Poète voyageur, Ahmed Al Chahawi sillonne les horizons lointains et ne tarde jamais à revenir avec du nouveau. Quand on évoque la femme dans la littérature arabe, on évoque forcément son nom et ses nombreux recueils qui lui sont dédiés. Ahmed Al Chahawi est un poète égyptien qui a obtenu de nombreux prix internationaux dont celui de l'Unesco en 1995 et le «Prix Kavafis» en 1998. Ses poèmes ont fait l'objet de recherches dans le cadre de différents mastères et doctorats dans des universités arabes et égyptiennes. Ils ont également été traduits dans plusieurs langues. Ses recueils s'intitulent Deux prières pour la passion, Livre de la passion, Une seule porte et plusieurs maisons ou encore Le livre de la mort. Le ton osé de ses vers en fait un poète controversé. A l'occasion d'une interview parue dans l'hebdomadaire égyptien Al Qahira, Ahmed Al Chahawi s'est confié à la journaliste Rajia Hamdi sur son parcours artistique qui le met toujours au cœur de la polémique. Le passage par son village natal Kafr Al Mayasra semble inévitable. «Tous les villages, ne se ressemblent pas» dit-il, et d'ajouter: «Malgré mes nombreux voyages,je garde toujours en moi les images de cet endroit où j'ai vécu mon enfance et mes premiers poèmes. Même plus tard, ma poésie est restée imprégnée des spécificités de cet endroit entouré des trois côtés par le Nil». A Kafr Al Mayasra, Ahmed Al Chahawi a vécu son souvenir le plus douloureux, le décès de sa mère Nawal Issi à l'âge de 25 ans, alors qu'il en avait à peine 4. A travers le nom de cette femme à qui il dédie ses recueils, il désire honorer toutes les mères que les poètes gardent dans l'ombre et dont ils évitent de citer les noms à cause des tabous et des traditions. Il appelle au passage à une relecture de son œuvre, vu que les critiques ont souvent lié leurs contenus au souvenir de cette femme alors qu'il n'en et rien. Concernant ses 20 ans de carrière et son vécu en général, Ahmed Al Chahawi les décrit comme «un livre à plusieurs pages». Etre poète est selon lui un mode de vie qui se traduit par la lecture des œuvres majeures de toutes les civilisations et les cultures, dans la solitude et la recherche de soi et dans les voyages. «Ma poésie reste le premier indicateur de mon évolution. Mes œuvres sont mon curriculum vitae, elles traduisent mon rapport à la poésie, à la langue, à la femme, à la religion et à tout ce qui est essentiel à mes yeux». Ahmed Al Chahawi se considère tout le temps comme un débutant dans ses recherches textuelles. C'est, selon lui, ce qui assure la continuité et la créativité. La simplicité des mots et la fertilité des images représentent sa perpétuelle quête. «Tout poète doit aller au-delà de son instinct et embrasser la connaissance sous toutes ses formes pour donner une œuvre complète», affirme-t-il. D'ailleurs, il s'essaye depuis 2009 à la peinture et va entamer une série d'expositions qui fera le tour de quelques pays arabes ainsi que Paris et les Etats-Unis. L'aventure de Ahmed Al Chahawi avec les polémiques et la censure date de la parution de son premier recueil Deux prières pour la passion et continue jusqu'à aujourd'hui. Elles sont alimentées par la récurrence de la religion dans ses poèmes, souvent contestés par des organismes religieux qui sont allés jusqu'à l'accuser de mécréance. Il en pense la chose suivante : «Ce débat est hors-texte. Ce qui me permet de progresser est un débat qui puise directement dans mes poèmes et j'ai trouvé ça dans les avis de divers critiques et poètes qui ont relevé des aspects intéressants de mon œuvre». La diffusion de par le monde de la poésie arabe en général et celle d'Ahmed Al Chahawi, en particulier, passe certes par la tradition dans plusieurs langues et la présence dans des festivals internationaux, mais ce n'est pas aussi simple. «Souvent, explique le poète, la mauvaise qualité de la tradition empêche les œuvres d'être remarquées et de laisser leurs empreintes à l'instar de celles de l'Occident. C'est un travail de longue haleine qui donnera ses fruits à long terme». La femme est au centre de l'œuvre d'Ahmed Al Chahawi. Ce dernier déplore ceux qui en font juste un prétexte pour écrire, sans passion et sans sensations imaginatives. «Je poétise la femme et non sur la femme», ajoute-t-il. D'après lui, la femme est un sujet d'inspiration et non une finalité absolue de tout exercice de poésie…