Récolte des céréales 2025 : plus de 9,2 millions de quintaux collectés à l'échelle nationale    La Chine impose des restrictions sur les importations d'équipements médicaux en provenance de l'UE    Annulation de la grève générale à la Compagnie des Phosphates de Gafsa    Elon Musk claque la porte de Trump et lance son propre parti    "Stop au génocide" : mobilisation pro-palestinienne à Stockholm    Chaleur en hausse : jusqu'à 41°C attendus    Permanences estivales au bureau de légalisation pour les Tunisiens de l'étranger    Incendies meurtriers en Europe : Grèce, Turquie et France en alerte    En photo : première sortie médiatique d'Adel Imam après plusieurs années d'absence    Tunisie : Entrée gratuite aux musées et sites archéologiques ce dimanche    Elon Musk annonce la création de sa formation politique, "le parti de l'Amérique"    Faouzi Ben Abderrahman fustige « l'immobilisme bavard » face à la crise de Tunisair    Espérance : Aucun accord avec Al-Ahly pour un match amical    Hatem Mziou : on cherche à instrumentaliser l'Ordre des avocats à des fins politiques    En Tunisie : les prix des huiles chutent, les légumes flambent !    Un monde où tout est confisqué : l'argent, la dignité, la foi    Accord de Gaza : Le Hamas exige que trois changements soient apportés    Construction sans permis : des élus proposent des amendes allant jusqu'à 700 dinars le m2    Le ministère du Transport limoge et remplace pour relancer Tunisair    Staff technique – l'USM tourne la page : L'après-Benzarti a débuté    L'attaquant de l'Espérance de Tunis, Rodrigo Rodrigues, refuse de revenir au championnat brésilien    Béja : Alerte sur la consommation de certaines sources naturelles    Révision du Code des collectivités locales en préparation, selon le ministère de l'Intérieur    Non-lieu en faveur de l'ex-ministre Samir Saïed    Nabeul envahie par la cochenille : « même nos maisons sont touchées »    Nouvelle vague de répression en Turquie : des maires du principal parti d'opposition arrêtés    Affaire "complot 2" : audience reportée au 8 juillet pour prononcé du jugement    Sécurité et terrorisme : Tunisie et Japon renforcent leur coopération à Tokyo    Découvrez la programmation complète du Festival de Bizerte 2025    Cessez-le-feu à Gaza : le Hamas prêt à discuter d'une trêve supervisée par Washington    Décès de Chawki Gaddes : Un juriste au cœur de la transition dès l'aube de 2011 et un pionnier de la protection des données personnelles    Vente de biens confisqués: Chafik Jarraya condamné à 16 ans de prison    Tunisie Telecom et l'Etoile Sportive du Sahel renouent leur partenariat stratégique autour de la marque Etoile Mobile    Météo en Tunisie : apparition de nuages denses accompagnés de pluies sur les zones du nord et centre    Enactus TBS sacré champion de l'Enactus Tunisia National Exposition pour la 3ème fois et se rendra à Bangkok    Entrée gratuite aux musées tunisiens et sites historiques de Tunisie ce dimanche    Décès de Hamadi Hachicha : un grand pionnier des assurances en Tunisie    Les portes de l'enfer s'ouvrent au paradis : De l'épître du pardon d'Al- Ma'arrî, de la divine comédie de Dante    Festival de Hammamet : tolérance zéro contre la revente illégale    Où étudier en France en 2025 ? Le top des villes pour les étudiants tunisiens    Diogo Jota est mort : choc dans le monde du football    Sidi Bou Saïd : vers un plan national pour prévenir les glissements de terrain    Tournoi scolaire de football 2025 : l'école primaire Al Mansourah à Kairouan remporte la finale nationale    Décès de Mrad Ben Mahmoud : Un photographe de grand talent nous quitte    Il ne fait rien... et pourtant il est payé : le métier le plus déroutant du monde    Vient de paraître - Paix en Palestine: Analyse du conflit israélo-palestinien de Mohamed Nafti    Wimbledon : Ons Jabeur contrainte à l'abandon après un malaise sur le court    Wimbledon 2025 : Ons Jabeur face à Viktoriya Tomova au premier tour    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Zied El-Heni à La Presse : «Notre patrimoine historique en péril»
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 03 - 2021

Zied El-Heni, journaliste et président de la Commission art et culture au sein du Conseil municipal de Carthage, lance un cri d'alarme face à l'absence de mesures drastiques pour faire face aux dangers qui guettent Carthage, la mémoire des Tunisiens, le patrimoine historique de la nation. Il revient sur les projets cruciaux à concrétiser et dresse un état des lieux critique. Entretien.
En tant que président de la commission art et culture de la municipalité de Carthage, vous dressez un état des lieux alarmant de notre patrimoine historique.
