, en accréditant les thèses d'un face-à-face Islam-Occident.
D'où les grands défis qui se profilent à l'horizon dans bien des régions et continents, au Sud comme au Nord, en Orient comme en Occident : ceux de l'intolérance, de l'extrémisme et des replis identitaires ; autant de phénomènes pour le moins paradoxaux à l'ère de la mondialisation des moyens de communication et de transport.
Dès lors, dans ce monde en transition et en quête de nouveaux repères, l'Unesco a un rôle crucial à jouer en encourageant la mise en valeur des ressources humaines, en aidant au développement ou au renforcement des savoir-faire locaux et en incitant la communauté internationale à investir dans la créativité humaine, c'est-à-dire dans la production, l'acquisition, le transfert et le partage des connaissances.
C'est dans cet esprit d'ailleurs que le plan à moyen terme pour 1990-1995 réaffirmait le rôle unique de l'Unesco et l'importance «des travaux que seule l'Organisation peut mener à bien, c'est-à-dire des projets interculturels requérant une coopération culturelle internationale». Le plan faisait montre d'une conscience aiguë de la situation contemporaine dans le monde, qu'il résumait comme suit :
- l'interdépendance accrue des cultures et des économies, accélérée par le développement des moyens de transport et de communication modernes, qui favorise le sentiment d'appartenance à une culture universelle;
- l'affirmation également croissante des spécificités et des identités culturelles;
- la persistance, voire la recrudescence, de tendances au repli sur soi et de préjugés culturels s'opposant à la coopération internationale;
- le développement de sociétés pluriculturelles, qui rend plus complexe, tout en l'enrichissant, l'affirmation des identités culturelles».
La Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée à l'unanimité au lendemain des événements du 11 septembre 2001, en élevant la diversité au rang de "patrimoine commun de l'humanité", opposait aux "enfermements fondamentalistes la perspective d'un monde plus ouvert, plus créatif et plus démocratique". Le paradigme éthique de la "diversité en dialogue" prenait le contrepied de la thèse de Samuel Huntington sur l'inéluctabilité du "choc des cultures et des civilisations".
Pour la première fois, la diversité culturelle a été reconnue comme «patrimoine commun de l'humanité», dont la défense a été jugée un impératif éthique et concret, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. La notion de «diversité» rappelle que la pluralité est le vivier nécessaire des libertés, que le pluralisme culturel constitue de ce fait la réponse politique au fait même de la diversité culturelle, et qu'il est indissociable d'un cadre démocratique.
L'extension du processus de mondialisation, bien que constituant un défi pour la diversité culturelle, crée les conditions d'un dialogue renouvelé entre les cultures et les civilisations, en respectant leur égale dignité, basée sur les droits de l'Homme et les libertés fondamentales. Sur la base du rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement Notre diversité créatrice (1996), du plan d'action adopté par la Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le développement (Stockholm, 1998), ainsi que de la Déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle (2001), l'Unesco continuera à préconiser qu'un rôle majeur soit donné à la culture dans les stratégies de développement nationales et internationales.
En un mot, à l'aube du XXIe siècle, le monde est marqué par la proximité et l'interdépendance nées de la communication instantanée, de la diffusion de la science et de la technologie et de l'émergence d'un système économique et commercial mondial. De ce fait, la communauté mondiale n'est plus une simple hypothèse ou une vue de l'esprit. La réalité d'aujourd'hui est que l'humanité vit désormais au stade de village planétaire.
Créer un monde plus solidaire, tel est désormais le défi que l'humanité doit relever, telle est la mission que l'Unesco est appelée à y contribuer. Un monde dans lequel les valeurs de justice et d'égalité seraient mieux respectées, un monde de partage et de respect mutuel où le bien-être individuel se mesure à l'aune de la contribution de chacun à la prospérité de tous. Pour y parvenir, de nombreux penseurs et philosophes européens, dont notamment le philosophe français Edgar Morin, n'ont pas hésité à proclamer que « le monde est plus que jamais à reconstruire».
Des passerelles et des ponts et des culturels à reconstruire dans le monde de demain
Jamais le concept de reconstruction n'a été autant sollicité par les universitaires, les écrivains et les hommes politiques de par le monde qu'il ne le fut au cours de ces dernières années. Point n'est besoin de dire que l'enjeu est aujourd'hui énorme, celui de l'avenir de la paix, de la stabilité internationale. L'objectif est clair : réduire la fracture, l'incompréhension, les disparités, qu'elles soient économiques, politiques ou culturelles. A cet égard, cinq axes d'orientation nous paraissent essentiels et constituent autant de piliers sur lesquels devrait reposer tout projet de reconstruction de l'édifice des relations internationales pour le XXIe siècle, à savoir :
Reconstruire l'héritage d'Abraham autour du message monothéiste en Méditerranée en relançant toutes formes de dialogue entre les trois religions monothéistes, à savoir le judaïsme, le christianisme et l'islam. A cet égard, la consolidation et la relance du projet méditerranéen de l'Unesco s'avère nécessaire au progrès de la Méditerranée, considérée à juste titre comme un bassin d'échanges millénaires, un lieu complexe et emblématique de contact entre les cultures, un foyer permanent d'interaction et de dialogue entre les cultures européennes et islamiques.
