Une doctrine socialiste et une politique d'ouverture économique : une union qui a réussi et qu'on aurait pu considérer comme hasardeuse De notre envoyée spéciale en Chine, Imène HAOUARI La politique de réforme et d'ouverture économique qui a été adoptée par ce pays au cours des dernières décennies lui a permis de devenir la première puissance économique en enregistrant le PIB le plus élevé du monde. A seize heures de vol de la Tunisie et s'étendant sur une superficie de 9.597.000 km2 : la Chine, l'une des plus puissantes économies du monde, sinon la plus puissante. La dernière crise mondiale n'a pas eu d'impact sur ce pays qui a continué, malgré la récession, à enregistrer un taux de croissance constant. Alors que les pays européens, fortement ébranlés, adoptaient des politiques de restriction budgétaire, les métropoles chinoises ont poursuivi leur rythme de croissance à l'aune de la politique nationale de réforme et d'ouverture économique adoptée et qui s'est traduite par un boom économique des plus spectaculaires. Dans Pékin, la capitale, les signes extérieurs de richesse s'affichent sans exubérance. Tout le long des larges avenues bordées d'arbres, d'impressionnants buildings aux formes épurées dressent leur imposante silhouette en verre, donnant l'impression au visiteur de frôler le ciel. Le soir, ils illuminent le ciel sombre dans une myriade de couleurs, conférant à la ville une ambiance féerique. A Pékin, comme ailleurs, le peuple chinois a compris qu'il faut travailler dur pour pouvoir figurer en haut de la liste des pays économiquement avancés. Ils en ont fait une mentalité, un mode de vie, une façon d'être et de se comporter. Cette année, l'hiver a pris très tôt ses quartiers dans la cité, la température a chuté brutalement en cette fin octobre et il a neigé sans interruption sur la ville. Cela n'a pas découragé les Pékinois de se rendre régulièrement et ponctuellement à leur travail. Réputés pour leur sérieux et leur rigueur, il n'est surtout pas question pour eux d'arriver en retard, préférant les transports en commun (métro et bus) à la voiture, pour éviter les embouteillages fréquents; un des résultats de l'urbanisation massive qu'a connue la ville au cours des quarante dernières décennies. Politique de réforme économique En effet, animés d'un sens de patriotisme aigu, tous les Pékinois et les Chinois, en général, partagent la même devise, s'inspirant de la pensée de Confucius qui place le travail au centre de la vie des adeptes de cette doctrine. Mais ce sont les leaders du Parti communiste chinois (PCC), Zhou Enlai et Den Xiao Ping, qui ont réussi, là où a échoué Mao Zdong, à savoir insuffler chez la population chinoise, vivant autant dans les villes qu'à la campagne, un profond sens de l'abnégation, du devoir envers leur pays et surtout l'amour du travail, ce qui a permis aisément à ces deux dirigeants d'engager les profondes politiques de réforme économique et sociale qui ont totalement métamorphosé la société chinoise, la hissant en quelques années au rang des puissances mondiales. Après la mort de Mao qui laissa derrière lui une société chinoise profondément marquée par les échecs du «Grand bond en avant» et de la «Révolution culturelle», Den Xiaoping arriva au pouvoir et mit en place, à la fin des années soixante-dix, la politique de modernisation de la Chine dans les domaines militaire, de l'agriculture, de l'industrie et des sciences, grâce à laquelle le pays allait connaître une période de développement et de croissance sans précédent. Paradoxalement, il fait de sorte que le PCC garde la mainmise sur tous les secteurs vitaux avec ce que cela suppose comme limitation des libertés individuelles, tout en optant pour une politique d'ouverture basée sur une économie socialiste de marché. Calquée sur le modèle soviétique, l'équation production-investissement-exportation fonctionne à merveille. Au cours des années suivantes, la Chine allait enregistrer des taux de croissance records et un PIB élevé qui la classeront parmi les pays les plus riches et les plus développés, juste après les USA. Aujourd'hui bien que la croissance de ce pays ait connu un léger fléchissement, les signes extérieurs de la richesse et du niveau de développement atteint par la capitale se reflètent à travers les hautes bâtisses en verre qui ont poussé comme des champignons, l'infrastructure ultra moderne et le réseau dense de transport qui a été implanté afin d'assurer des liaisons rapides entre les grandes villes industrielles. En effet, la Chine, dans sa volonté constante de vouloir surpasser les grandes villes occidentales, a réalisé de grandes avancées en matière de moyens de transport moderne, efficaces et rapides qui ont permis aux grandes métropoles du pays de réaliser un gain de temps précieux pour le transport des citoyens, des produits et des marchandises. Grâce à ses structures de recherche et de développement et à ses programmes technologiques, la Chine a notamment conçu en 2006 le premier train à lévitation magnétique, silencieux, moderne, efficace et très rapide (jusqu'à 600 km/heure). Faire participer les PME au développement du pays Afin de se maintenir sur la courbe de la croissance, la Chine veut aujourd'hui pousser les PME (petites et moyennes entreprises) à participer davantage aux efforts de développement économique du pays. «Par le passé, l'Etat a joué un rôle important dans la répartition des biens. Le gouvernement a misé sur la production et les investissements qui ont augmenté, chaque année, de 10% dans les secteurs de l'industrie et de l'infrastructure de base. La capacité de production a connu une hausse dans plusieurs secteurs. Aujourd'hui, l'Etat veut encourager la consommation et faire participer davantage le secteur privé, notamment les PME, à la hausse du taux de croissance et du PIB. Les revenus qui proviennent de ces entreprises, dont la réussite est basée sur les innovations technologiques, doivent alimenter l'économie chinoise et permettre une meilleure répartition des biens entre les zones riches et les zones pauvres», déclare un responsable du ministère des Affaires étrangères à un groupe de journalistes des pays du Golfe et du Maghreb, invités à visiter la Chine la semaine dernière. Les grandes compagnies nationales ont largement contribué, de leur côté, à doper l'économie chinoise au cours des dernières décennies. Elles sont installées dans des métropoles comme Qingdao ou Shenzhen qui ont grandement profité des grandes politiques de réforme et d'ouverture économique engagées par le gouvernement de Deng Xiao Ping. Ces industries conçoivent des produits qui s'écoulent sur le marché local et qui s'exportent bien à l'étranger. Basée à Qingdao, une cité située sur la côte Est chinoise, peuplée de neuf millions 46 mille habitants, qui a réussi son boom économique, la CSR Qingdao Sifang Company, qui emploie dix mille personnes, conçoit des tramways et des trains à grande vitesse qu'elle vend dans une vingtaine de pays. Pour améliorer la qualité de ses produits, l'entreprise s'appuie essentiellement sur le travail de son département recherche et développement qui a recours aux nouvelles technologies pour effectuer des recherches dont les résultats permettent de mettre au point et concevoir des produits de très haute qualité. En 2014, la compagnie a livré à Honk Kong 774 rames de métro. A Shenzhen, une grande métropole située au sud du pays, une autre compagnie a connu une succes story similaire : Huawei, le grand fabricant chinois de smartphones devenu un des leaders mondiaux en téléphonie. La compagnie, qui a réalisé en 2014 un chiffre d'affaires de 288, 197 milliards de yuans (46,5 milliards d'euros), prévoit de passer à l'internet 5e génération en 2020. Toutes ces compagnies sont le fruit d'une politique conduite par des dirigeants qui ont su faire les bons choix, réussissant notamment à faire perdurer jusqu'à aujourd'hui une union qui aurait pu être hasardeuse, sinon contradictoire, entre une doctrine socialiste et une politique d'ouverture économique locale et sur le monde.