Le thème proposé aux plasticiens a trouvé des réponses différentes mais justes, par cinq artistes qui ont décidé de ne pas rester sourds aux doléances de la terre-mère Dernièrement arrivée sur la scène des arts plastiques, la galerie Musk and Amber est en train de se tailler une place de choix dans le paysage. Des artistes soigneusement choisis, des thèmes soigneusement élaborés, des scénographies soigneusement étudiées font de ses cimaises un lieu que l'on aime visiter. Pour sa dernière exposition, Lamia Ben Ayed, qui anime ce lieu avec élégance et doigté, a demandé aux artistes de travailler sur le thème de la nature agressée, l'environnement maltraité, la terre défigurée. «Cinq artistes en mal de terre», comme les nomme Jean Lancri, ont entrepris de répondre aux appels de Gaïa, la terre nourricière, agressée, balafrée par ce «trop» qui est toujours l'ennemi du bien. «Barcha», le thème proposé aux plasticiens, a trouvé des réponses différentes mais justes, par ces cinq artistes qui ont décidé de ne pas rester sourds aux doléances de la terre-mère. Barcha, parce que trop, c'est trop, et que ce vocable typiquement tunisien, que l'on chante, ou que les autres arabes nous servent en guise de reconnaissance de notre tunisianité, en même temps que le «Aïchek», exprime ce ras-le-bol. Sana Tamzini, la toute nouvelle directrice des arts plastiques, au talent reconnu, a conçu un mobile à la Calder. En équilibre dynamique, des tablettes tactiles offrent au spectateur des images du parc du Belvédère, «avant et après». Un avant glorieux, un après pathétique, un désastre présenté sans commentaires ni fioritures, oubliant le poids des mots pour laisser place au choc des images. Mouna Jmel, quant à elle, a choisi de sacraliser les objets qui ont longtemps alimenté nos pires cauchemars : les poubelles, les bennes à ordures, les balais et les jabadas. Par dérision, avec un humour noir, elle leur offre un noble statut, les revêtant d'or et de diamants, couvrant de somptueux atours ces instruments de notre trivialité Wadi Mhiri est le seul homme dans ce quintet d'artistes, et son travail pourrait sembler à première vue le plus féminin. Des bustes de grès, ornés de petites fleurs, mais à y regarder de plus près des traces d'impact de chevrotine qui altèrent l'harmonie des corps d'argile, et qui rappellent que la barbarie est là. Houda Ghorbal présente un univers où la nature est frappée de maléfices, où les fleurs ne sont plus qu'épines, et les oiseaux serpents. La nature n'est plus qu'agression et sauvagerie. Houda Ghorbal travaille comme une styliste, taille, coupe, coud, assemble, mais cet univers qui se crée sous ses mains échappe à sa maîtrise pour sombrer dans la terreur. Héla Lamine surprendra toujours. Elle présente une déclinaison de photos, dont elle varie les tonalités. Ces photos, prises lors de promenades, lui font prendre conscience d'une chose : il devient extrêmement difficile de photographier un paysage, un décor, sans que ne s'y glissent quelques déchets. Alors peut-être faut-il se résoudre à ce qu'ils fassent partie de la composition ? Dire que cette exposition encense la nature et annonce des lendemains qui chantent serait pur contresens. Mais elle a du moins le mérite de présenter le regard et la prise de conscience d'artistes qui sont les guetteurs de notre monde