Consolider les facteurs de compréhension, politique et culturel entre le Nord et le Sud et tout particulièrement entre l'Europe et l'Afrique en ressuscitant les principes du dialogue Nord /Sud dans le domaine politico-culturel.
Souligner les dynamiques de «ponts culturels» entre l'Orient et l'Occident. l'Islam et l'Occident et promouvoir la stratégie des alliances de civilisations engagée par les Nations unies en 2004.
Concevoir au sein de l'Unesco une stratégie de nouveau partenariat culturel international pour le XXIe siècle autour duquel pourraient s'agréger une série d'initiatives culturelles et de projets fédérateurs dans de nombreux domaines d'activités, une sorte de nouveau Plan Marshall de la culture. Il s'agira d'œuvrer pour que ces rêves d'universalisme poursuivis par Huxley et James Torres Bodet pour l'avènement d'une communauté culturelle mondiale deviennent un jour réalité.
Cultiver un nouvel humanisme universel en investissant encore et toujours dans la valorisation des grandes œuvres du patrimoine culturel de l'humanité, que ce soit dans le domaine archéologique, religieux, artistique et scientifique en exhumant les personnages et les symboles tout comme les valeurs communes qui ont contribué au rapprochement entre les peuples et les nations, l'objectif étant de contribuer à combler le grand déficit culturel dont souffrent encore les relations internationales contemporaines.
A l'issue de cette analyse rétrospective, serait-il prétentieux de considérer que l'histoire de l'Unesco se confond d'une certaine manière avec celle de la société internationale contemporaine, éclairant les principales transformations survenues au cours de la seconde moitié du XXe siècle ? On serait tenté de le croire à la lumière des travaux des trois premiers colloques organisés par le Comité scientifique international du projet d'histoire de l'Unesco à Londres (2009), Dakar (2009) et Heidelberg (2010), lesquels ont largement démontré que l'Unesco a été à la fois le théâtre de compétitions idéologiques et politiques entre l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud, mais en même temps une tribune unique pour de nombreux acteurs transnationaux, une plateforme idéale pour la promotion des idéaux éducatifs et culturels universels.
En effet, à l'examen des principales étapes et les faits saillants de l'histoire de l'Unesco, on se rend compte aisément des profondes modifications de la société internationale sous l'effet des innovations scientifiques, technologiques mais aussi des avancées politiques majeures avec la décolonisation, la fin de l'apartheid, la fin du communisme ouvrant la voie à la liberté et la démocratie pluraliste en Europe de l'Est.
A cet égard, l'Unesco a représenté dans le passé et représente encore dans l'immédiat, comme dans le futur, un véritable laboratoire, une plateforme incontournable pour tester les chances du dialogue interplanétaire dans le contexte de l'ordre international complexe et difficile, à la naissance duquel nous assistons en ce début du siècle.
C'est, en effet, à l'Unesco que s'élaborent et se renforcent, depuis des décennies, les activités visant à promouvoir le dialogue des cultures, l'alliance et le dialogue des civilisations, ainsi que le dialogue interreligieux, qui sont les fondements essentiels de la paix dans notre monde d'aujourd'hui. Si l'importance du rôle de l'Unesco dans la démocratisation de l'éducation, de la science, de la culture et de la communication n'est plus à démontrer, ce qui manquerait, c'est proposer, en définitive, de fonder un nouvel humanisme dont l'un des principes fondamentaux serait de concevoir pour le XXIe siècle une nouvelle ère de paix et de coexistence, de développement durable et de dialogue de civilisations.
A l'heure où la communauté internationale célèbre le soixante-dixième anniversaire de la fondation de l'Unesco, la Tunisie, qui a toujours développé une coopération exemplaire avec cette organisation internationale, ne peut que saluer cet évènement marquant et se joindre au concert des nations pour jeter les bases d'un partenariat culturel global à l'échelle planétaire, mieux pour la mise en place d'une «alliance des civilisations» pour un monde meilleur pour le XXIe siècle.
* Membre du Comité scientifique international du projet d'histoire de l'Unesco à Paris.


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