Carthage et sa zone jaune (zone archéologique) ont été dévastés par les constructions illégales. La municipalité de Carthage s'active pour résoudre le problème dans les plus brefs délais pour des raisons multiples et urgentes. En même temps, personnellement, j'ai fait plusieurs propositions pour y remédier en tant que président de la commission culturelle au sein du conseil municipal de Carthage et en tant que Carthaginois, attaché à ses origines, à son environnement et qui croit en un avenir meilleur pour ce site, à sa conservation et à sa valorisation durables. Ces projets peinent à se concrétiser. L'incapacité de la municipalité à agir efficacement laisse ce mal ronger les monuments, les ruines, les musées, tout le patrimoine historique de la région. Notre patrimoine historique fait face à de véritables menaces : il est en péril. Les citoyens ne voient pas de projets se concrétiser, ils s'impatientent et je leur donne raison : le danger des lobbys et des mafias guette le pays. C'est normal d'avoir peur et de douter. Cette colère se transforme souvent en dénigrement personnel, mais je ne réponds pas. Je suis en train de tout faire pour tenir mes promesses.
Des projets cruciaux pour remédier à la région sont donc en attente. Entre-temps, les problèmes s'accumulent dont celui des constructions anarchiques.
En effet ! Le problème des constructions anarchiques, d'après moi, est un problème essentiel d'Etat. Je dirais même que c'est un crime d'Etat. Je sépare entre les causes et effets. Les débordements et les dépassements sont des effets, mais les causes essentielles sont l'absence du Ppmv : Plan de protection et de mise en valeur. Je suis journaliste mais urbaniste également de formation. J'ai un DEA en droit foncier. Les deux tiers de Carthage sont archéologique : 285 hectares de Zone jaune à Carthage. Le territoire de Carthage est protégé par un décret de classement. Des spéculateurs profitent des propriétaires privés : il y a un amoncellement, un grignotage de terrain qui se fait et crée des effets dévastateurs. De nombreuses réunions ont été tenues depuis 2011 jusqu'à nos jours, avec le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, dont Mohamed Zine el Abidine : des engagements, des promesses se font, mais aucune concrétisation. Tout est à l'arrêt à cause d'une signature entre deux ministres : celui de la Culture et celui de l'Equipement. Il y a un projet finalisé de M.Jalel Abdelkafi qui est constamment retardé, face à l'indifférence des autorités et en l'absence d'un Etat : il s'agit, selon moi, d'une conspiration contre Carthage. Nous attendons avec impatience le nouveau ministre de la Culture et allons mettre ainsi tout le monde face à cette réalité. Les protestations se feront sentir à l'échelle nationale et internationale et prendront de nouvelles formes.
Avez-vous fait appel à l'Institut national du patrimoine ? Est-il intervenu ?
La majeure partie du territoire archéologique est sous la responsabilité de l'INP, mais il n'a pas de moyens. Le problème des moyens s'impose toujours. Il y a un manque de fermeté dans l'exécution des arrêtés. La gouvernance est faible. Dans la poursuite de l'exécution, il y a des défaillances. L'impunité pose aussi problème : les constructions dans les zones archéologiques sont passibles de prison, rappelons-le. Vendre des terres appartenant à des zones archéologiques sans lotissement agréé est un crime aussi. Tout ça se fait de nos jours et d'une manière effrénée. Le parquet reste inactif face à autant de dépassements.
Quelle est l'implication de la police municipale ?
C'est un problème de plus à soulever, justement : l'affiliation de la police municipale. Avant 2011, cette police était sous le contrôle de la municipalité. Après, elle est devenue affiliée au ministère de l'Intérieur. Elle est composée d'un chef de poste et de deux agents maximum, qui travaillent selon des horaires administratifs et sont absents donc pendant les week-ends et les vacances. Selon moi, il faut les ré-affilier sous l'égide du président de la municipalité. Il y a une nouvelle équipe opérationnelle pour l'instant, qui effectue son travail d'une façon extraordinaire. Carthage a besoin d'une équipe mobilisée, plus grande et qui travaille 24h/24. Il faut changer la réglementation et changer cette loi en cas d'intervention.
Où réside l'urgence d'agir ?
Un début de solution réside dans la sortie du Ppmv. Grâce à ce plan, nous pourrons nous adresser à des propriétaires, détenteurs de lots de terrains. Il existe aussi ce qu'on appelle « La protection fonctionnelle » : qui est un plan de sauvegarde proposé par Azdine Bach Chaouch, spécialiste, qui a déjà opéré dans les sites d'Ankor au Cambodge. Afin de protéger un terrain archéologique, on lui donne une fonction. Quand c'est un terrain nu, il reste exposé à différentes atteintes et infractions. Avec une fonction, il est protégé. Ce type de manœuvre a été appliqué du côté de Maalga et a montré son efficacité dans la protection de terrains. Sans Ppmv, ce danger guettera toujours Carthage et effacera notre héritage historique.
