L'Association des magistrats tunisiens soutient encore le projet initial du gouvernement, même après son abandon par le ministère de la Justice L'Association des magistrats tunisiens a organisé, hier, une conférence de presse à la bibliothèque du tribunal de première instance de Tunis pour commenter et, surtout, afficher un soutien clair aux décisions de l'Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de loi en ce qui concerne la non-constitutionnalité du projet de loi portant création du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). La présidente de l'association, Raoudha Garafi, a considéré que l'instance a fait l'objet d'une grave campagne de dénigrement dans le but de l'affaiblir et de la décrédibiliser. « Ces agissements ne vont pas dans le sens de la construction d'un Etat de droit, d'un Etat démocratique et ne rassurent guère les observateurs étrangers quant à la transition démocratique. Il faut savoir que l'un des critères utilisés pour mesurer le niveau de la démocratie dans un pays est le degré de respect des décisions des institutions », a tenu à dire Raoudha Garafi. Sur le fond, l'AMT a appuyé la décision de l'instance tout en refusant que la commission de législation générale, ou les députés, retournent au point de départ en optant pour un nouveau projet de loi. Selon la présidente de l'association des magistrats, l'instance est claire à ce sujet : « le projet présenté par la commission de législation générale en séance plénière est très différent, dans sa philosophie et sa vision, du projet de loi présenté par le gouvernement. Il faut revenir au projet présenté par le gouvernement le 12 mars 2015, car il contient une philosophie qui n'existait pas dans le projet de la commission. Celle-ci, a ajouté la présidente de l'association, s'est octroyée le droit de présenter, de son propre chef, une initiative législative, chose qui n'est pas prévue par l'article 62 de la Constitution ». Le ministère de la Justice abandonne Bien que le ministère de la Justice ait adressé une lettre à l'Assemblée des représentants du peuple, dans laquelle il abandonne son projet de loi et déclare adopter celui présenté en séance plénière par la commission de législation générale, l'AMT campe sur sa position et juge illégal ce processus. « Selon la Constitution, le gouvernement peut à tout moment décider de retirer son projet de loi à condition qu'il n'ait pas encore atterri en séance plénière, précise Raoudha Garafi. Une fois examiné en plénière au parlement, le gouvernement n'a plus le droit d'intervenir ». Interrogée sur la question des prérogatives du pouvoir législatif et du travail de la commission de législation générale, Garafi a considéré que le rôle de la commission de législation générale consiste exclusivement à revoir les formulations des articles pour dénicher des éventuelles aberrations et veiller à ce que le texte présenté par le gouvernement soit en adéquation avec la constitution tunisienne. De son côté, Hamdi Mrabet, membre du bureau exécutif de l'association a regretté que la loi de finances n'ait pas prévu un budget conséquent pour le Conseil supérieur de la magistrature, consacrant son indépendance financière. « Les tribunaux sont encore considérés comme de simples services sous tutelle du ministère de la Justice, nous manquons de moyens adéquats garantissant aux justiciables un meilleur suivi de leurs dossiers, a-t-il ajouté. Au vu du budget qui lui est alloué, le CSM ne sera en fait indépendant que sur le papier ».