D'autres projets sont en attente de concrétisation, principalement ceux liés au port punique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L'INP a publié un communiqué en réponse à un post que j'avais rédigé. Une décision a été mûrement réfléchie concernant le port de Carthage. On a envisagé d'y lancer un projet en collaboration avec l'INP, le ministère de la Culture, l'Anep et l'Unesco. La municipalité n'a pas les ressources nécessaires pour lancer un bureau d'études ou pour élaborer jusqu'au bout un projet, ni l'INP qui manque aussi d'argent. Etant donné que Carthage est un patrimoine mondial, l'Unesco, préoccupée par le sort de Carthage, pourra intervenir. On a l'intention de lancer un projet collaboratif. La municipalité de Carthage est parmi les plus pauvres de la République Tunisienne. Qu'est-ce qui fait la richesse d'une municipalité ? Sa zone industrielle, touristique, sa marina et son patrimoine immobilier. On n'a presque rien de tout ça ! Les trois quarts de nos terres sont une zone jaune, et il n'existe pas de villas en hauteur. Avant 2011, une convention entre l'Anep et la municipalité existait et permettait à la municipalité de bénéficier des entrées des musées et des sites archéologiques. Les pseudo-« révolutionnaires » d'après 2011 ont eu raison de ce décret en accusant la municipalité de pots-de-vin reçus de la part de Ben Ali. Le tiers des revenus de la municipalité s'est évaporé. Une subvention importante qu'on recevait de la part du Palais a disparu aussi après 2011, sous Marzouki. Nous cherchons donc à être partenaires : l'affectation du site doit être bénéficiaire à la municipalité et au ministère à parts égales. La municipalité ne touche plus un millime depuis des années sur les entrées aux sites de la ville et c'est criminel. En lançant un projet au port punique, on ne le déclassera pas et on ne vendra pas ses terrains à des promoteurs privés. On veut que ça soit un site ouvert et exploité. Un projet élaboré par des experts de l'INP et de l'Unesco éclaircira cette vision également ralentie par l'existence d'une école de police sur place et qui pourrait être déplacée. On ouvrira ainsi ce site après 14 siècles de déni de Carthage. C'est un symbole. Carthage est un symbole de souveraineté pour les Tunisiens. L'histoire a prouvé qu'elle n'appartenait à aucune autre puissance. Une civilisation qui a toujours été autonome. Carthage a crée l'union méditerranéenne : le Sud et le Nord méditerranéen doivent être unis.
La création d'un musée panoramique à Borj Boukhriss a été citée ainsi qu'une école de mosaïque. Ces deux projets sont-ils toujours d'actualité ?
Il s'est avéré que depuis 2017, Borj Boukhriss est devenu une propriété de l'INP. Ce n'est plus un terrain du ministère des Domaines de l'Etat. Je me suis adressé à Moez Achour (à la tête de la direction du Conservatoire de Carthage) qui reste ouvert à la collaboration. On tient à l'instauration de ce monument pour Carthage et on tient à ce qu'il soit panoramique : une histoire retracée avec toute la haute technologie nécessaire et dans l'air du temps. Ce projet verra le jour avec la collaboration de l'INP également dans le cadre d'un partenariat public-privé. Pour l'école de mosaïque, comme on a un cimetière chrétien à Byrsa affilié à la municipalité, on a conclu un accord avec l'évêque de Carthage, remédiant ainsi au saccage des lieux et procédant à la construction d'un caveau. Dans le cadre d'une cérémonie organisée sous la houlette du ministère des Affaires religieuses, des tombeaux seront déplacés dans ce nouveau caveau. A la place, nous construirons une piscine municipale et une école de mosaïque. Les lieux sont actuellement abandonnés, saccagés, fréquentés par de jeunes toxicos, démunis et livrés à eux-mêmes. Un danger pour la jeunesse et les habitants. Tout se déroulera sous les consignes de l'INP en respectant le Ppmv.
Sous feu Béji Caïd Essebsi, une statue d'Hannibal devait voir le jour. Où en sont les faits ?
BCE a constitué une commission rassemblant la municipalité, l'association Hannibal, les ministères de la Défense, de la Culture, du Tourisme, de l'Equipement, du Transport et des Affaires étrangères afin d'aboutir à ce projet. On avait fait appel à un sculpteur de renommée lors des réunions organisées au Palais. Malheureusement, la conception de ce spécialiste n'avait pas plu... et le projet a été abandonné petit à petit. On a deux lieux à proposer : un jardin municipal et la plage de Carthage Byrsa. Nous devons remobiliser la société civile et les institutions concernées et choisir entre deux modèles esthétiques en mettant le symbolique et l'abstrait en évidence et en célébrant une nouvelle date, celle du 22 août, date-clé d'une bataille historique, celle d'Hannibal. BCE était sensible à l'histoire, Paix à son âme. Il était à l'écoute. Je tiens à mettre ces importants projets en œuvre : au moins à les proposer ... les léguant ainsi aux générations prochaines.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.